- A-LE CADRE DE VIE : LES VILLES ET PERIPHERIES
- B-LE CADRE DE VIE : LE MONDE RURAL
- C-SE DEPLACER EN GAULE
A-LE CADRE DE VIE : LES VILLES ET PERIPHERIES
Maquette d’Arles à l’époque romaine avec enceinte, forum, théâtre, amphithéâtre, quartier portuaire, pont de bateaux… | Plan simplifié de l’agglomération de Drevant dans le Cher |
1-Les chefs-lieux (= capitales des cités)
-L’urbanisation est continue surtout entre Tibère et les Flaviens (v20 à v100) et l’extension maximale se situe entre 150 et 200. Beaucoup de villes ont eu un long destin et existent encore mais certaines ont été des échecs relatifs (Javols, Saint-Paulien, Corseul, Jublains, Therouanne…).
–Le plan urbain idéal (parfaitement orthogonal) n’existe que dans les colonies (et encore ! car il est absent à Nîmes ou Vienne et présent à Corseul, Autun, Lutèce). Pour l’Aquitaine, par exemple, le réseau viaire est très régulier à Limoges (ce n’est pas une colonie), assez régulier à Bordeaux, très irrégulier à Poitiers ! La trame urbaine s’adapte souvent aux contraintes naturelles : des sites connaissent de grands travaux de nivellement et de terrassement (Paris, Poitiers, Limoges, Le Mans, Bourges, Avignon, Langres), d’assainissement de vallées (Amiens, Beauvais, Evreux, Dax). Ces travaux permettent aussi une probable mise en scène des monuments, évoquée de plus en plus souvent dans les publications scientifiques (pour Vienne, Lyon, Paris, Limoges, Clermont-Ferrand…). Les ilots sont très variés (296 x 296m à Toulouse, 128 x 106 m à Amiens, 110 x 100m à Autun, 110 x 90m à Clermont-Ferrand, 90 x 90m à Paris -mais pas tous-, 70 x 70 m à Vieux, 70 x36m ou 36 x 36m à Lyon au moment de la fondation de la colonie, 68 à 45 m à Rennes et seulement 35 x 25 m à Arles) et même irréguliers à l’intérieur d’une ville (à Reims, 175 à 125 m dans le sens est-ouest et 150 à 130 m dans le sens nord-sud).
–Les superficies sont très contrastées (de 550 ha à Reims à 1 ha…). La moyenne doit se situer entre 60 et 100 ha.
-De nombreuses estimations de populations se rencontrent dans les publications mais elles doivent rester des hypothèses : 30 à 10 000 habitants pour Lyon, Narbonne, Nîmes, Vienne, Bordeaux, Autun, Reims…
-Au-delà du centre urbain proprement dit, s’étend la périphérie, l’ensemble des faubourgs (suburbia), traversés par des voies. S’y côtoient des quartiers habités, des auberges (à Narbonne, Bordeaux, Clermont-Ferrand…), des cimetières, des zones artisanales (souvent dans le centre ville jusqu’au milieu du Ier s.), des carrières et des décharges, de vastes sanctuaires (Autun, Chartres, Meaux, Corseul…), des édifices de spectacles (Metz, Tours, Orléans, Bordeaux…).
2-Des agglomérations grandes et petites…
-Les spécialistes sont très divisés sur les noms à donner aux différents types d’agglomérations qui existaient en Gaule romaine. De multiples classements ont été entrepris avec 5 à 10 catégories !
-La première catégorie, au sommet, est la seule à être consensuelle : les CHEFS-LIEUX, capitales de cités.
-Les catégories suivantes (agglomération urbaine, bourgade à dominante religieuse, thermale, routière, artisanale, rurale, bourgade aux activités diversifiées…) sont souvent regroupées sous l’appellation : « agglomérations secondaires ». L’expression est d’ailleurs l’objet de nombreux débats (Garmy et Monteil sont favorables à son utilisation tandis que Favory et Leveau préfèrent utiliser les termes de la géographie actuelle). Très justement, F. Barret (thèse sur les agglomérations secondaires du Massif central), juge qu’il « n’est pas pertinent d’employer les expressions d’agglomération thermale, sanctuaire ou routière ». Ces termes sont en effet le reflet d’un état des connaissances, lequel peut évoluer. Certaines catégories peuvent néanmoins être maintenues : les agglomérations à dominante artisanale (Lezoux, Pouillé, Blond, Saulieu…), les bourgades « routières » et les villages-rues (Thésée ?, Vaise, Ambrussum… ; Le « cursus publicus » est tardif et la « mansio » est un gîte d’étape ; On trouve au moins une auberge = hospitium, taberna…), les « villages » et agglomérations rurales (Lunel-Vieil, Wasserwald…).
-Ces agglomérations sont à peu près tous les 10-40 km, essentiellement dans les cités les plus vastes (chefs-lieux éloignés). L’habitat y est modeste, souvent aligné le long des axes (Bliesbruck). Leur statut est mal connu : certaines sont peut-être des « capitales » de pagus ou des vici (Jouars-Pontchartrain ou Horbourg-Wihr).
–Des agglomérations, non chefs-lieux, ne cessent de surprendre, par leur caractère « urbain » : certaines sont vastes (140 ha à Chassenon), ont un réseau orthogonal rigoureux (Beaumont-sur-Oise, Pont-de-Metz mais Famars a 4 trames différentes selon les quartiers !), une organisation urbaine originale (bande hexagonale habitée sur 6 km à Vieil-Evreux, voirie rayonnante à Grand), une vaste place ouverte (le terme de forum est normalement réservé aux chefs-lieux, mais pourtant il est clairement cité sur une inscription de Vendoeuvres-en-Brenne !), un centre public monumental (Vieil-Evreux, Sanxay, Chassenon), des sanctuaires hors-normes (sur 20 ha à Mandeure), des thermes imposants (Chassenon), des édifices de spectacles (peut-être 2 à Chassenon, 2 à Argenton, 2 à Vendeuil-Caply), de grands entrepôts (Barzan), des remparts (Grand), des domus d’un certain « standing »…
Quelques grandes places (« fora » ?) dans des agglomérations secondaires : Alésia (place de 5000m2 et basilique sur l’oppidum), Ambrussum (place dallée précoce découverte en 2016 sur l’oppidum), Annecy (80x64m = 3250m2 + basilique), Argenton (61x70m = 4300m2 + basilique), Barzan (esplanade dite « Grande Avenue » 500x50m), Bibracte (2 ou 3 sites : « basilique » avec 2 « cours » ; cour à portique 43x43m ; plate-forme PC14), Bliesbruck (5100m2), Eu (basilique seule ?), Grand (basilique avec vaste mosaïque 224 m2), Laudun (place et basilique), Malain ?, Murviel (45x75m), Naix-aux-Forges (3 cours, 1,2ha), Néris-les-Bains ?, Vendeuvre-du-Poitou (place double), Vendoeuvres, Verdes (100x70m = 2400m2 + basilique), Vertault (100x80m = 15000m2), Villeneuve/s/Lot (200x50m + basilique)…
Rue à trottoir et portique de Vaison-la-Romaine | Maquette d’une domus de Besançon |
3-Dehors et dedans…
–Les rues sont d’abord en terre puis dallées ou recouvertes de cailloutis. Elles mesurent 4/5m de largeur à Corseul, 8m à Autun, 9m à Sens, 9 à 15m pour le cardo de Paris, 15m à Amiens et Reims, 16 à 24m à Limoges. La plus longue rue des Gaules a été aménagée à Reims : elle faisait 2,6 km ! Des trottoirs existent presque tout le temps. Des portiques sont aménagés le long de certaines rues mais aussi devant des monuments publics. Pour la première fois en Gaule, semble-t-il, un passage pour piétons a été découvert à Argenton (BSR 2016). Dans certains agglomérations (Barzan, Alba, Chateaubleau, Evaux-les-Bains…), de grandes voies reliaient un sanctuaire à des thermes ou à un autre sanctuaire, en un parcours « symbolique ».
-Globalement, l’habitat est de type « colombage » (bois, torchis) jusque dans les années 50/100 puis peu à peu maçonné.
-Des domus (résidences des notables) sont parfois très vastes, avec un plan axial fondé sur des boutiques (donnant sur la rue), un atrium (1ère cour) et souvent un péristyle (2ème cour plus vaste), une salle de réception, des thermes, un jardin.
L’Habitat est également traité sur la fiche Vivre en Gaule -« Une journée de gallo-romain »
4-OPUS ! Les appareils de construction ou de parement des murs
Les architectes, maçons et tailleurs de pierre utilisent une grande variété de matériaux, terre, torchis (terre et paille), cailloutis, bois, tuile, brique, pierre surtout (moellons liés au mortier de chaux).Les spécialistes de l’architecture romaine connaissent une impressionnante liste d’appareils (= façons de préparer, d’assembler des matériaux de construction). Même le site Wikipédia a réalisé un tableau de 5 appareils de construction, 7 appareils de parement et 20 appareils décoratifs (que nous laissons de côté). La Gaule semble avoir privilégié 8 appareils différents, selon les dimensions (grand, moyen et petit appareil) et les pierres de carrière, disponibles.
5-Les enceintes urbaines : symbolisme ou protection ?
a)Les enceintes urbaines du Haut Empire : 17 ou 18 sont connues, surtout en Narbonnaise. Elles sont symboliques (limite de la ville), honorifiques, ostentatoires, vastes (la superficie intra-muros est souvent disproportionnée par rapport à la population). Parmi les portes, celles à cour intérieure -quadrangulaire ou circulaire- sont imposantes (15 sont attestées ou supposées en Gaule, dont 4 à Autun, 2 à Nîmes, 2 à Toulouse, 2 à Fréjus…). Quelques villes ont été pourvues, non d’une enceinte en pierre mais d’un talus et fossé : Reims (v-50/-20), Chartres (époque augustéenne ou claudienne ?), Amiens (v 20/50), Soissons, Beauvais, Jublains, Limoges (v-15/-5, sur 2,8 km, découvert en 2004 et 2015).Des camps sont à l’origine de certaines agglomérations : Eu, Vendeuil-Caply, Melun, Biesheim, Seltz, Strasbourg, Mirebeau… A Saintes, un double fossé et un talus (utilisés jusqu’au Ier) témoigne de la présence d’une enceinte ou d’un camp.
Liste des enceintes du Haut Empire : Aléria (v-50/-30) , Vertault (v-40/-20), Gaujac, Laudun, Arles (v-20/-10 ?), Vienne (v-20/-10), Autun (v-15 à 30), Orange (v-30/-10), Valence (v-10/10), Lyon (époque augustéenne ; attestée depuis peu), Nîmes (v1 à v25), Carpentras (1ère moitié du Ier), St Paul-Trois-Châteaux (début Ier), Toulouse (v20/30), Aix-en-Provence (v20/40), Fréjus (v50/80), Grand (v80/120), Apt ?. Agde, Lattes, Glanum, Mariana, Marseille, Olbia gardent leur enceinte indigène ou hellénistique.
Les plus grandes enceintes (en hectares) : Vienne (250), Nîmes (220), Autun (200), Toulouse (90), Orange (60/70), Aix-en-P. (67), Fréjus (46)…
b)Les enceintes urbaines de l’Antiquité tardive : 29 ou 30 construites au IIIème s., 18 à 20 au IVème s., 6 ou 7 au Vème s., 25 de datation incertaine et 11 d’existence hypothétique. Contrairement à une idée reçue (invasions = panique = construction rapide), ces enceintes sont souvent de qualité (décor géométrique exceptionnel au Mans, portes de Nantes et de Périgueux) mais utilisant des matériaux de réemplois à la base. Ces réemplois sont prélevés sur le tracé et dans l’environnement proche du rempart à bâtir. Des édifices publics sont parfois intégrés à la muraille : forum à Bavay, arcs à Reims, Langres, Die, théâtre à Lillebonne, amphithéâtres à Amiens, Tours, Périgueux. Leur superficie est réduite et des édifices prestigieux se retrouvent souvent exclus de la nouvelle ville remparée, ce qui pose question ! Ainsi les fora d’Angers, Paris, Périgueux, Saintes, Tours, Vannes, Le Mans… Autre « mystère » : des villes, parfois importantes, ne reçoivent pas cette protection : Carhaix, Corseul, Jublains, Feurs, Javols, Vaison, Cimiez…
Liste des enceintes de l’Antiquité tardive : cf fiche Armée en Gaule « Engagez-vous, engagez-vous… »
Les plus grandes enceintes (en hectares et en km) : Metz (58ha, 3km, 3 portes ?), Reims (55ha, 4 portes), Sens (45ha, 2,8km), Poitiers (42ha, 2,6km), Langres (40ha), Lyon (40/20ha ??), Vienne (36ha ?), Bordeaux (32ha, 2,3km, 46 tours ?), Bourges (26ha, 2,5km, 4 portes, 46 tours), Orléans (25ha) et Die (25ha, 1,9km, 50 tours ?), Rouen (23ha), Amiens (20ha, 1,9km, 2 ou 3 portes), Béziers (19ha ??), Arles (18ha), Nantes (18ha, 1,7km, 11 tours, 3 portes) et Avignon (18ha), Narbonne (17ha, 1,6km, 2 portes ?), Saintes (16ha, 1,5km) et Troyes (16ha), Soissons (13ha), Dax (12ha, 1,5km, 3 portes, 46 tours) et Rodez (12ha), Beauvais (11ha, 1,3km, 18 tours) et Chalon/s/S. (11ha, 1,3km, 3 portes, 18 tours)…
6-A la gloire de Rome
–Les arcs (environ 40 connus) sont des marqueurs des limites du paysage urbain, des portes routières (à 2 ouvertures) et honorifiques (à 1 ou 3 ouvertures généralement), au décor symbolique, militaire ou mythologique (domination de l’espace, loyalisme, prospérité).
La série Auguste-Tibère : 2 à 4 disparus à Arles (dont l’arc du Rhône vers -26/-25 et l’ Arc Admirable vers 10/15), 2 ou 3 à Langres (vers -10/10), Cavaillon (vers 1/10, tétrapyle), Carpentras (vers 1/10), Glanum (vers 10/20), Saintes (en 19, 2 arches, sur un pont à l’origine), Orange (sans doute un premier arc détruit par une crue puis un second arc, à Tibère v26/27 ? ; ou alors un seul arc construit en une fois, sous Auguste ? ; décor à la fois guerrier -batailles, armes, captifs, trophées navals- et pacifique -coqs, masques, guirlandes-), Poitiers (3 arches, détruit).
La série de fin IIème-début IIIème s. : Besançon (Porte Noire, vers 176/180, décor sur les mythes grecs), 4 à Reims (vers 180/200, les plus grands du monde romain, dont la porte de Mars, datée maintenant de 200/250 et hommage à l’éternité pour le décor), Die (2 arcs)…
D’autres arcs sont attestés à Toulouse, Béziers, Aix-en-Provence, Vienne, Moutiers ?, Grenoble ?…
-Les trophées sont plus rarement urbains : 2 disparus : confluent Isère-Rhône (-121, par Cn. Domitius Ahenobarbus) et confluent Sorgue-Rhône (-121, par Q. Fabius Maximus) ; Le Perthus (vers -70, par Pompée ; au col de Panissars ; base 36x30m, tour-porche ; hauteur possible 35 à 60m) ; St Bertrand-de-Comminges (vers -13 ; pas de tour mais 3 groupes sculptés) ; La Turbie (vers -7/-6, par Auguste ; base 38x38m, 2 soubassements et rotonde ; hauteur possible 50m ; 44 peuples cités) ; Urkulu (sous Auguste ?, dans le pays basque, à 1420m ; tour tronconique 19,50m diamètre ; hauteur possible 10/11m)
Maquette du forum de Lutèce (Paris) | Basilique civile d’Alesia |
7-Forum, basilique, curie : composantes du centre monumental
–Le forum est une esplanade rectangulaire à portiques, marqueur du centre civique de la cité. Il n’est pas toujours au centre de la ville (à Aix-en-Provence) ni au croisement des voies principales (les célèbres « cardo » et « decumanus »). Il comprend souvent une basilique (lieu de réunion, de justice, marché couvert ?), une curie (lieu de réunion du sénat de la cité, comme celles de Vieux, Feurs, Périgueux), un temple du culte impérial, des boutiques, des cryptoportiques en sous-sol (lieux de stockage ?, à Arles, Bavay, Feurs, Reims, Narbonne ?…), des galeries sanitaires souterraines pour lutter contre l’humidité (à Clermont-Ferrand). A Amiens, un amphithéâtre est associé au forum.
