Cadre politique et administratif de la Gaule romaine

  • 1-Présence impériale
  • 2-« Tour des Gaules » : provinces et cités
  • 3-Statut des cités
  • 4-« Trop de fonctionnaires… en Gaule ? »

1-PRESENCE IMPERIALE

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L’empereur CLAUDE, né à Lyon en -10 L’empereur CARACALLA, né à Lyon en 186 ou 188 (intaille de la Sainte-Chapelle) L’empereur « gaulois » POSTUMUS, proclamé en 260, tué à Mayence en 269 L’empereur GRATIEN, proclamé à Amiens en 367, tué à Lyon en 383

A-LES EMPEREURS ET LA GAULE
1-De futurs empereurs nés en Gaule (8) : Claude (à Lyon le 1er août -10) ; Caracalla (à Lyon le 4 avril 186/188) ; Carus (à Narbonne ? v 224 ?) ; Carausius (chez les Ménapiens) ; Constantin II (à Arles le 7 août 316) ; Magnence (à Amiens v 303) ; Eugène (à Eauze, selon C. Sotinel, Rome, la fin de l’Empire, Belin, 2020) ; Avitus (en Auvergne ? v400)


2-De futurs empereurs « formés » en Gaule (9) : Auguste (gouverneur des Gaules v -40/-39 sous le nom d’Octave) ; Tibère (gouverneur des Gaules en -15/-13 et -9/-7 ; il est aussi présent à Bavay et Boulogne v4/10) ; Galba (gouverneur d’Aquitaine v31/32 et légat de Germanie supérieure en 39/41) ; Trajan (légat de Germanie supérieure en 97/98) ; Didius Iulianus (gouverneur de Belgique en 170/174) ; Septime-Sévère (gouverneur de Lyonnaise en 186/188) ; Pupien (proconsul de Narbonnaise puis légat de Germanie supérieure) ; Tetricus (gouverneur d’Aquitaine avant 271) ; Constance II (gouverneur des Gaules en 332-335, à 14 ans !)


3-Des empereurs proclamés en Gaule (surtout des usurpateurs)(19) : Vitellius (à Cologne en 69) ; Saturninus (à Mayence en 89) ; Postumus (à Cologne) et les autres « empereurs gaulois » entre 260 et 274 (Laelianus, Marius, Domitianus, Victorin, Tetricus et son fils) ; Bonosus (à Cologne en 280) ; Proculus (à Lyon en 280) ; Silvanus (à Cologne en août 355) ; Magnence (à Autun le 18 janvier 350 alors que l’empereur Constant chasse dans les environs) Julien (à Paris en février 360) ; Gratien (à Amiens le 24 août 367, par son père) ; Eugène (à Lyon le 22 août 392) ; Jovin et son frère Sébastien (en 411) ; Avitus (près d’Arles le 9 juillet 455, par le roi Wisigoth)


4-Des empereurs se rendant en Gaule : Auguste (plusieurs séjours en -27/-24 à Narbonne notamment où il dirige un recensement des citoyens, en -16 à -13, à Nîmes et sans doute à Lyon) ; Caligula (en 39-40, bord du Rhin, Lyon -où il aurait jeté son oncle Claude dans le Rhône ! -, Boulogne -pour faire ramasser des coquillages, dit-on-) ; Claude (à Lyon, certainement -changement de titulature de la colonie- et Boulogne en 43) ; Vitellius (à Lyon en avril-mai 69) ; Domitien (à Lyon en 89/90) ; Hadrien, « l’empereur-voyageur » (2 séjours en 121 -à Marseille et sans doute Lyon- et 122 -à Nîmes, Avignon, Apt, peut-être Narbonne-) ; Septime-Sévère (pour faire la guerre contre Clodius Albinus ; passage à Lyon en février 193, à Salins ?, est à Mayence le 10 avril ; sans doute passage à Boulogne en 208) ; Maximien (en Narbonnaise en 287, à Reims en 291, à Arles et Marseille) ;  Constantin Ier (nombreux séjours de 311 à 316, à Autun en 311, à Arles en 314 et 316, à Chalon en 316) ; Constance II (séjourne à Arles en 353-354, à Chalon en 352) ; Julien (dans le nord-est, pour cause de guerre, à Paris en 360, à Vienne en 360/361) ; Valentinien Ier (présent à Paris en 365-366, Reims, Chalons… pour défendre la Gaule), Maxime (en 383-384, notamment à Chalon où il fait brûler un Roi barbare !)… et plus tard, Honorius à Arles en 418, Majorien à Arles en 460 et 461…