-Le plan du forum est souvent axial et tripartite -basilique, place, temple- (Feurs, Paris, Bavay…) mais d’autres cas existent : l’esplanade est double à Amiens, Vannes ou Périgueux (séparée par la basilique), voir triple à Limoges, Alba, Fréjus (en terrasses). Le temple est parfois séparé de la place (Vienne) ou perpendiculaire à celle-ci (Glanum). A St Bertrand-de-C., le temple tourne même le dos à la place !-Certains fora sont modestes (Ruscino, Glanum, Narbonne), d’autres surdimensionnés (Amiens fait 4 ha, Reims 3 ha, Bavay 2,5 ha, Périgueux).
-Un forum, découvert en 2016, est resté inachevé à Ambrussum et un « proto-forum » a peut-être été découvert à Bibracte en 2014, daté de -50 à -10 environ. En tout cas, des fora sont précoces (Glanum vers -30/-20 et 20/60, Arles vers -25, Vienne vers -20, Ruscino vers -10/5, Javols, Reims, Rennes et Vannes vers -10/10, Saint-Bertrand-de-Comminges vers 5/15, Feurs vers 10/30, Fréjus vers 15/20), d’autres plusieurs fois reconstruits (Périgueux vers 30/60 puis vers 70/80, 80/120 et vers 150, Bavay vers 50/80 puis 180/200, Amiens vers 50/70 puis 80/100) ou agrandis. Ce sont des chantiers de longue durée : de 70 à 120 environ à Vannes, de 80 à 120 environ à Alba.
-Peu de fora sont connus avec précision (environ 20), beaucoup sont non identifiés (Rouen, Beauvais, Senlis, Meaux, Rennes, Carhaix, Angers, Le Mans, Nantes, Saintes, Poitiers, Bordeaux, Cimiez, Die, Valence, Béziers) ou objets de controverses (Autun, Lyon, Vienne, Bourges, Marseille).
-Un autre sujet de débats (déjà évoqué plus haut) concerne la présence de grande place ouverte, dans des agglomérations secondaires (juridiquement dépourvues de forum, réservé au chef-lieu), à Alésia, Verdes, Murviel, Laudun, Vendoeuvres-en-Brenne et Vendeuvre-du-P., Barzan (une immense esplanade végétalisée de 500x50m !) … Pourquoi ne pas envisager un « forum » sans rôle civique ? un « forum » sans lieu politique et religieux ? Pourquoi ne pas se dire que les habitants d’une agglomération pouvaient utiliser un vocabulaire normalement urbain ? Pour A. Bouet, ce n’est pas un forum mais, pour F. Dumasy et M. Dondin-Payre, oui…
Découvertes récentes : Lillebonne en 2000, Corseul en 2002, Auch et Vieux en 2005, Clermont-Ferrand en 2006, Vaison en 2011, Valognes ? en 2012, Ambrussum en 2016, Bayeux ?, Evreux ?, Cavaillon ?.
Les dimensions de quelques fora (en mètres) : Amiens (320×120), Reims (250×125), Autun (240×160 ?), Bavay (240×100), Fréjus (220×75), Sens (210×110 ?), Périgueux (200×100), Paris (178×89), Feurs (173×76), Vannes (172×96), Limoges (150×100 ?), Rodez (140×61 ou 87), Vieux (112×51), Arles (106×62), Vienne (100×80 ?), Vaison (100×70 ?), Auch (89×59), Narbonne (87×67), Aléria (74×37), Javols (73×56), Ruscino (60×50), Glanum (41×31)…
8-Les sanctuaires : voir fiche MONDE DES DIEUX
L’amphithéâtre d’Arles | L’amphithéâtre à cavea incomplète de Grand |
Le théâtre d’Orange | Le théâtre « gallo-romain » d’Argenton/s/Creuse |
9-Que le spectacle commence !
-Il y en a environ 200 édifices de spectacle connus, répartis en plusieurs catégories. Ils sont particulièrement nombreux dans l’ouest du Bassin Parisien (7 chez les Véliocasses et les Senons, 9 chez les Carnutes, 10 chez les Bituriges), rares en Armorique (aucun amphithéâtre), dans le nord-est et en Novempopulanie. Les chefs-lieux de Narbonnaise ont généralement un amphithéâtre et un théâtre tandis que ceux des Trois Gaules ont rarement un théâtre. Les spectacles violents se déroulent dans les amphithéâtres et les comédies ou les pantomimes (plus rarement les tragédies), dans les théâtres. Des comédiens sont attestés à Nîmes et Vienne et un jeune danseur à Antibes. De nombreux théâtres, proches d’un sanctuaire, devaient avoir un rôle religieux -culte impérial- (à Vienne, Mandeure, St Cybardeaux, Autun, Naves, Orange… A Vendeuil, Champlieu ou Beaumont-sur-Oise, un « sacellum » -espace cultuel- est aménagé dans le théâtre). Dans ces théâtres, on mettait aussi en scène les notables (présence d’un « gradin d’honneur » pour environ 60 personnes à Argenton), les « ludi scaenici » des évergètes et les dieux (couloirs pour des processions, tribune pour exposer des statues). Des curiosités : une source dans l’orchestra du théâtre de Sanxay et une rivière sous la scène du théâtre d’Alba.
Découvertes récentes :-amphithéâtres : peut-être à Lezoux en 2002, Cahors en 2008, Vaison en 2011 (assez simple et de type déblais-remblais), peut-être à Clermont-Ferrand en 2013 (d’après un plan de 1574 et des toponymes) ; -théâtres : Aix-en-Provence en 2004, Meaux -le second- et Ceyrat près de Clermont-Ferrand en 2005, Amiens en 2006, Senon en 2008, Magny-Cours en 2010, Corent en 2011, Estrées-St-Denis, Béziers et Varennes/s/Vouzon dans l’Indre en 2014, Boiscommun en Loiret vers 2017, Sainte-Ruffine en moselle, Boult-sur-Suippe (en bois) dans la Marne
Des doutes subsistent pour Avignon (théâtre non assuré et hypothèse d’un amphithéâtre d’après le parcellaire), Bordeaux (théâtre possible vers la rue Ruat), Chalon/s/Saône, Chassenon (amphithéâtre assuré + peut-être un théâtre d’après un tracé en fer à cheval), Clermont-Ferrand (peut-être un second théâtre, en ville et un amphithéâtre), Glanum (théâtre ?), Javols (théâtre ou édifice à arène ?), Melun (édifice à arène possible), Troyes (hypothèse très théorique d’un amphithéâtre), Valence (théâtre possible et amphithéâtre non assuré)…
a)-Environ 40 amphithéâtres, surtout dans les chefs-lieux et en périphérie urbaine. Ils sont de structure pleine (appui sur les flancs d’une vallée, d’une colline ou sur des remblais) ou creuse (construction plus monumentale).
–1ère vague sous les Julio-Claudiens : Lyon (le plus ancien des Trois Gaules, vers 10/20), Agen (le plus ancien d’Aquitaine), Saintes (vers 20/50, à la fois structure pleine et creuse), Poitiers (vers 40/50, le plus grand d’Aquitaine), Toulouse (vers 50, en brique, à structure pleine), Senlis (le plus ancien de Belgique vers 50), Périgueux (vers 50/80)…
–2ème vague sous les Flaviens : Béziers (vers 80), Narbonne (vers 70/90), Cimiez (vers 70/90), Besançon (vers 70/100), Tours et Metz (vers 80/100), Arles (vers 80/90).
–plus tardifs (IIème s.) : Fréjus (vers 80/120), Bordeaux (vers 90/150, 20 000 places, maçonneries en petit appareil et utilisation massive de bois), Nîmes (daté récemment des années 100/130, 24 000 places, seul monument à avoir conservé sa signalétique de placement des spectateurs, tous les 40 centimètres et des consoles pour le passage des mâts -124- du velum), Limoges (25 000 places, hors de la ville sur le point le plus élevé), Amiens (associé au forum, en « centre ville »). Trois amphithéâtres sont agrandis : Tours (vers 150/180, il devient le plus grand des Gaules avec 34 000 places environ), Cimiez (vers 200) et Toulouse (vers 250).
b)-Quelques amphithéâtres à cavea incomplète : Gennes, Grand (vers 90/120, 148 x 64m), Montbouy…
c)-Des théâtres classiques, surtout en Narbonnaise. Exemples : Arles (le plus ancien, vers -20/-12), Alba (1er édifice vers -20, reconstruit vers 15/20 puis vers 120), Apt (vers -10), Lyon (le plus ancien des Trois Gaules vers -15/-10), Orange (vers 5/15), Aix-en-Provence (redécouverte récente, vers 10/40), Vaison (vers 20/50), Cahors (le plus ancien d’Aquitaine), Fréjus (vers 20/40 ?), Vienne (sous Auguste puis vers 40/50), Autun (le plus vaste, vers 80), Amiens (tardif, vers 120), Jublains (vers 80/90), Meaux, Paris (rue Racine), Vendeuil-Caply (2ème état) …
d)-De nombreux théâtres dits « gallo-romains » (cavea classique ou outrepassée + arène incomplète ou orchestra classique + scène souvent réduite, sans doute cadre du pantomime), surtout dans les agglomérations secondaires : Eu (2 états),Vieux (1er état), Argenton (cavea outrepassée, vers 50 puis reconstruit vers 180/220), Drevant (cavea outrepassée), Alésia (cavea outrepassée), Néris-les-Bains (cavea classique et arène incomplète), Naintré (pas d’arène mais scène étroite), Mandeure (3ème théâtre le plus vaste), St Cybardeaux (pas d’arène), Aubigné-Racan (pas d’arène, scène réduite), Senon et Amel (2 théâtres à cavea semi-circulaire outrepassée, à 1,5 km de distance) …
e)-Des théâtres dotés d’une arène complète (= édifices à arène), surtout dans le nord-ouest de la Gaule : Beaumont-sur-Oise (2ème état),Evreux, Genainville, Lillebonne, Lisieux (?), Ribemont-sur-Ancre, Valognes, Vieil-Evreux (2ème état), Vieux (2ème état, vers 180/200), Sanxay (à cavea outrepassée)…
f)-Quelques théâtres particuliers : Epiais-Rhus (cavea rectangulaire), Arleuf (cavea rectangulaire), Corent (le plus ancien et sur un oppidum, vers -50/-20 ?), Antigny (cavea polygonale, vers 80), Paris (rue Monge, vers 50/80, scène inhabituelle), Vendeuil-Caply (1er état : cavea rectangulaire), Barzan (vers 25/50 agrandie vers 80/120) et Vieil-Evreux (deux « ailes » encadrent l’orchestra), Naves (tardif)…
g)-3 ou 4 odéons connus, à Lyon et Vienne (vers 90/130, 3 000 places), Valence (vers 30/60, découverte récente), peut-être à Metz.
h)-3 cirques, à Lyon, Vienne (vers 80/100, agrandi vers 150/200, 460x120m, 22 000 places), Arles (vers 150, 450x101m, 20 000 places).
i)-Un stade à Vienne (construit vers 45).
–Les plus grands amphithéâtres (en mètres) : Tours (156×134), Poitiers (156×130,50), Autun (154×130), Metz (148×124), Sens (144×130), Lyon (143×117), Limoges (137×116), Arles (137×109), Nîmes (135×101), Bordeaux (132×111), Rouen (128×112), Saintes (126×102), Besançon (125×106), Orange (125×90 ?), Périgueux (124×103), Narbonne (122×93), Angers (117×100 ?)Amiens (113×99), Fréjus (113×83), Rodez (110×97), Béziers (109×89), Chassenon (107×88)… ; Le plus petit amphithéâtre est sans doute celui d’Aléria, en Corse.
–Les plus grands théâtres (diamètre en mètres) : Autun (148), Grand (148), Soissons (144 ?), Mandeure (142), Entrains (135), Amiens (140/120), Orléans, Vendeuvre et Tarquimpol (120), Genainville (118), Naintré et Autun, Ht du Verger (116), Apt (112), Le Mans (110 ?), Lyon (109), Lillebonne (108), Vieil-Evreux, Vienne et St Cybardeaux (106), Orange et Sceaux-du-G. (104), Eu et Arles (102), Aix-en-P. (101)… Les plus petits théâtres connus sont ceux de Estrées-Saint-Denis (16m), Corent (20m), Saint-Goussaud et Pont-de-Metz (30m).
Plan des thermes de Chassenon | Piscine des thermes de Chassenon |
10-Pour une petite baignade…
-Les thermes sont très nombreux et bien connus avec leurs salles « classiques », vestiaire (apodyterium), salle froide (frigidarium), salle tiède (tépidarium), salle chaude (destrictarium et caldarium), étuve sèche ou humide (laconicum et sudatorium), palestre (avec parfois une piscine dite natatio), foyers (praefurnium) pour chauffer l’air des hypocaustes (chauffage par le sol) et l’eau des bassins, latrines (nettoyées par la vidange de l’eau des bassins)… Les salles froides sont les plus grandes et généralement près de l’entrée. Quelques rares chaudières en plomb de thermes ont été découvertes, en ville (aux thermes Saint-Etienne de Toulouse) ou dans une villa (à Saint-Pathus, en Seine-et-Marne).
-Les thermes semblent apparaître tardivement : les plus anciens connus sont très peu nombreux, à Cornebarrieu, en Haute-Garonne (vers -100/-70) et à Glanum (vers -40/-20). Puis, l’idée semble s’étendre aux autres provinces à l’époque augustéenne, en Aquitaine (à Périgueux vers -15/-10, à St Jean-le-Vieux vers 20/40) ou en Lyonnaise (à Alésia ?). Il semblerait que les bains froids ont d’abord été à la mode puis les bains chauds et dans l’antiquité tardive, le secteur chauffé se réduit au profit du secteur froid.
-Attention ! On parle de thermes si l’édifice est public, sinon, c’est un balneum.
-Selon A. Bouet, le parcours d’un baigneur est très « ritualisé » : après le vestiaire, il va dans la palestre (un peu de sport) ou dans le tepidarium puis dans des salles de plus en plus chaudes (bain de propreté dans le destrictarium où l’on se nettoie la peau avec un strigile ; étuve où l’on transpire beaucoup ; bain de plaisir dans les bassins du caldarium) et enfin dans la piscine du frigidarium (choc thermique revigorant) et retour à « la case » vestiaire. Ce parcours est surtout valable dans les grands thermes. Pour les édifices plus modestes, l’itinéraire dit rétrograde propose aux baigneurs de passer par les mêmes salles à l’aller comme au retour.
-Les salles sont alignées (= plan en ligne ; à Cimiez, St Romain-en-Gal, Vaison, Glanum, Jublains, Sens, Evreux, Bliesbruck, Champlieu…) ou de part et d’autre d’un axe (= plan symétrique ou « impérial » ; à Ribemont, Limoges, Valognes, Vieil-Evreux, Allonnes, Cluny à Paris, Bourges, Chassenon…). C’est le second plan qui est le plus répandu.
-On peut aussi distinguer les thermes hygiéniques, de propreté et de délassement (Evreux, Jublains, Cluny à Paris …) des thermes thérapeutiques ou curatifs, aux nombreux bassins de toute taille et au « circuit » moins classique (Aix-en-Provence, Balaruc-les-bains, Amélie-les-Bains, Mont-Dore, Evaux …), certains associant les deux rôles (Chassenon, Sanxay, Collège de France à Paris, Poitiers, Sainte-Gemme, Limoges, Villeneuve à Fréjus, Mandeure …).
-Assez souvent, deux thermes sont juxtaposés : un pour les hommes et un pour les femmes ? (mais la mixité fut autorisée pendant une longue période), un pour les riches et un pour les pauvres ? (dans les villas, peut-être, un pour les propriétaires et un pour la domesticité ?), un pour l’hiver et un pour l’été ? Il existe même de rares cas de trois thermes proches, en ville (Cimiez) ou dans des villas (Tourves dans le Var, Le Thillay dans le Val d’Oise)…
-Les thermes sont des lieux hautement symboliques, visibles de loin, des lieux de sociabilité et de paraître. Mais ils sont coûteux (construction, décor, réparations, chauffage, entretien quotidien, alimentation en eau par des puits ou des aqueducs) et parfois dangereux (risques d’incendies). C. Coquelet (in Amoenitas Urbium, Caesarodunum, 2001-2002) donne d’intéressants chiffres sur les thermes impériaux de Trèves (Germanie) : la consommation en bois de chauffe correspondait à près de 7 000 tonnes par an pour que les températures atteignent 50° dans les étuves, 40° dans les salles chaudes et 25° dans les salles tièdes. De plus, l’image d’Epinal de la propreté des thermes est à écarter : selon P. D. Mitchell, ces monuments étaient des « bouillons de culture » de parasites en tous genres…
Quelques exemples de thermes :
Aix-les-Bains | thermes de cures exploitant 2 sources, plusieurs salles chaudes |
Arles | thermes dit de Constantin, vers 300/320, 3 750m2, 3 piscines chaudes au nord |
Aubigné-Racan | vers 90, bains cultuels ? |
Barzan | vers 110, 3 470m2, plan semi-symétrique, machine élévatrice du puits d’alimentation en eau |
Bliesbruck | vers 90/120, schéma classique axial avec 4 bains et absence de palestre |
Cahors | vers 10/30, + de 3 000m2, 4 grandes pièces à absides |
Chassenon | vers 90/120, doubles, de type impérial, un des plus grands de Gaule avec 12 500 m2, sur 2 niveaux ; rez-de-chaussée technique avec 3 cours de chauffe, 3 cours de service, 25 ou 26 salles voûtées qui conservent les traces émouvantes du travail des ouvriers ; le secteur nord est hygiénique et le secteur sud est thérapeutique avec deux grandes piscines. |
Cimiez | cas unique de 3 thermes similaires (à itinéraire rétrograde où le baigneur doit revenir sur ses pas) dans un vaste ensemble, totalisant 8 287 m2, entre le 1er (thermes nord et est) et le 3ème s. (thermes ouest) |
Evreux | vers 185/200, thermes hygiéniques, 4 000 m2, 5 salles chaudes |
Fontaines-Salées | thermes associés à des captages d’eau salée |
Fréjus | thermes du port dit de la « Porte d’Orée », vers 80/120, grande « natatio » à nymphée et statues ; thermes de Villeneuve, sans doute thérapeutiques |
Gaujac | sur un oppidum, vers 30 |
Glanum | anciens, vers -40/-20, remaniés vers 50/80, passent de 800 à 1 305m2 |
Limoges | thermes des Jacobins ou du forum, 6 100m2, étagés sur 3 niveaux ; sections hygiénique et thérapeutique imbriquées |
Mandeure | thermes de Courcelles, vers 80/100, 5 000 m2 (les plus grands de l’est des Gaules), avec 6 piscines froides |
Paris | thermes de Cluny, hygiéniques, vers 120/150, sur 2 niveaux, agencement bipartite des salles ; thermes thérapeutiques du collège de France, vers 80/100, avec 3 salles circulaires chaudes |
Plombières | ensemble de captages et de bains sur 7 000m2 |
Poitiers | thermes St Germain, les plus grands de France avec 26 400m2, associés à un possible campus ; thermes de la rue A-Ranc, énorme complexe thérapeutique |
St-Bertrand-de-Comminges | thermes du forum, dès le début du Ier, 4 000 m2, absence de tepidarium ; thermes du nord, vers 50, 3 000m2 |
St-Romain-en-Gal | « palais du Miroir » vers 50, plan symétrique, grand frigidarium ; thermes des Lutteurs vers 65, 3 500m2, avec 4 salles chaudes |
Ste Gemme | plan original avec deux sections hygiéniques enserrant trois salles thérapeutiques |
Sanxay | vers 100/120, temple des eaux transformé en thermes de cure mais avec une eau banale ! |
Valognes | vers 60/80, plan symétrique avec dédoublement partiel des salles |
Vieil-Evreux | vers 120/150 puis agrandis vers 200/240 mais inachevés, plan symétrique (double série de salles en enfilade) |
Vieux-la-Romaine | tardifs, vers 230 |
Villards d’Héria | balnéaires doubles et cultuels associés à un temple |
Un petit mot sur le strigile (voir surtout l’article de Gallia, 66-2, 2009) : 158 strigiles répertoriés en France, surtout en bronze et fer. Il faut, semble-t-il distinguer le strigile des bains (pour enlever l’humidité de la peau après un bain de vapeur ou un exercice physique) rarement retrouvé… dans des thermes (!), le strigile médical et le strigile « symbolique » de la romanité et souvent découvert dans des tombes.
11-Sans aqueduc, pas de thermes…
Les aqueducs sont un symbole de l’architecture romaine, au coût exorbitant (le financement est souvent effectué par des magistrats comme à Bordeaux, Périgueux ou Vienne ; un chantier de construction, avec l’intervention de techniciens, carriers, maçons, équipes d’ouvriers… ; l’ entretien ; la correction de tracé comme à Saintes, Fréjus, Lyon ; une restauration à Lyon ou Cahors).
-Depuis la source (ou les sources), l’eau coule par gravité, selon une pente presque constante. Récemment, a été découvert à Ecouflant (49), un système original de captage d’eau de la nappe phréatique par des forages liés à un drain souterrain qui dirigeait l’eau vers le canal d’un aqueduc.
-Le canal, de dimension variable (plus grand à Lyon et Nîmes qu’à Autun ou Périgueux), est constitué d’un radier (en mortier de chaux) et de piédroits (béton de tuileau), recouverts d’une voûte ou de dalles. Parfois, du béton coffré remplace le radier.
-Le plus souvent, les aqueducs sont souterrains, mais pour franchir des cours d’eau, les architectes ont construits des parties en élévation, spectaculaires : des files d’arches, des ponts et même des siphons inversés (à Lyon). Ils aboutissent aux thermes, aux fontaines publiques (Lyon, Paris, Argenton, Bourges, Poitiers, Rouen, Autun…), à certaines demeures privées urbaines, à des installations artisanales (les moulins hydrauliques de Barbegal, alimentés par un aqueduc d’Arles) ou à des villas : des aqueducs ruraux sont connus à Luynes et près de Loches en Indre-et-Loire, dans le Berry ou en Languedoc (à Causse-et-Veyran).
-L’entretien d’un aqueduc est assuré grâce à des regards de visite (puits verticaux), des bassins de régulation pour contrôler le niveau d’eau, des travaux de détartrage et de colmatage (les concrétions calcaires réduisant l’espace de circulation de l’eau et les fuites, semblent avoir été deux problèmes récurrents). Des bassins de décantation existent aussi pour piéger les sédiments transportés par l’eau (à Saintes ou Metz).
-Selon une étude de P. Neaud (« Les aqueducs urbains et ruraux de la Gaule Narbonnaise et des Trois Gaules… », 2003), il y aurait 186 aqueducs connus : 10 en Belgique, 35 en Aquitaine, 54 en Lyonnaise, 87 en Narbonnaise. Pour tout l’Empire, plus de 600 aqueducs sont attestés.
Quelques observations sur des aqueducs des Gaules (les chiffres sont le tracé des aqueducs en km) :
Aix-en-Provence | 4 aqueducs assez mal connus (Traconnade 50 ?, avec un tunnel de 8 km ; Trevareste 20 ? ; Vauvenargues 14/20 ; Saint-Antonin 12/16) ; un aqueduc a été découvert en 2009 à St Cannat |
Ansignan | aqueduc non urbain avec un pont de 170m ; très restauré aux périodes médiévale et moderne |
Antibes | 2 aqueducs (La Bouillide 16 et Fontvieille 4,5) ; problèmes de dysfonctionnement du premier et abandon |
Arles | -2 aqueducs (Eygalières 51 ; Caparon 5,6) construits vers 40/50, forment 2 branches d’un seul aqueduc ; Vers 100/120, celui du sud (Caparon) est dévié vers une meunerie (qui servait peut-être à faire le pain des marins d’Arles ?) ; avant d’arriver à cette meunerie, les 2 aqueducs forment 2 ponts parallèles -un autre aqueduc, subfluvial, est unique, puisqu’il est constitué de lourdes canalisations en plomb posées sur le fond irrégulier du Rhône |
Autun | 2 aqueducs (6,2 et 3,8) ; l’aqueduc de Montjeu a une cascade sur 317 m de long, avec 22 puits (91 m d’altitude perdue) |
Bordeaux | 1 aqueduc (13/14), établi surtout en tranchée creusée dans le sol |
Bourges | 4 aqueducs dont celui de Traslay (42) |
Briord | aqueduc creusé dans la roche sur près de 200 m ; sans doute une dérivation de rivière pour l’agriculture |
Cahors | 1 aqueduc (31,6) avec 14 ouvrages d’art sur son parcours ; des arches furent remplacées par des murs-porteurs ; le premier captage a été aménagé en nymphée (plusieurs bassins) ; le bassin-fontaine de Vers, du IIIème s. recueillait les fuites d’eau ! ; longue durée d’utilisation |
Carhaix | 1er canal en chêne (27) avec un pont puis 2ème canal en béton et tunnel (11) sans doute suite à des problèmes de fonctionnement |
Chassenon | captage inconnu ; d’abord souterrain puis rampant sur 32m, aérien sur 180m, sur mur-bahut sur 240m puis divisé en deux branches de 155m |
Clermont-Ferrand | aqueduc du Colombier, très précoce, début 1er, 3 à 5 km, sur arches pour la partie terminale |
Fréjus | 1 aqueduc (42,5) construit vers 40/50, 2 captages, 36 ouvrages d’art, plusieurs cas de dédoublement de certaines arcades, pente moyenne mais irrégulière |
Glanum | 3 aqueducs modestes dont celui de la Baume avec barrage-voûte ; cas rare d’un aqueduc alimenté par un barrage |
Locmariaquer | 1 aqueduc (38/41) mais pont sur la rivière d’Auray (seul cas connu d’un pont-aqueduc sur un estuaire à marée) resté inachevé vers 100/120 ; pente faible |
Lyon | 4 aqueducs (Gier 86, la Brevenne 70, Yzeron 34, Mont d’Or 26) totalisant 216 km (c’est le plus long réseau après celui de Rome !) et fournissant 100 000 m3 d’eau par jour. Ils utilisent des ponts-siphons ou conduites forcées (4 pour le Gier à la Durèze, au Garon, à l’Yzeron et à Trion, 2 pour le Mont d’Or, un double pour l’Yzeron, un pour la Brévenne faisant 3,5 km !), de longues files d’arches (92 à Chaponost, 79 à Soucieu, 33 à Ste Foy… pour l’aqueduc du Gier), des tunnels (4 % du tracé de l’aqueduc du Gier qui totalise 12 tunnels dont celui de Mornant, 825 m ; 4 pour la Brevenne), des chutes et cascades (6/8 chutes pour la Brevenne, 2 cascades pour l’Yzeron ; Pour l’aqueduc du Gier, l’ appareil est original en « opus reticulé » (= petits moellons obliques) |
Metz | aqueduc de Gorze (22) ; grand pont-aqueduc sur la Moselle (110 à 120 piles sur 1,1 km) avec 2 conduites parallèles (cas rare) ; présence de bassins de décantation ; un autre aqueduc possible au nord |
Néris-les-Bains | 2 aqueducs (35 et 10) |
Nîmes | 1 aqueduc (50) ; vers 50/65, débit de 35 000 m3/jour, célèbre pont du Gard et nombreux autres ponts et tunnels ; problème important de concrétions calcaires |
Paris | 1 aqueduc (16) ; canal en béton coffré et dalles ; pont sur la Bièvre (23 arches dont il reste 2 piles) |
Périgueux | aqueduc de Grand-Font (7) ; pont-aqueduc sur l’Isle, disparu ; pente régulière |
Poitiers | 3 aqueducs (Fleury 26, Basse-Fontaine 14 et Cimeau 12) |
Rodez | 1 aqueduc (29) ; vers 30/80 ; souterrain puis 2 tunnels (Monteils et Naujac) puis mur-porteur puis arches sur 800 m et 2 ponts-siphons de 1 à 3 km sur l’Aveyron ; pente moyenne |
Saintes | 2 (16,5 et 8,1) puis 3 aqueducs ; le premier aqueduc part d’une source-sanctuaire ; le second aqueduc est un allongement du premier vers 2 sources (Grand-Font et Venerand) ; le troisième aqueduc est tardif ; présence de bassins de décantation ; près de la Grand-Font, un bassin alimenté par l’aqueduc est peut-être devenu une piscine baptismale du 4ème s. |
Toulouse | 1 aqueduc (8) avec un pont-aqueduc de 4,5 km -sans doute 577 arches- qui franchissait la Garonne sur 21 piles, à 18 m de hauteur |
Tours | aqueduc du Cher (25) ; 18 vallons franchis par des ponts ou des murs porteurs ; un autre conduit alimenté par une noria |
Vieil-Evreux | 1 aqueduc (27) en bois vers 100 puis en pierre vers 180/200 ; pente très faible ; utilisation de levées de terre ; un pont-aqueduc disparu (42 arches ?) ; se divise en 3 branches |
Vienne | 5 aqueducs dont 4 dans la vallée de la Gère et un venant du sud (21) ; de conception complexe (l’aqueduc C est canalisé vers le D puis rejoint par le B, de nouveau dirigé vers le D) ; Selon B. Helly, l’aqueduc E serait le plus large du monde romain avec un conduit de 2,30m par 1,85m. |
Vieu-en-Valromey | aqueduc creusé dans la roche sur près de 400m |
12-D’autres monuments « des eaux »
–Les fontaines monumentales et nymphées : Argenton (fontaine monumentale), Beauvais (à exèdre, 48m de diam.), Besançon (bâtiment à hémicycle de 53m de diam.), Bliesbruck (bâtiment à hémicycle de 12m de diam.), Bourges, Fréjus (fontaine des thermes de la Porte d’Orée), Genainville (4 bassins cultuels), Gennes ?, Glanum (captage de source), Lyon (une très grande fontaine monumentale de 40 m de long a été identifiée entre l’odéon et le théâtre), Paris (fontaine des thermes de Cluny), Septeuil…
-Plus « particulières », les latrines : cette « invention romaine », lieu de sociabilité et de nécessité…, envahie les lieux publics et privés. Certaines sont dotées, à défaut de confort, d’un décor luxueux et d’un accès double (aux thermes des Lutteurs à Saint-Romain-en-Gal, elles sont accessibles depuis les thermes et depuis la rue). D’autres sont munies de très nombreuses places (49 sièges pour les latrines des thermes de Chassenon ; environ 50 aux thermes du forum à Paris ; 120 urinoirs répartis dans l’amphithéâtre de Nîmes !) ou ont des places réservées (pour des associations, pour des citoyens -peut-être aussi à Chassenon-). Dans les latrines de la schola de Jaude à Clermont-Ferrand, il y a double banquette (en dos-à-dos) et des petites cavités sur les colonnes du bassin associé servaient peut-être à fixer des tringles pour des rideaux (pour plus d’intimité ?). Mais les plus nombreuses latrines sont de simples fosses creusées dans le sol, cuvelées ou non. On peut trouver des latrines très différentes dans une même demeure, pour la famille (2 ou 3 places, dans des villae) et pour la domesticité (souvent près de la cuisine !). L’hygiène laisse à désirer : pour s’essuyer, une éponge collective fixée à une baguette (peut-être aussi des morceaux de tissus ou de papyrus mouillés ; des fragments d’étoffes usagées ont été retrouvés dans une latrine de Lyon-Vaise), les parasites devaient pulluler (comme l’on montrer des fouilles à Strasbourg) et selon P. D. Mitchell, la dysenterie était un fléau. Une énigme demeure : où se rendaient les femmes, qui ont besoin de plus d’intimité ?