5-Des empereurs morts en Gaule (21) : Clodius Albinus (se suicide à Lyon le 19 février 197) ; Sévère Alexandre (assassiné près de Mayence le 18 mars 235) ; Salonin, fils de Gallien (tué par Postumus à Cologne en 260) ; Postumus (tué à Mayence en 269) ; Laelianus et Marius (éliminés en 269 ?) ; Victorin (tué à Cologne en 271) ; Bonosus (se suicide à Cologne) ; Proculus (tué à Lyon ?) ; Carausius (tué à Boulogne ? en 293) ; Maximien (se suicide à Marseille ou Arles en juillet 310) ; Constant (tué par des soldats dans une église à Elne en janvier 350) ; Silvanus (tué à Cologne ?après 28 jours de règne) ; Magnence (se suicide à Lyon le 10 août 353) ; Gratien (exécuté à Lyon, sur un pont, le 25 août 383) ; Valentinien II (suicide par pendaison ou assassinat à Vienne le 15 mai 392) ; Constantin III (exécuté à Arles en novembre 411 : il est traîné par un char puis crucifié) et son fils Constant (décapité à Vienne en 411 par le comte Géronce) ; Jovin et Sébastien (tués à Valence ou exécutés à Narbonne ?, par le préfet du prétoire Dardanus, en 413) ; Avitus (octobre 456 ; de maladie ? entre l’Italie et l’Auvergne ?, enterré à Brioude).

File:02. Pierre de Chagnon - Aqueduc du Gier.JPGFile:Fac similé de la borne romaine du col de la Forclaz à St Gervais les Bains.jpg
Inscription de Chagnon : loi d’Hadrien concernant l’aqueduc de LyonFac-similé de l’inscription du col de Forclaz (74) : Elle a été réalisée sur ordre de l’empereur Vespasien par le propréteur  (commandant) de l’armée de Germanie supérieure, Cn. Pinarius Cornelius Clemens pour fixer les limites entre les Ceutrons et les Viennois.

6-Des empereurs administrateurs et gestionnaires : Auguste a crée les cités, des colonies de vétérans (Béziers, Orange, Fréjus…), l’atelier monétaire de Lyon. Son ami et gouverneur Agrippa aurait organisé le tracé viaire en étoile depuis Lyon. Auguste ou Tibère crée les provinces des Trois Gaules (Aquitaine, Lyonnaise et Belgique). C’est sans doute Vespasien (ou Claude ou encore Hadrien ?) qui accorde le droit latin à toutes les cités de Gaule. Domitien organise les deux provinces germaniques. Sous Hadrien, à Chagnon, près de Lyon, une inscription reprend une législation impériale sur l’espace de protection et sur l’entretien de l’aqueduc du Gier. Un militaire anonyme, est envoyé par le même empereur, dans les Alpes Maritimes, pour contrôler les terres du domaine impérial et répartir les terres en friche pour leur mise en valeur par des tenanciers. C’est Caracalla qui accorde à tous les habitants libres de la Gaule (et de l’Empire) la citoyenneté romaine en 212.


7-Des empereurs « redresseurs de torts » : les interventions de Vespasien (69-79) en témoignent. A Passy, une borne de délimitation des territoires viennois et ceutron, permet  de régler un modeste conflit « frontalier » en 74. Curieusement, l’empereur fait appel au gouverneur de Germanie supérieure pour gérer ce problème, et non aux deux gouverneurs de Narbonnaise (pour Vienne) et des Alpes Grées (pour les Ceutrons). En 77, un rescrit impérial règle d’autres problèmes de limites de propriétés entre les indigènes Vanacini et des colons de Mariana, en Corse : une plaque de bronze en est conservée. La même année, Vespasien demande au gouverneur (de Narbonnaise) de vérifier et d’afficher les cadastres dits d’Orange (des particuliers avaient usurpé des terres publiques et des terres indigènes). Une curieuse affaire, sous Antonin (138-161) est connue par une inscription de Saint-Jean du Garguier : les habitants d’un pagus (de la cité d’Arles) qui se voyaient refuser l’accès aux thermes d’Arles, demandèrent l’aide, non pas des autorités civiques ou du gouverneur de Narbonnaise, mais du sévir Q. Cornelius Marcellus, qui défendit si bien leurs intérêts que l’empereur lui-même leur accorda l’accès gratuit à ces thermes ! L’inscription de Seilh (près de Toulouse) est certainement la réponse, probablement positive, d’un empereur anonyme, à une sollicitation des décurions de la cité.