Maquette du port de Marseille | Maquette des entrepôts de Vienne, sur le Rhône |
13-Bâtiments économiques et sièges d’associations
-Des ports fluviaux et maritimes (d’estuaire ou d’embouchure surtout) font l’objet d’études (dont une revue Gallia 77-1, parue en 2021) :
Aizier | port le long d’un méandre de la Seine |
Antibes | port de l’anse Saint-Roch, mal connu, en partie colmaté dès l’antiquité mais dynamique à l’époque tardive (4ème au 7ème) ; deux épaves vues en 1683 et une épave fouillée récemment (naufragée vers 150) |
Arles | César évoque ses « navalia » -chantiers de construction- |
Besançon | digue monumentale et cale-débarcadère |
Bordeaux | port d’estuaire de la Garonne, aménagé à partir de -30, cité par Strabon et Ausone, mais il semble n’être qu’un bassin aménagé non monumental, berges en bois reconnues sur 85 m avec double alignement de pieux de chêne ; par contre il prend une certaine ampleur à l’époque tardive |
Boulogne | avec un grand phare disparu |
Fos-sur-Mer et Martigues | le complexe portuaire de Saint-Gervais (espace portuaire peut-être protégé par une lagune ; 1er au 3ème s. surtout) et le port des Laurons (3ème au 6ème s. surtout) forment l’ avant-port d’Arles, avec des hangars, des bâtiments indéterminés, de nombreuses épaves découvertes, un « gisement » de stèles… ; le quai du port des Laurons est constitué de gros caissons de bois de 23 x 2m à remplissage de béton |
Fréjus | port implanté dans un fond de baie et non dans une lagune, sur 13/15 ha, encore bien visible mais sans eau… et avec sa « lanterne d’Auguste » -un amer et non un phare- ; utilisé jusque v50/80 |
Incarville | port isolé doté d’un long canal de dérivation |
Lattes | avec des appontements en bois |
Lyon | 6 épaves du port St Georges |
Marseille | port réaménagé vers 10/40 ; une partie est visible dans un parc archéologique avec ses quais en maçonnerie ; des épaves attestent d’opérations de dragage avec des bateaux-drague à godets ; présence aussi de plusieurs entrepôts à dolia et de cales à bateaux |
Narbonne | vaste avant-port, devenue une lagune ; présence d’édifices de services -douanes, citernes, ateliers- à l’île Saint-Martin ; embouchure de l’Aude canalisée par deus quais parallèles sur 2 km |
Paris | un quai est visible dans la crypte archéologique près de Notre-Dame |
Reims | port fluvial sur la Vesle avec berges, quais, entrepôts |
Rezé | port d’estuaire sur la Loire, berge puis grandes terrasses mixtes sur 200 m de long et entrepôts |
Rouen | port d’estuaire de la Seine ; quais aménagés vers -5 |
et aussi… | Barzan (encore mal connu), Les Mureaux, dans les Yvelines, Orléans (berges et quais connus), Saintes (mal connu), Vannes (mal connu)… |
*D’après la revue Gallia, il existe 6 types de quais : mur de soutènement à armature boisée, maçonnée ou mixte et de type caisson, également à armature boisée, maçonnée ou mixte. Les phares (peu sont connus), digues, môles, jetées, pontons, cales, canaux d’accès complètent l’équipement de ces ports.
-Des entrepôts sont bien connus à Aiguillon, Amiens (une quinzaine d’horrea découverte en 2006-2013, datée de 80 à 130 et remplacée par le théâtre), Barzan (vers 20/50, sur plus de 5 000m2), Bordeaux, Javols, Marseille, Rezé, Vienne (sur 5 ha, ce sont les plus grands d’Occident, vers 20/30), Villeneuve/s/Lot …
-Des marchés, à St Bertrand-de-Comminges (les plus grands des Gaules, vers 15/20), Aubigné-Racan (vers 110), Clermont-Ferrand (vers 150, grande place de Jaude, de 120m de long), Corseul (vers 180/220), Vieil-Evreux (vers 200/220), Arras, Panossas. Ceux de Béziers, Narbonne, Rodez sont cités sur des inscriptions. Un marché possible a été découverte en 2017 à Ste Colombe : il est bordé de boutiques (dont celle d’un forgeron) surmontées d’appartements.
–Les sièges d’associations (professionnelles ou religieuses) sont des bâtiments souvent difficiles à cerner, appelés « collégium » ou « schola », dotés généralement d’une cour à portiques et de plusieurs salles (d’où la confusion possible avec une domus) et assez proches du centre public. On peut ajouter dans cette rubrique, les « campus », sortes de « centre de formation politique, militaire, religieuse, et de loisirs » des jeunes de l’aristocratie (plusieurs inscriptions mentionnent des campus, à Marigny-St-Marcel, Aix-les-Bains, Nantes et Metz et des associations de jeunesse -iuvenes, sodales-, notamment à Vienne). Une liste possible de campus est donnée par A. Bouet (RAN, 31, 1998).
En Gaule, plusieurs de ces collèges, schola et campus semblent assurées et d’autres plus hypothétiques : -Alésia : monument d’Ucuétis, schola des forgerons, non loin du forum. -Autun : un édifice découvert en 2010-2011, boulevard F. Latouche, a été interprété comme une schola-collegium (une puis deux cours à portiques) -Bliesbruck : une « auberge » du quartier est était peut-être un lieu de réunion d’association (ce qui n’empêche pas d’y manger !) -Clermont-Ferrand : probable schola dite de Jaude 2 (avec cuisine et latrines, près d’une place de marché) -Fréjus : possible campus près des thermes de Villeneuve ? -Glanum : schola des dendrophores (« maison d’Attis » et salle cultuelle à Cybèle), face aux thermes et près du forum. -Limoges : la maison des Nones de Mars = domus ou collège ? -Lyon : un autel élevé par un vétéran de la « schola polionum des 4 légions », sur la colline de St Just. -Narbonne : possible campus près de l’amphithéâtre ? -Nîmes : schola du collège des utriculaires, d’après une inscription et peut-être retrouvée sous l’immeuble des AGF. -Orange : édifice de la Brunette = domus suburbaine ou campus et schola d’un collège de la Jeunesse ? -Périgueux : domus de Vésone = possible schola ? -Plouhinec : Mané-Vechen = villa maritime ou collège ? -Poitiers : possible campus associé aux vastes thermes St Germain ? possible schola aux Cordeliers ? -St Bertrand-de-Comminges : campus de Couperé, vers 20/30, s’étendant sur 5470m2 -St Romain-en-Gal (Vienne) : la maison des Dieux Océan, à la surface habitable réduite, est peut-être une schola de négociants en vins. -Ste Colombe (Vienne) : une domus (de Thalie et Pan) découverte en 2017 est interprétée comme une schola -Vaison-la-Romaine : la maison du Buste en Argent était peut-être une schola ? (du fait de sa position face au forum, de ses 3 entrées, de ses thermes exceptionnels, de ses 3 espaces à ciel ouvert, de ses nombreux autels à Vulcain retrouvés…) |
14-Quelques édifices indéterminés pour finir…
-Aix-les-Bains (« Temple de Diane » = mausolée selon P. Leveau ou temple selon M.-Th. Raepsaert-Charlier ?), -Béruges (voutes de soutènement d’un édifice inconnu), -Bordeaux (Les Piliers de Tutèle, détruits sous Louis XIV, 22,50×29,50m, sur un podium de 5,50m ht, péristyle corinthien de 24 colonnes ; peut-être un temple transformé en colonnade d’un nouveau forum ?? ), -Bréhat (édifice de l’île Lavret = villa ?), -Narbonne (horreum = base d’un édifice public, vers -40/-20),-Naves (bâtiment en hémicycle et « tribunal » du sanctuaire), -Orange (dominant le théâtre et le temple associé, un grand podium a été interprété comme le support d’un capitole, d’un temple impérial, d’une tour-signal ?) -Panossas (grande villa ou relais-entrepôt de l’annone ?), -Pont-Ste Maxence (vestiges exceptionnels = un sanctuaire selon V. Gaston-Brunet ou un mausolée selon A. Ferdière ?), -Thésée (édifice des Maselles = entrepôt, relais-étape, villa ?), -Vernou (« Palais de Pépin-le-Bref » dont il reste quelques murs = salle thermale ?)… |
Les sources utilisées sont indiquées après le B
B-LE CADRE DE VIE : LE MONDE RURAL
1-Existence de « parcellaires » et de « centuriations » (division des terres en centuries de 50 ha, 710x707m), mises en évidence par des vestiges conservés dans des zones boisées (de Bourgogne ou Lorraine par exemple) et sur les fragments du célèbre CADASTRE D’ORANGE. Y. Le Bohec préfère parler de parcellement. Les champs sont plutôt petits, quadrangulaires et bordés de fossés ou de murets.
Deux fragments du cadastre d’Orange |
Un plan d’assignation des terres aux vétérans de la 2ème légion (sans doute effectué vers -35/-30) fait l’objet d’un plan de révision en 77, sur ordre de l’empereur Vespasien et effectué par le gouverneur de Narbonnaise, L. Valerius Ummidius Bassus : c’est le « cadastre d’Orange » ou « forma » (environ 500 fragments retrouvés). S’agit-il d’un document fiscal ou plus probablement, d’un plan cadastral (classement des terres, dès la fondation des colonies) ? : les avis des historiens divergent. Il est « arbitrairement » divisé en trois centuriations (A = Avignon, Cavaillon, Glanum… ; B= Orange, Carpentras… ; C = Orange et son territoire ; les plans B et C se superposent en partie). Cinq types de terres sont recensés : 1)celles des vétérans ou colons, -les Secondani sur le cadastre B- (ne paient rien), 2)celles de la colonie (terres publiques louées en échange d’un impôt, le vectigal), 3)celles non attribuées, 4)celles confisquées abusivement aux indigènes et rendues (mais ils paient un tribut) et 5)celles non centuriées. Par exemple, sur le cadastre B, les vétérans ont reçu 5 844 ha, la colonie 1 177 ha et 3 97 7ha sont rendus aux Tricastins. Sur le cadastre, la surface des terres, le propriétaire ou le locataire et le montant de l’impôt (le vectigal, de 2 à 80 as) semblent indiqués. Sur le cadastre A, on trouve 713 centuries de 400 jugères (= environ 100 hectares, soit des rectangles de 1420 x 710 m) et les cadastres B et C, des centuries de 200 jugères (des carrés de 710 x 710m). C’est la famille Maccii qui semble posséder le plus de terres (97 ha, répartis sur 3 ou 4 centuries) mais des pagi (3 connus, à Orange, au Pègue et à Taulignan), un vicus (qui gère 15 ha environ, dans une centurie du cadastre C), des communautés (les Ernaginenses et les Caenicenses, sur le cadastre A) peuvent aussi en détenir. Les revenus d’un domaine (le fundus Domitianus) peuvent être légués (au collège des forgerons d’Orange, par une veuve). Un magistrat duumvir d’Orange est chargé de mettre en valeur des terres sur des îles du Rhône, les « Insula Furianae ».En plus des « cadastres », il y a les « merides » (des emplacements urbains loués), les « agri publici » (sans doute des parcelles urbaines louées), les « area » (des espaces publics vacants, loués aussi). |
2–Un habitat rural dispersé mais très dense, qui succède souvent à un habitat gaulois. Il existe de très nombreuses fermes « indigènes », des fermes « coloniales » (dans les colonies de Narbonnaise), des petites et moyennes villae (2 à 10 ha) et de grandes villae (plus de 10 ha), appartenant à l’élite urbaine ou parfois à l’empereur. Mais la majorité des exploitations ne sont ni des fermes ni des villae mais un « mixte » des deux ! (exploitation moyenne, en pierre-bois). Il existait aussi de nombreux villages ou hameaux de paysans comme dans les Vosges, l’Oise (Longueil-Sainte-Marie), la Beauce ou en Languedoc. Des fouilles dans certaines régions (sud-ouest et nord-est) ont révélé l’existence de discrets habitats précaires, temporaires ou saisonniers : des campements utilisant des galets (peut-être liés à de l’élevage extensif) ou des grottes (37 recensées dans les Pyrénées, lieux de refuge possibles ?).
Il a été recensé environ 30 000 établissements ruraux en Picardie, 1 591 en Berry (251 villae), 462 en Limagne des marais, en Auvergne (42 grandes villae), plus de 400 en Languedoc-Roussillon (dont plus de 200 dans la cité de Nîmes), 800 habitats ruraux en région PACA dont près de 200 dans le Var… A. Ferdière a recensé en 2013, 181 « très grandes villae ». Le projet Rurland (fermes et villae du nord-est de la Gaule) arrive à un total (provisoire) de 11 514 établissements ruraux dont 493 grandes villae (cf Gallia Rustica 2).
Les fermes « gauloises » demeurent nombreuses après la conquête romaine. Les VILLAE apparaissent vers -50 en Narbonnaise (fondées par des négociants et hommes d’affaires) et surtout à partir de 50 dans l’ensemble de la Gaule (donc il n’y a pas de romanisation brutale dans ce domaine). Elles connaissent de multiples « états » (transformations, agrandissements), durent plusieurs siècles, mais les plus modestes ne résistent pas à un phénomène de concentration des terres qui apparaît vers la fin du IIème s.
3-Un domaine rural ou « fundus » (moyenne de 50 ha) est constitué de trois parties :
–les terres agricoles, bien sûr. L’économie des villae et fermes (élevage, cultures, ateliers de fabrication de tuiles, de poteries ou d’amphores) sera étudiée dans la fiche METIERS).
-la « PARS RUSTICA » (vaste cour agricole avec des bâtiments utilitaires comme des remises, des forges, des étables, des granges, des greniers, des fours, des ateliers… et des habitats des paysans)
-la « PARS URBANA » (bâtiment résidentiel du maître). Le logis est souvent luxueux (mosaïques, peintures murales, stucs, marbres, sculptures…) et confortable (salles de réception, thermes très nombreux, chauffage par hypocauste ou par cheminée) et agrémentés, à proximité, de jardins d’agrément, bassins monumentaux comme à Mercin-et-Vaux, viviers comme à Molesmes en Côte d’Or…
-Les deux parties principales sont entourées par une enceinte et peuvent communiquer par un porche.
-Certains domaines possèdent un sanctuaire « privé » (2 fana dans la cour d’une villa à Voves en Eure-et-Loire ; fanum à Venoy dans l’Yonne, à Chatillon/s/Seiche en Ille-et-Villaine, à Richebourg dans les Yvelines, à Levet dans le Cher, à Archigny dans la Vienne ; un laraire à Rézé, un mithraeum à Mandelieu…), un aqueduc (Beaulieu-Lès-Loches et Luynes en Indre-et-Loire, Causses-et-Veyran dans l’Hérault), un aménagement de berge (Lazenay dans le Cher) et un cimetière (avec des tombes « privilégiées » comme les piles funéraires d’Aquitaine, les mausolées de Gondreville, de Nod/s/Seine, Delémont, Menestreau, Jaunay-Clan…).
-Les demeures aristocratiques du sud-ouest comportaient une ou deux vastes cours à péristyle (de 540 à 2 450m2), une ou deux salles de réception (de 80 à 240m2, à abside ou triconque ou encore cruciforme). Ce sont de véritables palais ruraux.
Plan « ramassé » de la ville de Séviac ; sud de la Gaule | Photographie aérienne d’une villa de la Somme, la partie résidentielle (plan linéaire) | Plan de la villa de Reinheim (près de Bliesbruck), dite à pavillons alignés |
Deux grands types de domaines semblent dominer en Gaule :
-au sud surtout (Narbonnaise), une organisation « ramassée » autour d’une ou deux cours (péristyles), concept venu d’Italie.
-au nord essentiellement, une organisation linéaire (ou plan axé) avec une nette séparation entre la partie résidentielle rectangulaire à galerie de façade et la partie agricole avec un ensemble de pavillons alignés autour d’une longue cour centrale. L’origine de ce plan est discutée : adaptation de la villa de Narbonnaise à la ferme à enclos gauloise ? transformation du domaine aristocratique gaulois (selon les modèles de Paule en Bretagne ou de Batilly-en-Gâtinais en Beauce) ?
Des études existent sur les propriétaires de grands domaines : les Domitii de Rognes (cité d’Aix-en-Provence), les Vettii de la région de Montbazin et les Craxii de Tresques et Gaujac (cité de Nîmes), les Usuleni (cité de Narbonne) mais aussi Q. Iulius Priscus (originaire de Pouzzoles en Italie et propriétaire de la villa d’Aspiran) ou P. Varius (inscription funéraire de la villa de Saint-Martin à Taradeau)… On sait qu’Ausone possédait six exploitations dont un grand domaine près de Bordeaux (200 jugères -4 jugères = 1 hectare- de terres labourables, 100 jugères de vignoble, 50 jugères de prairie et 700 jugères de bois). Souvent, le dominus délègue à des régisseurs ou intendants de domaine qui sont des affranchis (procuratores) ou des esclaves (actores ou vilici) : Celsus, vilicus à Metz ; Fortunatus, « actor » à Marignac en Gironde ; Niger, un intendant du cellier d’un domaine Anarias, à Allan ; Fronton à Grenoble ; Pamphorus, « actor » du domaine de Faustina, à Manosque ; Valentinus, « actor » du domaine Ammatiacus, à Ameyzieu dans l’Ain ; à Nanteuil …. Pour les autres « habitants », des inscriptions éparses suggèrent la présence de paysans colons (du domaine d’ Aper à Kalhouse en Moselle), de petits propriétaires (à Aix-les-Bains, les « possessores »), de vignerons (au Bouchet), Le statut des paysans est mal connu : existe-t-il une paysannerie libre, propriétaire ou non, à côté ou intégrée au domaine ? Des bornes de limite de domaine ont sans doute été très nombreuses (à Velaux, à St Bernard-du-Touvet…). |
4-« Du nouveau et du pas nouveau » dans les campagnes :
–Ce que les Gaulois ont légué à Rome : les fermes aristocratiques (peut-être imitées des villae d’Italie ?) ; les parcellaires ; le labour à l’araire ; la faucille ; la « moissonneuse gauloise » ou vallus ; les grandes faux ; des greniers (aériens, ils deviendront maçonnés à l’époque romaine) ; une céréaliculture dominante ; l’importance de l’élevage et l’attelage ; le tonneau …
-Ce que les colons romains apportent de nouveau : les villae et fermes en matériaux durs ; l’exploitation de terres nouvelles ; l’utilisation d’un cadastre pour l’impôt foncier ; l’installation de bornes de propriétés ; le drainage des terres ; les moulins à eau ; la viticulture et les pressoirs pour le vin ; l’horticulture et l’arboriculture…
Villa des Cars (Corrèze) | Villa de St Romain-de-Jalionas (Isère) |
Villa de Plassac (Gironde) | Cour du nymphée de la villa de Montmaurin (Haute-Garonne) |
5-Voici quelques « villae » emblématiques :
Aspiran | Hérault | villa de St Bézard (probable propriété de Q. Iulius Primus/Priscus, originaire de Pouzzoles) ; villa rectangulaire de 2 500m2, v10/20 ; cour à 4 ailes (chais sur 2 côtés pour 300 dolia, pressoir et fouloir, pars urbana non connue mais sans doute sous l’aile sud) et thermes v30 (immense « natatio » ajoutée v70) ; aqueduc v70 ; tour d’entrée v70/90 (auberge ?) avec cuisine-boulangerie et petits thermes ; ateliers (18 fours) de production d’amphores, de dolia, de sigillées et de tuiles v20/40 ; abandon v300 et occupation par des artisans jusque v450 |
Attricourt | Haute-Saône | villa « palatiale » de 9,7 ha, avec pars urbana à péristyle (445x270m) et pars rustica (175x90m) organisée autour de plusieurs cours ; nombreuses mosaïques |
Aubevoye (Val d’Hazey) | Eure | villa de type « palatiale » : plan complexe et original, galerie de façade de 108m de long mais aussi 4 ailes autour d’une grande salle de réception, cour d’apparat et 3 autres cours, 2 nymphées à péristyle, thermes |
Castelculier | Lot-et-Garonne | du IIè au IVème s. ; corps principal 66m long, cour à péristyle, vastes thermes, de l’aile ouest, de 970 m2 ; statues en marbre |
Chassey-lès-Montbozon | Haute-Saône | pars urbana en U à portiques, cour centrale et grand bassin d’agrément, thermes ; v80/120 ; 6 800 m2 |
Chiragan (Martres-Tolosane) | Haute-Garonne | du Ier au Vème s. ; « palais » de 15 ha avec 80 bâtiments ; portique monumental, thermes, galerie de portraits impériaux vers 295 ; Centre d’un domaine impérial selon J-C. Balty |
Damblain | Vosges | vers 50 à vers 200/220 ; agrandissement de la pars urbana vers 100/120 ; à galerie de façade ; cour rectangulaire à 3 ailes (aile ouest avec 17 pièces), thermes luxueux 80m2 ; présence d’un mausolée ou cénotaphe, transformé en temple au 2ème s. |
Escolives | Yonne | du début Ier au Vème s. ; cour rectangulaire ; 2 thermes dont un reconstruit au IVème avec plus de 100 blocs sculptés (décor mythologique) de réemplois |
Grange du Bief (Anse) | Rhône | très vaste villa palatiale étagée, sur 3 terrasses, avec sur la terrasse supérieure, un édifice de 170x59m organisé selon 2 axes perpendiculaires (résidence de 3,3 hectares), 4 autres terrasses avec cours ou jardins, des thermes et un possible nymphée en contrebas ; 13 mosaïques connues |
Granges | Saône-et-Loire | 8 ha ; cour rectangulaire avec communs ; bâtiments de stockage en caissons maçonnés |
Jaunay-Clan | Vienne | partie proche d’une villa : parcelle enclose 400x172m, 15 fossés parallèles, 130 fosses à vases (grand domaine horticole), verger (de poiriers ?), possible parc d’agrément composé de 2 zones végétales ressemblant à des temples ; durée d’utilisation courte v30-50 |
Jonzac | Charente-M. | vers 50 au VIIème s. (très longue durée) ; à galerie de façade, salles de réception, jardins, thermes |
La Chapelle-St-Ursin | Cher | villa de l’Angoulaire, fouillée en 2015-2016, à 2 cours alignées avec pavillons latéraux, créée dès 10/50, agrandie v80/100 ; longue durée d’utilisation jusque v550 ; pars urbana avec bâtiment résidentiel de 463 m2 à galerie en façade ; au IVème s., 2 grands bâtiments (greniers ?) ont été ajoutés au centre de la pars rustica ; au VIème s. un habitat groupé mérovingien s’installe dans les ruines |
La Garanne (Berre l’Etang) | Bouches-du-R. | du Ier au IVème s. ; avec thermes, jardin d’agrément, décor peint et 4 mosaïques dont une de 66m2, pavements de style très italique ; atelier de potiers de la Bastide lié à la villa |
Lalonquette | Pyrénées-Atlantiques | ferme v10/15 puis villa IIème, restructurée IVème (palais rural jusqu’à la fin du Vème) ; structures sur 2 ha dont 9000 m2 habitables ; à la fois galerie de façade et cour à péristyle ; thermes 500 m2, salons d’apparat ; mosaïques de l’école d’Aquitaine (géométrie) v380/420 |
Langrolay/s/Rance | Côtes-d’Armor | vers 50 au IVème s. ; pars urbana de 1500 m2 ; à cour centrale bordée de bâtiments sur 3 côtés ; thermes 400m2 décorés d’enduits incrustés de coquillages |
Larry (Liehon) | Moselle | du Ier au IVème s. ; l’ensemble fait environ 88 000 m2 ; plan axial longitudinal ; 9 ha dont 1,5 pour la pars urbana (+ 80 pièces ; 4 800m2), cour centrale à bassin 38 x 40m, salles d’apparat, peintures murales, bains 560m2 ; 20 bâtiments au total |
La Lesse (Sauvian) | Hérault | ferme « coloniale » précoce, vers -40/-20, modeste (600m2) avec cour centrale et chai de 35 dolia puis agrandissement vers 10/30 : 1 850m2, petit balnéaire, jardin, verger, 2ème cour avec chai de 60 dolia, vignes |
Le Molard (Donzère) | Drôme | vers 50/80, exploitation viticole avec chais (264 dolia de 1,2 hl = stockage de 2500 hl), 2 pressoirs, 1 fouloir |
Le Palais (Chateauneuf-du-Rhône) | Drôme | résidence dès le Ier s autour d’un jardin central ; vers 350/400, la superficie est doublée ; au sud, ajout d’une aile avec une vaste salle basilicale à 2 exèdres ; bâtiments rustiques adossés à la résidence et organisés en 4 ailes ; essor de la production vinicole ; abandon au Vème s. mais traces de fréquentation VI-VIIème puis XI-XIIème (3 pièces de l’aile nord sont aménagées) |
Le Palat (St Emilion) | Gironde | luxueuse résidence 4-5ème s., à galerie de façade de 90 m de long, ailes en retour, bassin à absides, 211 m2 de mosaïques dont celle de la salle d’apparat |
Le Quiou | Côtes d’Armor | villa dite de la Gare ; établissement de type italique, très précoce (vers -10) puis transformation en villa classique et occupée jusqu’au VIIème s. |
Le Thillay | Val d’Oise | dès le début du Ier s. ; particularité d’avoir 3 balnéaires avec un riche décor (voute bleue à ciel étoilé, enduit imitant un tapis à frange…) ; abandon vers 380/420 |
Levet | Cher | du Ier au VI-VIIème s. ; 16 ha ; villa à pavillons multiples alignés dans une vaste cour 5 ha, 2 autres cours, 2 temples |
Limé | Aisne | la plus grande villa de Gaule, pars urbana de 5 ha ; grande cour et 15 autres cours, + de 260 pièces |
Lornay (Griselles) | Côte d’Or | ensemble très complet : grande résidence à 2 cours, balnéaires, jardins, tour-porche, longue et vaste cour des communs en 2 ailes, moulin, sanctuaire domanial et zone funéraire côté ouest |
Loupian | Hérault | d’abord une ferme de type indigène vers -50 puis une ferme en U sous Auguste puis une villa vers 50/100, monumentalisée à la fin du IVème s. ; 3 cours dont celle à péristyle ; chai à 93 dolia ; 13 mosaïques de 380/420 ; communs dans 3 ailes ; abandon progressif vers 500 |
Lux | Côte d’or | villa « palatiale » de 8 ha dont 6 ha pour la pars rustica ; plan axial longitudinal ; 5 cours dans la pars urbana ; 20 bâtiments au total ; résidence de 6 000m2 |
Magny-cours | Nièvre | probable grande villa à pavillons alignés, fin Ier ; 2 trésors monétaires enfouis vers 303 |
Mané-Vechen (Plouhinec) | Morbihan | villa « maritime », vers 200 à vers 300 ; structure atypique ; 3 ailes en U autour d’une cour ; riche décor de peintures et de stucs figurés avec dorure ; atelier monétaire (imitations) vers 260/285 ; incendie de l’aile sud vers 285 puis réoccupation des autres ailes |
Martres d’Artière | Puy-de-Dôme | du IIè au IVème s. ; bâtiment vinicole et fossés de plantations de vignes |
Montcaret | Dordogne | triclinum (salle de repas) cruciforme et vaste salle à abside, mosaïques |
Montmaurin | Haute-Garonne | vers 50 et vers 350/450 ; villa de 12,5 ha ; cour en hémicycle, péristyle, thermes ; statues (Vénus) |
Mont-St-Jean | Sarthe | vers 50 à vers 280/300 ; villa de 3 ha ; cour en U ; liée à une activité sidérurgique et céramique |
Noyon | Oise | site de « La Mare aux Canards » ; très vaste villa de 12 ha ; 2 phases : 1)vers -15/-10 (bois et torchis mais niveau social élevé) 2)vers 70 à l’abandon vers 280/300 (pierre) ; plan à pavillons multiples alignés ; résidence avec cour à péristyle, balnéaire ; 2 temples successifs et possible bois sacré ; étable possible, nombreuses caves et celliers ; activité agricole non attestée mais fonction commerciale importante (plombs à seller pour le conditionnement des produits du domaine) |
Parville | Eure | d’abord une ferme gauloise puis une villa v80/100 ; bains, camée en onyx de Minerve, balance en bronze, trésor de 101 monnaies de bronze (dont 74 imitations) cachées vers 270 ; abandon progressif du IIIème s. à la fin du IVème s. |
Peltre | Moselle | 1ère villa sous Auguste, 2ème villa v50 (à galerie de façade), 3ème villa v70/80 (plus grande, avec bains 620m2 ; abandon et spoliation à la fin du 3ème s. |
Piriac-sur-Mer | Loire-Atlantique | exploitation agricole puis villa v120/140 ; production de sel et élevage puis viticulture (chai et pressoir) |
Plassac | Gironde | vers 20/40 jusqu’au VIème s. ; villa maritime, grande façade en hémicycle, péristyle vers 100/120, grande salle à manger 70m2, peintures murales puis mosaïques vers 400 |
Pommiers | Loire | ferme du Ier puis grande villa du 2ème (ZAC Bel Air), 9 500m2, curieux plan en U à cour centrale, petits thermes, viniculture et céréales (grange ? puis vaste entrepôt de 50x19m) = grande villa ou station routière ? ; lent abandon 4-5èmes (thermes transformés en habitats) ; |
Port-sur-Saône (Clos de Magny) | Haute-Saône | plan axial en U, vaste jardin, portiques sur 3 côtés, grande salle de réception, balnéaire ; pars urbana de 11 000 m2 et pars rustica de 11 à 13 ha |
Reinheim | Sarre/Moselle | grande villa associée à l’agglomération de Blisbruck ; 7ha, plan axial, 2 cours, pars urbana 80x70m avec bâtiment rectangulaire à 2 ailes, pars rustica 300x130m avec 12 pavillons latéraux, entrée avec tour-porche |
Rians | Var | fin Ier ; la plus grande villa viticole de Provence (pressoirs, fouloirs, celliers pour dolia) |
Richebourg | Yvelines | à partir de -10 en matériaux périssables puis reconstruites sous Auguste ; 9,2 ha ; à galerie de façade ; jardin d’agrément et horticole (environ 150 pots retrouvés), tour-grenier, fanum, bains (foyer servant aussi de cuisine) |
Roye | Oise | d’abord une ferme à enclos indigène qui a duré tout le premier siècle puis une petite villa au second siècle avec ajout de pavillons alignés autour de la cour vers 180/220 et partition de l’ensemble en deux parties |
St André-de-Codols (Nîmes) | Gard | du IIIè au Vème s. ; cour carrée, salles à absides et salle basilicale, bâtiment de vinification |
St Laurent d’Agny | Rhône | vers -40 au IVème s. ; très précoce ; cour à péristyle, thermes, vignoble sur pergolas, pressoir |
St Martin (Taradeau) | Var | 8 siècles d’occupation ! = ferme gauloise puis grande ferme « coloniale » romaine vers -25 à vers 80 (3 580m2, céréales et élevage ; propriétaires possibles : P. Varius puis Valerius Epa…) puis villa résidentielle avec balnéaire et triclinium (jusque vers 150) puis reconversion agricole dans le vin et l’huile aux 3-5ème s. et dans l’élevage aux 6-7ème s. |
St Michel (La Garde) | Var | du -Ier au IIIème s. ; la plus grande huilerie de Gaule (6 pressoirs et 6 cuves) |
St Romain-de-Jalionas | Isère | ferme gauloise puis vaste villa v-30, agrandie v15 ; 13 ha ; partie résidentielle à plusieurs cours, bains, moulin hydraulique ; vaste cour à pavillons alignés ; élevage |
St Ulrich (Dolving) | Moselle | vers 25/50 au IVème s. ; cour à portiques et péristyle, thermes, peintures murales |
Séviac (Montréal) | Gers | vers 50/100, agrandie v130/150 et v370 ; passe de 950 m2 à 6500 m2 ; cour à péristyle, salle d’apparat de l’aile est, thermes de l’aile sud, de 225 m2, ajout salle basilicale v425/450 ; chai de 100m2 ; environ 30 mosaïques sur 440 m2, de l’école d’Aquitaine IV-début Vème s. ; tombeau-temple ; déclin de l’occupation au VIème puis hameau agricole jusque v670 |
Souzy-la-Briche | Essonne | les mosaïques découvertes en 1865 et 1912 à la « cave sarrasine » proviennent sans doute d’une très grande villa de type palatiale ; pars urbana à cour péristyle |
Steinbourg | Bas-Rhin | ferme indigène jusque vers 30/40 puis villa ; pars urbana de 8 pièces, 2 galeries et cour fermée ; bâtiments agricoles ; zone cultuelle avec un temple et une colonne de Jupiter |
Taden | Côtes-d’Armor | villa à galerie de façade, cour en U, salle de réception, cuisine, thermes, four de tuilier et four à chaux ou séchoir |
Tourmont (Les Chambrettes) | Jura | véritable palais rural, à plan « italien », axé sur une cour à péristyle |
Trémonteix (Clermont-Ferrand) | Puy-de-Dôme | vers 50 au IVème s. ; villa à cour et pavillons multiples ; chais et 2 temples (sanctuaire des eaux) |
Val-de-Rueil | Eure | grande villa de 1,5 ha ; résidence à plan linéaire et double galerie mais cour à péristyle en U avec un grand bassin donnant sur un jardin à portiques |
Vareilles (Paulhan) | Hérault | de -40/-30 au IIIème s. ; 1er bâtiment 4 000 m2 puis 2ème bâtiment 3 500m2 vers 40 à plan en U avec une cour carrée ; thermes ; viticulture (4 chais, 477 dolia = stockage de 6000 à 7400 hl, fouloirs et pressoirs) ; 2 aqueducs d’irrigation et de nettoyage des cuves ; vers 70, ajout d’installations artisanales et d’un moulin hydraulique |
Verneuil-en-Halatte | Oise | 1ère villa fin -Ier s., agrandie v25/50 puis v50/100 ; à longue cour à pavillons alignés |
Sources Cadre de vie :–Archéa : A la romaine !, catalogue d’exposition, 2016 (dont l’excellent article de synthèse d’A. Ferdière sur la romanisation des campagnes en Gaule du nord, p 10-15 et un bel article d’A. Bouet, sur les thermes des villae, p37-47)-Barruol G., Fiches JL., Garmy P. : Les ponts routiers en Gaule romaine, RAN, sup. 41, 2011-Bedon R. : Les aqueducs de la Gaule romaine et des régions voisines, PU du Limousin, 1997 ; Atlas des villes, bourgs, villages de France au passé romain, Picard, 2001-Bedon R., Chevallier R., Pinon P. : Architecture et urbanisme en Gaule romaine, 2 tomes, Errance, 1988-Besson C., Blin O., Triboulot B. : Franges urbaines, confins territoriaux ; la Gaule dans l’empire, Ausonius, 2016-Borau L. et Borlenghi A. : Aquae Ductus, suppl. Aquitania 33, 2015 ; Les aqueducs romains en Gaule, in revue Archéologia, octobre 2017, p 36-49-Bouet A. : Un nouvel exemple de campus en Gaule Narbonnaise, RAN, 31, 1998, p 103-117 (liste des campus possibles de Gaule) ; Le forum en Gaule et dans les régions voisines, Ausonius, 2012 ; La Gaule Aquitaine, Picard, 2015 ; Des thermes thérapeutiques dans les cités de la Gaule, in Archaelogia Mosellana, 10, 2018, p 267-289.-Carru D. et Tallah L. : Carte archéologique de la Gaule, Vaucluse 84/4, 2015 (un article sur les centuriations d’Orange, de G. Chouquier, p 51-69)-Chevallier R. : Voies romaines, Picard, 1997-Clauss-Balty P. : Les piles funéraires gallo-romaines du sud-ouest de la France, ARCHAIA III, PUPPA, 2016.-Colleoni F. : Stations routières en Gaule romaine. Architecture, équipements et fonctions, Gallia, 73-1, 2016-Coulon G. : Les Gallo-Romains, Errance, 2006-Dondin-Payre M. et Tran N. : Collegia, le phénomène associatif dans l’Occident romain, Ausonius, 2012-Dumasy F. : Théâtres et amphithéâtres dans les cités de la Gaule romaine, in Théatra et Spectacula, p 193-216, 2011-Ferdière A. : Voyage à travers la Gaule profonde (synthèses pratiques et bibliographies, parues dans la RACF, depuis 1984, en 2017, c’est le le XIX, visibles en ligne sur les sites Persée et revues.org) ; Les campagnes en Gaule romaine, 2 tomes, Errance, 1988 ; Les Gaules, A. Colin, 2005 ; La Gaule Lyonnaise, Picard, 2011-Goffaux B. : Scola : Vocabulaire et architecture collégiale sous le Haut Empire en Occident, REA, 113.1, p 47-67, 2011-Gros P. : L’architecture romaine, Picard, 2 volumes, 1996 et 2001 (très curieusement, les aqueducs sont absents !!!) ; Maisons ou sièges d’associations ?, CRAI, 1997, 141, p 213-241 ; La Gaule Narbonnaise, Picard, 2008-Monteil M. et Tranoy L. : La France gallo-romaine, La Découverte, 2008–Piganiol A. : Documents cadastraux de la colonie romaine d’Orange, supplément Gallia, 1962-Reddé M. : Gallia rustica 1 (2017) et 2 (2019). Les campagnes du nord-est de la Gaule, de la fin de l’âge du Fer à l’Antiquité tardive, Ausonius.–Villae, villas romaines en Gaule du sud, collectif, catalogue de l’exposition de l’abbaye de La Celle, Var, édition Errance, 2021.
C-SE DEPLACER EN GAULE ROMAINE (Voies, ponts, moyens de transport…)
Extrait de la Carte de Peutinger : Juliomago (Angers), Autricum (Chartres), Cenabo (Orléans), Avaricum (Bourges)… | Extrait de la Carte de Peutinger : Arelato (Arles), Avennione (Avignon), Masilia (Marseille)… |
I) LES AMENAGEMENTS ROUTIERS
Des fouilles, des découvertes d’hipposandales, des toponymes (« chemin de César », « chaussée de César », « levée de César », « chemin des Romains »), des photographies aériennes, des itinéraires antiques (la Table de Peutinger distingue 73 routes pour les Gaules) permettent de mieux connaître le réseau gallo-romain mais il faut faire cinq observations de départ : un réseau gaulois (très utilisé par César) existait auparavant, toutes les voies romaines ne sont ni pavées (c’est même rare !) ni droites, beaucoup de « voies romaines » et de « ponts romains » (de nombreuses communes en veulent à tout prix) sont postérieurs, les rivières et fleuves sont aussi fréquentés que les voies.
Les itinéraires antiques : Les auteurs antiques (Varron, Vitruve, Végèce…) mentionnent l’existence de cartes de géographie mais aucune n’est parvenue jusqu’à nous. Par contre, plusieurs objets et documents peuvent les évoquer : –Les 4 gobelets en argent de Vicarello, vers 10/30. Chaque gobelet énumère sur 4 colonnes les étapes et distances de Gadès en Espagne à Rome, par le sud de la Gaule, Narbonne, Nîmes, Arles (avec quelques incohérences : Nîmes-Beaucaire fait 15 ou 16 milles selon les gobelets). –Le « milliaire d’Autun », IIème s., CIL 13, 2681. Il s’agit de deux fragments d’un poteau indicateur routier, sans doute polygonal, mentionnant les principales voies quittant Autun (vers Auxerre ou Entrains). –La « colonne de Tongres » est le fragment d’un autre indicateur routier, vers 200/250. Il ne reste que 3 listes énumérant des étapes dont Reims, Soissons, Amiens, Arras, Bavay… –La « Table de Peutinger », est une copie médiévale (vers 1265, par un moine de Colmar ?) d’une « carte » antique disparue (de datation difficile, du Ier s. ?, remaniée vers 250 ? vers 338 ou vers 360 ?). Elle fut redécouverte par l’humaniste Conrad Celtis en 1494 et ce dernier la donna en 1508 à son collègue Konrad Peutinger. Elle est constituée de 11 parchemins assemblés, faisant au total 6,82 m. de long (mais il manque l’Espagne). On peut y voir 555 vignettes et plus de 4 000 toponymes. Il s’agit plus d’un schéma de routes que d’une carte. –« L’Itinéraire d’Antonin », des années 280/310 (ou remanié durant ces années ?). Il s’agit d’un répertoire de routes (372 au total dont 29 concernent les Gaules), de stations routières et de distances. -Vers 295-300, le rhéteur Eumène, lors de son discours des Ecoles d’Autun, fait allusion à une carte peinte du monde (disparue) qui était visible sur un portique. –« L’itinéraire de Bordeaux » est le voyage d’un pèlerin chrétien parti pour Jérusalem en 333. Pour la Gaule, il passe par Auch, Toulouse, Narbonne, Nîmes, Arles, Orange, Valence, Die, Gap, Briançon… |
Voie romaine à ornières à Ambrussum | Carte des principales voies romaines |
1- Les voies (15 000 à 35 000 km selon certaines estimations ! 150 000 km de routes connues dans tout l’Empire) :
–En Narbonnaise, les « via Domitia » et « via Aurélia » structurent l’espace littoral, des Alpes aux Pyrénées, à partir de -125/-120 puis Agrippa a vraisemblablement « organisé », depuis Lyon, les grandes lignes du réseau routier, vers -20 : une voie vers la Méditerranée, une vers Saintes et Bordeaux, une vers Boulogne par Autun (dite de l’Océan) et une vers le Rhin. Ensuite, quelques règnes (Claude, Antonin, Maximin, Constantin) correspondent à des améliorations ou restaurations du réseau. En plus de ces « autoroutes » antiques, existaient de nombreuses voies plus régionales ou locales, moins larges, plus « rustiques », permettant de joindre les agglomérations secondaires ou les villae. En Bretagne, la voie Rennes-Angers reprend même un tracé gaulois. Il existait même des voies privées comme celle de Chazey-Bons dans l’Ain, de Langres ou de Civray.
-La chaussée, souvent empierrée et rarement dallée (une image d’Epinal !), encadrée par des bas-côtés (pour les piétons ?) et des fossés, mesure en moyenne 6/7 m de large, et est fréquemment objet de recharges et de réfections. La voie peut-être légèrement bombée (sur remblai), suivre un bord de plateau, ou être en creux (= en cavée).
-Parcourant une voie, un gallo-romain croisera des « voitures » à 2 ou 4 roues, des cavaliers de la poste impériale (= terme tardif du « cursus publicus »), des soldats, des commerçants, passera devant des villas, des sanctuaires ruraux, des autels de carrefours, des relais routiers, des ateliers et des tombes à l’approche des villes, des bornes routières…
Borne de Sermentizon (Puy-de-Dôme), datée de 45-46 (Claude) ; Espace du temple de Mercure au sommet du Puy-de-Dôme | Borne d’Antonin au musée de Nîmes | Borne de Rom (Deux-Sèvres), de l’empereur Tacite, 275/276 ; Musée de Niort |
-Les bornes (en France, 564 bornes connues dont 439 datées ; 8 000 bornes connues dans tout l’Empire) indiquent les distances, en milles (= 1 478,5 m, en Narbonnaise) ou en lieues (= 2 222 m, dans les autres provinces, surtout à partir du règne d’Hadrien) et les périodes de mise en place ou de restauration (par exemple, 6 bornes datées de Maximin, en 236-237, sur la voie Lyon-Bordeaux, chez les Vellaves et 3 bornes du même Maximin, chez les Bituriges). D’après les inscriptions des bornes, les cités avaient une certaine autonomie pour le formulaire officiel et l’utilisation des milles ou des lieues.
bornes* | Narbonnaise | Alpes** | Aquitaine | Lyonnaise | Belgique** | Germanie supérieure** | total |
total | 274 | 32 | 109 | 96 | 37 | 16 | 564 |
datées | 230 | 24 | 81 | 63 | 27 | 14 | 439 |
Auguste | 33 | 4 | 37 | ||||
Tibère | 25 | 25 | |||||
Claude | 25 | 7 | 5 | 2 | 39 | ||
Trajan | 2 | 2 | 4 | 8 | |||
Hadrien | 1 | 3 | 5 | 2 | 3 | 14 | |
Antonin | 43 | 8 | 51 | ||||
Septime-Sévère | 2 | 1 | 4 | 4 | 11 | ||
Caracalla | 3 | 5 | 1 | 4 | 13 | ||
Maximin | 3 | 2 | 9 | 14 | 28 | ||
Postumus à Tetricus | 3 | 7 | 20 | 2 | 1 | 33 | |
Aurélien | 8 | 2 | 3 | 13 | |||
Constantiniens | 48 | 5 | 10 | 6 | 4 | 73 |
*= selon la base Manfred-Clauss (CIL 17-02 et « miliaria ») ; **=partie française seulement
Les dix principales voies de Gaule :
départ | arrivée | quelques étapes | bornes | observations |
col du Perthus (Pyrénées) | col de Montgenèvre (Alpes) | Narbonne, Béziers, Nîmes, Beaucaire, Apt, Gap, Briançon | 97 bornes connues selon R. Chevallier, dont 67 conservées (la plus ancienne est de -118, 19 bornes datent d’Auguste dont 11 de -3/-2, 18 de Tibère -surtout de 31/32-, 21 de Claude -surtout de l’année 41-, 13 d’Antonin -surtout de l’année 145-, quelques bornes de Galère, Constantin, Julien… ; la plus récente date de 435) ; cf bornes de Rivesaltes (Constantin), Treilles (de -118), Roquefort-des-Corbières (3 bornes dont 2 d’Auguste), Peyriac (Auguste), Béziers (Tetricus), St Thibery (Tibère), Castelnau-le-Lez (Galère), St Aunès (Tibère), St Ambroix (Julien), Teillan (3 bornes de Claude), Bernis (4 bornes dont 3 de Claude), Manduel (5 bornes de -3, 31-32, 41 et 145), Redessan (1 borne de Tibère, 2 de Claude), Jonquières (8 bornes dont 2 d’Auguste, 2 de Tibère, 2 d’Antonin) … | = Via Domitia, aménagée vers -125/120, peut-être réutilisation d’une voie gauloise (« héracléenne » pour les Grecs ?) ; 18 m de largeur d’emprise (dont 5/6m pour la chaussée) à Loupian |
St Gabriel (bord du Rhône) | Vintimille (littoral alpin) | Aix-en-Provence, Fréjus, Cimiez | 47 bornes dont 17 bornes de Nice à Menton ; 11 d’Auguste -surtout de -12 et -3-, 7 de Néron, 9 d’Antonin, 2 de Probus, 9 de Constantin… ; cf bornes du Paradou et de Maussane (Auguste), Aureille (3 bornes d’Auguste), Tourves (Néron), Brignolles (Néron et Probus), Cabasse (Néron et Constantin), Vidauban (Probus et Constantin), les Arcs (Antonin et Constantin), Roquebrune et Puget (Auguste), Fréjus (Aurélien et Constantin), Cannes et Antibes (Constantin)… | =Via Aurélia ou Iulia Augusta |
Arles | Lyon | Valence, Vienne | 22 bornes ; cf bornes de Solaize (Claude), Vienne (4 bornes dont Postume, Aurélien, Constantin), Chanas (Antonin), St Vallier (Claude), Tain (Aurélien), Valence (Aurélien), Cruas (3 bornes d’Antonin, 1 de Constantin), Meysse (Antonin), Mailllane (Tibère)… | aménagée vers -5 |
Narbonne | Bordeaux | Toulouse, Agen | 12 bornes de Narbonne à Toulouse ; cf bornes à Rondoulous (Dioclétien), Pouvourville (Décence), Aiguesvive (plusieurs empereurs du 4è), Baziège (Constantin), Villenouvelle (2 de Constantin), St Couat (Auguste)… | aménagée vers 13/14 |
Lyon | Bordeaux | St Paulien, Javols, Rodez, Cahors | cf bornes de Moingt (Maximin), Usson (Maximin), St Jean d’Ambrigoux (Aurélien), Beaune/s/Arzon (1 de Sévère Alexandre, 2 de Maximin), St Paulien (de Trajan, Maximin, Philippe), Sanssac (Philippe), St Jean-de-Nay (Postume), Le Thiollent (Trebonien Galle), Javols (Postume), Rodez (Trebonien Galle)… | = « voie Bolène », aménagée vers 10/50 |
Lyon | Saintes | Clermont-Ferrand, Limoges | cf bornes de Feurs (4 de Maximin), Vollore et Neuville (Claude), Pérignat (Hadrien), Orcines (Claude), Moutier-d’Ahun (Gordien III), Le Donzeil (Valérien et Gallien), Sardent (Gordien III), Ambernac (Dioclétien)… | = « route d’Aquitaine » ou « voie d’Agrippa », aménagée vers -20/30 |
Lyon | Brest | Argenton, Poitiers, Nantes, Vannes | cf bornes d’Antigny (Hadrien, Antonin, Trajan Dèce), Chauvigny (Antonin, Commode), St Pierre-lès-Eglises (Claude, Sévère Alexandre, Gordien III, Galère), Poitiers (Antonin, Sévère Alexandre), Nantes (Victorin, Tetricus, 2 de Tacite), Surzur (Victorin), Bieuzy (Trebonien Galle)… | |
Lyon | Boulogne | Autun, Sens, Amiens | peu de bornes connues (cf celle de Prégilbert dédiée à Postume) | = « route de l’océan », aménagée vers -20/-18 |
Lyon | Cologne | Chalon, Langres, Toul, Metz | 25 bornes selon R. Chevallier ; cf bornes de Choilley et Sacquenay (Claude), Norges (Constantin), Dijon (Trajan et Tetricus), Soulosse (Constantin et Crispus), Pompierre (Decentius), Dieulouard (Hadrien, Caracalla et Postume), Mondelange (Maximien)… | |
Aoste | Bavay | Besançon, Langres, Reims | cf bornes de Pontarlier (Trajan), Reims (Maximien), Brimont (Victorin)… |
Cf quelques études de voies et de réseaux routiers : -Bertrandy (F.), Bornes milliaires et réseau routier dans la cité de Vienne sous l’Empire romain, Chambéry, Institut d’Études savoisiennes, 2001 ; -Castellvi (G.), Comps (J.-P.), Kotarba (J.), Pezin (A.) (dir.), Voies romaines du Rhône à l’Ebre : via Domitia et via Augusta, DAF, 61, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1997 ; -Coulon G., Guide des voies romaines, Indre, 2017 (inventaire de 15 voies, présence de 3 gués, 1 ou 2 ponts possibles, 2 bornes, 2 à 4 relais ; pratique curieuse du recyclage des scories de fer des forges de la région d’Argenton pour former ou restaurer la chaussée) ; -Dacko (M.), Circuler dans le Massif central à l’époque romaine : réseaux, infrastructures et équipements routiers. Le cas des cités arverne et vellave (thèse visible sur le site thèses.fr) ; Etude des axes routiers (passage des voies Lyon-Saintes et Lyon-Bordeaux), du bornage (38 bornes dont 29 inscrites, 11 sont des milliaires et 6 des leugaires). Puis bon résumé in Revue archéologique de l’Allier, 1, 2017, p 26-31 ; -Desbordes (J.-M.), Voies romaines en Gaule. La traversée du Limousin, Archéologie en Limousin et Fédération Aquitania, TAL, suppl. 8 et Aquitania suppl. 19, Limoges, 2010 ; -Eveillard J-Y., Les voies romaines en Bretagne, Skol vreizh, 2016 ; -Gazenbeek (M.) : Le réseau viaire antique en Lorraine, in Voies, réseaux, paysages en Gaule, colloque de 2016, 2021, p 291-309 ; -Goudineau (Ch.), Les mystères de la lieue gauloise, dans Rivet (L.), Sciallano (M.) (dir.), Vivre, produire et échanger : reflets méditerranéens (Mélanges offerts à Bernard Liou), Montagnac, Éd. M. Mergoil, 2002 : 473-478. (pour les Trois Gaules et Germanies, sur 210 bornes aux formulaires complets, 154 sont en lieue contre 56 seulement, en mille). ; -Leroux (G.), Lorho (T.), Monteil (M.) et Poilpré (P.) : Le réseau viaire de l’ouest de la province de Lyonnaise, in Voies, réseaux, paysages en Gaule, colloque de 2016, 2021, p 273-290 ; -Nouvel (P.), Les voies romaines en Bourgogne antique : le cas de la voie dite de l’Océan attribuée à Agrippa, 20ème colloque de l’Association Bourguignonne des Sociétés Savantes, Saulieu, 16-17 octobre 2010, Amis du vieux Saulieu, 2012 : 9-57. ; -Thévenot (E.), Les voies romaines de la cité des Éduens, Bruxelles, Latomus, 1969
Forge du relais routier d’Ambrussum | Pont Julien à Bonnieux, daté de -3 |
2- Les stations routières prennent des formes variées et les termes latins mettent les historiens dans l’embarras : « mansio » (petit village-rue ou relais modeste pour la nuit ?), « mutatio » (lié aux transports d’Etat ? relais pour changer les chevaux ?), « praetoria » (hôtellerie réservée aux hauts fonctionnaires en mission), « tabernae » (auberges privées), fermes-auberges (liées à des villas ?)… Dans ces relais (de plan compact ou de plan barlong), on trouve généralement une ou plusieurs auberges avec chambres et cuisine, un passage charretier et une cour, des thermes, une forge, parfois un temple.
La revue Gallia, 73.1 (2016) recense des stations probables ou possibles : relais d’Ambrussum (34 ; 3 auberges, un édifice officiel qui est peut-être une mutatio…), relais de Marinesque à Loupian (34), ferme-auberge de Soumaltre à Aspiran (34), relais de la Vayssière à L’Hospitalet-du-Larzac (vers 60/120), relais de Peyre-Plantade à Clermont-l’Hérault, relais de la Goudagne à Auch (mutatio probable avec 52 chambres ?), « mutatio » de Vanessia à St Jean-Poutge (32) et de Pech Piélat à Séniergues (Lot), ferme-auberge péri-urbaine de Clermont-Ferrand (avec découverte d’une enseigne), relais des Bussières à Panossas (38 ; ou villa ??)… ; On peut ajouter avec précaution : Lattes (fouille d’une « taverne » du -Ier s. avec cuisine, 3 fours, une salle à manger en U), Castries (relais de Roux-Moulinas, de la fin du -Ier s.), Corseul (auberge possible du Val de Gravel), Lesménils (en Meurthe-et-Moselle ; auberge possible du Chêne-Brûlé), Bordeaux (site de la Cité judiciaire)…
3- Les ouvrages d’art que notre gallo-romain pourra franchir sont variés : de nombreux gués, des ponts (environ 85 connus + une trentaine non assurée, sans compter les ponts « dits romains », plus tardifs ; par comparaison, 1 560 ponts sont connus dans tout l’Empire), des passages taillées dans la montagne (à Dingy-Saint-Clair en Haute-Savoie).
31 ponts en bois connus | Amiens (vers -10), Aoste (sous Auguste), Benfeld (vers 185), Blois (vers 145), Bonnard-Bassou (sur l’Yonne, vers 150/170), Boulleret/Cosne-Cours/s/Loire (en 3 phases), Brognard (sur l’Allan, v60/80, 4 piles puis 120/140, 8 piles, 102m l), Candes-St-Martin (vers -14), Chalon (vers -14 puis vers 95/98 et v220 avec des piles en pierre), Charrette-Varennes (sur la Guyotte, vers 110/120), Chassenard (2 ou 3 édifices successifs, vers -50, 70 et 120), Etienville (pont-digue sur pilotis, sur 550 m , sur des marais), Etival (vers -60/10), Fondettes (vers 125), Melun (du -Ier s.), Metz (sur la Moselle, fin du Ier s.), Naintré (vers 100/130), Pontoux (sur le Doubs, vers -50), Rannée (sur l’Ardenne, sous Auguste ?), St Martin-de-la-Place (vers 30/40), St Satur (14 piles, vers 100/120), Ste Soline (sous Auguste ?), Sanguinet (vers -35), Sarrebourg (vers 247), Thyez (vers 90/125), Toulouse (du Ier ?), Tours (2 édifices : pont de l’île St Jacques, vers 80 et pont de l’île Aucard vers 400/500), Varennes/s/Allier (vers 227), Vichy (vers 180/220), Vienne (« pont romain », vers 20/30), Visseiche (vers -50) |
37 ponts en pierre connus | Les Arcs (2 ponts disparus : d’Argens et Rout), Bellegarde (disparu), Besançon (détruit en 1953, avait 6 à 9 arches), Boisseron (5 arches sur la Bénovie), le Pont Julien de Bonnieux (3 arches, sur le Calavon), Calvisson (pont d’Arnia, à 3 arches), Cereste (sur l’Aiguebelle, avait 2 arches), Claira (2 ponceaux de l’Aigly -il reste des vestiges de piles et de culées- et ponceau de la Grenouillère -il reste une pile et une culée- ; les parties centrales étaient peut-être en bois ?) ; Die (pont St Marcel, reconstruit et culées du pont-Rompu), Draguignan (détruit en 1827), Fréjus (les Esclapes, 3 arches et peut-être le pont du Logis des Cantonniers ?), Ganagobie (1 arche, sans doute d’Hadrien, construit avec 5 types d’appareil différent-grand appareil, petits moellon, à bossages, à claveaux, opus incertum), Limoges (détruit en 1182), Loupian (ponceau de Marinesque, disparu), Montbrison (détruit en 1944-1948, reste la culée de Pontaujard), Narbonne (pont des Marchands, peut-être celui cité aux 4-5è s. ; ponceau de Réveillon, découvert en 2007), le Paradou (2 culées à la Burlande), Périgueux (pont-Japhet, disparu vers 1860), le Perthus (pont du Pilo à 2 arches ; ils restent 2 piles), Pont-de-Barret (toujours utilisé, 2 arches), Pourcieux (pont Espinassi à Rouquette, 1 arche englobée dans un pont moderne), Le Pouzin (1 arche, toujours utilisé), le Pont Flavien à St Chamas (1 arche et 2 arcs, vers -10), St Etienne-du-Grès (disparu), St Romain-en-Gal (ponceau de la rue du Portique), Saintes (5 arches, détruit en 1843), Sommières (17 arches dont 7 conservées, sous Auguste ou Tibère, toujours utilisé), Vaison (1 arche, toujours utilisé), Villeperdrix (2 culées subsistent, sur l’Aygues), Villetelle (pont d’Ambrussum, il avait sans doute 8 arches et faisait entre 135 et 175m de long ; il reste 1 arche imposante sur 8), Viviers (11 arches, sur l’Escoutay) |
9 ponts mixtes | Châlon (à 5 ou 6 piles, vers 220) ; Chassenon (3 piles découvertes en 2011, dans la Vienne) ; Grand-Pressigny (sur la Claise, 2 bases de piles) ; La Balme (pont de Pierre-Chatel, disparu) ; Riez (pont du Pré-de-Foire, disparu) ; Romagnieu (pont de Boutey, 51 blocs subsistent dans le Guiers) ; St Satur (2ème pont, mixte, 17 piles, vers 160/170) ; Ste Croix-du-Verdon (noyé dans le lac du Verdon) ; Vidauban (pont d’Astros, détruit au 17ème s., restes 1 culée et 1 pile) |
1 pont de bateaux | à Arles : 17 bateaux ?, cité du 4è au 8è s. ; il était certainement relié, à chaque rive, à 5 travées en pierre et à une culée ; des blocs d’une culée ont été découverts en 1992, une ancre amarrant le pont a été découverte en 2004, les ruines d’un bâtiment carré en 2009 -douanes ?-, 2 colonnes qui ornaient peut-être un arc… |
8 ponts dont la structure est inconnu | Cannes (pont de la Roubine, disparu) ; Castelnau-le-Lez (bases de piles) ; Kembs (sur le Rhin, mal connu) ; Lyon (pont sur le Rhône, sur lequel fut assassiné l’empereur Gratien, détruit en 1190) ; Paris (Petit-Pont disparu) ; Pontoise (disparu) ; Seyssel (disparu) ; Virignin (sur le Rhône, dans l’Ain, possible) |
quelques ponts de datation incertaine (il existe de nombreux ponts dits romains) | Adrets (culée du pont de l’Estérel) ; Amélie-les-bains (pile d’un pont détruit en 1940) ; Aouste (culée d’un pont détruit) ; Apt ( plusieurs ponts disparus, citées au Moyen-Age) ; Ardoix (Ardèche, piles d’Oriol) ; Argenton/s/Creuse (bases de 3 piles, pont disparu en 1530, peut-être médiéval) ; Autun (pont de Margennes, sur le Branges ; pont de Renalée) ; Avignon (pont St Bénezet du 12è mais succédant peut-être à un pont romain ?) ; Béziers (le Pont-vieux, 16 arches, cité à partir de 1134, médiéval ?) ; Bistroff (1 arche) ; Boucieu-le-Roi (Ardèche, 2 piles, sur le Doux) ; Ceret (2 piles sur le Tech) ; Champagne (en bois, en Charente-Maritime) ; Chantelle (pont dit romain, à 3 arches, sur le Musant, médiéval ?) ; Dieulouard (Grande Rochette, disparu) ; La Cabanasse (culées d’un pont sur la Têt) ; Metz (1 culée sur la Seille) ; Meyras (Ardèche, pont à 1 arche) ; Mirabel (Ardèche, pile sur l’Auzon) ; Roquesteron (pile reconstruite en 1416) ; St Fortunat-sur-Eyrieux (Ardèche, pile et culées du pont de Pontpierre) ; St Germain (Ardèche, arche) ; St Sauveur-de-Bonson (disparu, cité en 1390) ; St Sylvestre (Ardèche, pont à 1 arche, médiéval ?) ; St Thibéry (incertitude sur son ancienneté mais cité en 990 ; 4 arches conservées) ; Sigale (pont du Riolan, cité en 1380, très restauré) ; Spoy (2 arches, sur le Landion, médiéval ?) ; Tournon (Ardèche, pile) ; Treilles (culées) ; Vienne (le pont dit de Trajan, détruit en 1651, est certainement médiéval, un « pont-aqueduc » disparu est sans doute antique)… |
les cas problématiques | –de Lyon (1 ou 2 ponts ?) ; Vienne (2 ponts probables mais pas celui dit de Trajan qui était médiéval) ; Valence (peut-être au niveau de la « tour de Constance » ?) |
II)LES MOYENS DE TRANSPORTS
Les Gallo-Romains ne sont pas aussi casaniers que l’on pourrait croire, beaucoup se déplacent, les officiels en mission d’inspection et les notables allant se reposer dans leur villa, les soldats (jusqu’à 35 km par jour), les commerçants, les pèlerins se rendant à un sanctuaire, les troupes d’artistes… Les déplacements, bien que lents (environ 30 km par jour, à cheval), sont facilités par un bon réseau routier jalonné de bornes, de relais et d’auberges. Mais les inconvénients et dangers sont assez nombreux : poussières, ornières, boue, risques de noyade (des inscriptions en témoignent peut-être à Sauzelles dans l’Indre et à Thésée dans le Loir-et-Cher), menaces des brigands (deux espagnols sont assassinés dans les Pyrénées et un préfet anti-brigandage est attesté à Eu, en Normandie). Le voyageur essaie de se protéger (recours à Mercure, aux Lares et déesses des carrefours, jets de monnaies pour passer un gué ou un cours d’eau comme à Saint-Léonard en Mayenne) et de se distraire sur le chemin (on lit les épitaphes des tombes, les tablettes que l’on emporte, on écrit comme le faisait César, on joue aux dés comme l’empereur Claude…).
Un exemple de grand voyageur : Sidoine Apollinaire est un notable gallo-romain, arverne, ayant vécu « en direct » les dernières heures de l’Empire romain d’Occident au Vème s. Ce qui ne l’empêcha nullement de réaliser de nombreux déplacements dans ses domaines (près de Clermont et à Lyon), chez des amis aristocrates (près de Bordeaux, près de Nîmes, près de Narbonne…), comme prêtre ou évêque de Clermont (à Bourges en 470/471, Riez, Vienne en 471/472, Rodez, Châlon…), à Toulouse (pour rencontrer le roi wisigoth en 455), en Italie (à Rome, à trois reprises, pour prononcer les éloges de trois empereurs en 455, 467 et 468) et pour exercer la fonction de préfet de la ville en 468-469, sans oublier des voyages « contraints » (envoyé en résidence surveillée par les Wisigoths près de Carcassonne et à Bordeaux en 475-476). Ses 24 poèmes et 146 lettres conservées nous donnent, entre les lignes, quelques informations sur les conditions de ces voyages : tantôt à cheval (en utilisant parfois les chevaux de la poste officielle) ou en litière, tantôt en bateau (avec couchette, rameurs…), déjeunant sous une tente dressée par ses gens, dormant chez les amis (pour éviter les auberges qui ont mauvaises réputations), traversant les cols alpins sans difficultés (les routes semblent entretenues en ces temps difficiles). Rarement il signale des obstacles naturels (neige en Auvergne) ou politiques (menaces barbares, postes de garde nombreux…). A LIRE : Sidoine Apollinaire voyageur ( d’E. Wolff, revue Antiquité Tardive, 24, 2016, p 193-201) et Cartographie géo-littéraire et géo-historique de la mobilité aristocratique au Vème s. d’après la correspondance de Sidoine Apollinaire ( de M. Fournier et A. Stoehr-Monjou, revue en ligne belgeo.revues.org, 2014,2). |
Voiture à 4 roues pour voyageurs, provenance de Vaison-la-Romaine mais visible au musée lapidaire d’Avignon ; De plus, un article du RAN, 2017-2018, suggère que ce relief est une contrefaçon réalisée au XVIème s. ! | Chariot avec une caisse en osier ; musée archéologique de Dijon |
1-Quels sont les moyens de transport terrestres ?
Les plus modestes vont à pied… D’autres utilisent un cheval ou un mulet pendant que certains se déplacent en « voiture ». Héritiers de la vieille tradition celtique de charronnerie et de carrosserie, les gallo-romains fabriquent des voitures de qualité, des lourds chariots couverts aux « carrosses » confortables des notables. Les modèles les plus répandus comprenaient :
Des véhicules lourds | Des véhicules légers | |
Exemples | -la « raeda » de la poste impériale – la « benna » pour voyageurs | – « le cisium », chaise-cabriolet -le « carpentum », sorte de roulotte -le « carrus », char rapide |
Roues cerclées de fer | quatre | deux |
Caisse en bois ou en osier | à 2 étages de claire-voie | à 1 étage de claire-voie |
Bancs | deux ou trois voyageurs | un ou deux voyageurs |
Chevaux ou mules | deux à quatre | un ou deux |
Les chevaux portent un collier de cou constitué par un bande de cuir souple décorée d’amulettes et sont attelés de front aux brancards ; leurs pieds sont protégés par des hipposandales (voir fiche sur les animaux) attachées par des lacets en cuir fragiles, à l’avant et à l’arrière du sabot. Tout ceci explique la faible vitesse moyenne de déplacement (autour de 75 km par jour pour les courriers impériaux rapides).
Témoignages iconographiques : voiture à 4 roues et à voyageurs (Vaison mais un fort doute sur son authenticité -cf l’image ci-dessus-), chariot au tonneau dit « charriot des vendanges » tiré par 3 chevaux et char tiré par 2 paires de chevaux (Langres), chariot avec caisse en osier (Dijon), cabriolet (Sens), une voiture attelée à 2 chevaux, une autre à un cheval et deux autres attelages (Metz)… Au total, dans Espérandieu, on compte treize représentations de véhicules à quatre roues et seize véhicules à deux roues.
Quelques découvertes archéologiques : une exceptionnelle roue en bois, à 10 rayons, de chariot (sans doute d’un carpentum ou d’un carrus) a été découverte en 2014, dans le Rhône, à Arles. Un élément de suspension (passe-courroie) de voiture de voyage a été découvert à Aoste (Isère).
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Chaland Arles-Rhône 3 (musée archéologique d’Arles) | Bateau pour le cabotage (maquette du musée d’Arles) |
2- Quels sont les moyens de transport par voie d’eau ?
Lorsque les routes sont mauvaises ou dangereuses, les Gallo-Romains apprécient la navigation sur les fleuves et le long des côtes (cabotage). Selon Tacite, un canal fut même envisagé entre la Saône et la Moselle mais non réalisé (refus du gouverneur de Belgique).
Les bateaux présentent une coque en bois arrondie (sur une stèle de Narbonne) ou pointue à l’avant (bateaux du Rhin). Ils sont manœuvrés grâce à un gouvernail-aviron latéral ou axial monté sur une barre articulée. Ils avancent grâce à des voiles en peau ou en lin et à des rameurs, en l’absence de vent.
Les troupes ou, peut-être, les voyageurs peuvent prendre place dans de grandes embarcations à fond plat. Les particuliers les plus riches disposent de bateaux de plaisance très confortables comme celui que décrit Sidoine Apollinaire : « Tu trouveras dans le vaisseau un lit délicat et mou, un jeu avec ses pions de deux couleurs, des dés…et des cornets d’ivoire…(sur le pont) une tente placée sur ta tête de protégera… »
Les marchandises lourdes ( chargements de tonneaux, d’amphores pour les liquides) sont transportées surtout sur des chalands à fond plat (à structure monoxyle).
Ausone dit (Lettres XXII, 2, 31-32) que l’intendant Philon utilisait de grosses embarcations à voile (acatus, phaselus) et des barques de rivière à voile et à rame (linter, stlatta, ratis) sur la Garonne et sur le Tarn. Si l’on se réfère aux auteurs antiques, ces termes sont très flous. Le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg-Saglio permet d’y voir un peu plus clair (!) : l’acatus est un navire plus ou moins important, léger et rapide ; le phaselus, un vaisseau de transport à la conque longue et effilée ou un simple canot à rames ; le linter, un petit bateau instable pour la navigation sur fleuves, rivières, lacs et pour le cabotage ; le stlata et le ratis, des sortes de chalands, larges et plats, à rames (le ratis est utilisé pour le service de bacs sur les fleuves et a ainsi laissé son nom à Rezé -Ratiatum- en face de Nantes ; il est aussi un radeau). Sont cités aussi, la vegeiia (grande barque allongée) et l’horia (grand bateau à voile et rames)…
Quelques épaves fluviales ou « maritimo-fluviales » sont connues ; Les archéologues les répartissent en 2 groupes, l’Atlantique et le Rhône-Saône : Ancenis (130/150, une pirogue) ; la célèbre Arles-Rhône 3 (v50/60 , découverte en 2004, exposée au Musée d’Arles antique, elle mesure 31 m de long et 3 m de large, c’est un chaland de type monoxyle-assemblé) ; de nombreuses autres épaves découvertes ces dernières années à Arles, Fos et aux Saintes-Maries ; Bayon (une pirogue) ; Bresles ; Caen ; Carentan ; Chalon/s/Saône (une pirogue de 15,50m de long et un chaland v50/70) ; Chatenay ; Chaudeney/s/Moselle (3 pirogues monoxyles) ; Courchapon ; Flavigny/s/Moselle (un flotteur de radeau de l’Antiquité tardive) ; La Fontaine/s/Somme (une barge de 12 m de long); 6 chalands de St Georges à Lyon (v55, v150, 158/185, v160/185, 210/215, 254/260) et 1 chaland de la place Tolozan (vers 30) ; Marcenat dans l’Allier (une pirogue de 10 m de long) ; 1 épave à la Bourse, Marseille (3ème, navire marchand), 5 épaves place Jules Verne à Marseille (3 navires de service pour draguer le port, 1-2ème, 1 barque portuaire ou de pêche du 3ème, 1 navire de charge du 4ème) ; Mèze (épave de la Conque des Salins, v15/236, petite embarcation à fond plat pour le transport de marchandises sur la lagune) ; Saintes-Fontcouverte (2 épaves de Courbiac datées des années v330/350, 17m et v250/400, 19m ; bateaux fluviaux à fond plat et sans quille) ; Sassenay en Saône-et-Loire (une pirogue v4/130) ; Strasbourg (2 radeaux du 2ème s.) ; Taillebourg (v145/420) ; Tardinghem-Le Chatelet … ;
Des bateaux sont figurés sur des bas-reliefs à Aix-en-Provence (barque), Angoulême, Arles (navire de commerce), Cabrières d’Aigues (barcasse halée), Colonzelle (chaland), Fayence (navire de commerce), Gassin (une liburne), Lyon (barque), Marseille (une liburne), Metz, Narbonne (une corbita, une galère, une barcasse, des navires de commerce), Orange (galère), Vieux, sur des mosaïques (des galères très stylisées à Anse) et sur des objets à Blessey et aux sources de la Seine (barques en bronze)… ; A noter aussi deux graffiti de navires, une magnifique « corbita » à Cucuron (sur un enduit peint de villa) et un autre, sur céramique, au Mans ; Deux curieuses fibules en bronze, en forme de barque à rames avec 3 rameurs, ont été trouvées à Alésia et à Biesheim (Alsace) ; Découverte récente, à Magny-Cours : un décor de proue de navire, en bronze.
Sources :-Barruol G., Fiches JL., Garmy P. : Les ponts routiers en Gaule romaine, RAN, sup. 41, 2011-Bedon R. : Atlas des villes, bourgs, villages de France au passé romain, Picard, 2001-Bedon R., Chevallier R., Pinon P. : Architecture et urbanisme en Gaule romaine, 2 tomes, Errance, 1988-Besson C., Blin O., Triboulot B. : Franges urbaines, confins territoriaux ; la Gaule dans l’empire, Ausonius, 2016-Boetto G., Pomey P., Tchernia A. : Batellerie gallo-romaine, Errance, 2011-Chevallier R. : Voies romaines, Picard, 1997-Colleoni F. : Stations routières en Gaule romaine. Architecture, équipements et fonctions, Gallia, 73-1, 2016-Coulon G. : Les Gallo-Romains, Errance, 2006 ; Plaisirs et dangers du voyage dans l’antiquité romaine, in Archéologia, 565, 2018, p 38-45-De Izarra F. : Hommes et fleuves en Gaule romaine, Errance, 1993-Dieulafait F. : Rome et l’Empire romain, éditions Milan, 2017-Duval P.-M. : La Gaule pendant la paix romaine, Hachette, collection La vie quotidienne, édition 1997 ; avec de nombreuses références à Espérandieu-Espérandieu E. puis Lantier R. : Recueil des bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine, 1907-1949, 14 volumes-Ferdière A. : Voyage à travers la Gaule profonde (synthèses pratiques et bibliographies, parues dans la RACF, depuis 1984, en 2016, c’est le le XVIII, visibles en ligne sur les sites Persée et revues.org) ; Les Gaules, A. Colin, 2005 ; La Gaule Lyonnaise, Picard, 2011-Gros P. : L’architecture romaine, Picard, 2 volumes, 1996 et 2001 (très curieusement, les aqueducs sont absents !!!) ; La Gaule Narbonnaise, Picard, 2008-Monteil M. et Tranoy L. : La France gallo-romaine, La Découverte, 2008-Raynaud C. : Voies, réseaux, paysages en Gaule, 49ème suppl. RAN, 2021 (34 contributions dont beaucoup portent sur le Languedoc)