8-Des empereurs « passés par Bercy » ! : A partir du second siècle, des « experts comptables » sont nommés par des empereurs pour aller contrôler et redresser les finances de certaines cités (peut-être à la demande des dites cités…), ce sont les curateurs. Trajan a nommé le chevalier nîmois M. Cominius Aemilianus, curateur de la cité d’Aix-en-Provence. Un sénateur (M. Pontius Laelianus Larcius Sabinus) est nommé curateur à Orange par l’empereur Hadrien. Marc Aurèle nomme L. Fulvius Gavius Aemilianus à Lyon v 166/168. Septime-Sévère envoie C. Decimius Sabinianus chez les Vénètes et peut-être T. Flavius Gemenus à Aoste. Quatre autres curateurs, non datés, sont encore connus (dans plusieurs cités de Narbonnaise, à Bordeaux, chez les Suessions).

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Inscription de Naix-aux-Forges : Hadrien s’y présente comme le restaurateur du forum des LeuquesInscription de Narbonne : Antonin-le-Pieux restaure les thermes après un incendie en 145 et il est remercié par les magistrats (la moitié droite est restituée)  Le temple d’Auguste et de Livie à Vienne, reconstruit vers 40, suite à un séisme.

9-Des empereurs qui font « des cadeaux » ! : Des fondations (ou restaurations) impériales sont attestées par l’épigraphie  pour certaines enceintes (Vienne, Nîmes), pour un gymnase à Nîmes, des thermes à Narbonne et Reims, des arcs (Orange, Besançon et Reims ?), un temple à Glanum, un forum chez les Leuques, plusieurs édifices à Bourg-Saint-Maurice … Ainsi, Auguste offre les enceintes de Nîmes et Vienne et peut-être celles d’Arles, d’Orange, d’Autun… Une inscription de Naix fait d’Hadrien le restaurateur du forum des Leuques vers 120.  Bien que sa famille soit originaire de Nîmes, c’est à Narbonne qu’Antonin fait restaurer des thermes détruits par un incendie vers 145. A Bourg-Saint-Maurice, Marc Aurèle et Lucius Verus (coempereur) font restaurer les temples et thermes. Des thermes sont offerts par Constantin à Reims. Des membres de la famille impériale ne sont pas en reste : A Nîmes, Agrippa fait don d’un monument inconnu et Caius César, patron de cette colonie, donne un xyste (= galerie couverte d’un gymnase). Vers -20, Agrippa consacre à Glanum, un temple à la déesse des eaux curatives, Valetudo. Une architecture dynastique se développe sous Auguste : les temples géminés de Glanum, le théâtre d’Arles et son décor lié à la sacralisation du pouvoir impérial (dont deux Vénus, pour rappeler l’ascendance divine d’Auguste), l’Augusteum et la « Maison Carrée » de Nîmes (sortes de reproductions du temple d’Apollon Sosien à Rome), le théâtre d’Orange et son décor inspiré du « nouvel ordre cosmique augustéen », le temple d’Auguste à Vienne … Les trophées de Saint-Bertrand et de la Turbie assimilent Auguste à Hercule. La construction de l’arc de Besançon vers 176 (décor basé sur les mythes grecs) témoigne peut-être de la répression d’une révolte des Séquanes alors que la porte de Mars à Reims est à la gloire de la romanité triomphante.


10-Des empereurs qui ont des amis Gaulois : Le chevalier viennois L. Iulius Vestinus, est chargé de gérer les affaires privées de Claude.Deux notables proches d’Annecy (Saint-Jorioz) se rendent indispensables à Néron en 55, l’un comme préfet du prétoire (T. Iulius Ustus), l’autre comme complice de l’assassinat du demi-frère de l’empereur, Britannicus (T. Iulius Pollio). L. Pompeius Vopiscus, viennois et ami de l’empereur Othon, devient consul en 69.


11-Des empereurs récompensent des militaires : Un tribun militaire, S. Decidius, est décoré par Tibère (Saint-Alban-Leysse). Un soldat nîmois (T. Iulius Festus) est libéré par cet empereur et reçoit des gratifications de sa ville. A Grenoble, un vétéran de la 3ème légion, T. Camulius Lavenus, est fier de préciser sur son épitaphe qu’il a été décoré de colliers et bracelets d’or par l’empereur Hadrien. Le notable T. Flavius Gemenus (inscription à Aime), officier participant aux guerres contre les Parthes, est décoré par Septime-Sévère vers 200.


12-De pieux empereurs : A Salins, dans les Alpes, Septime-Sévère et son fils Caracalla offrent un ex-voto à Hercule Graius, à la suite de leur retour vers l’Italie. La tradition (mais aucune preuve…) fait de Caracalla et de Constantin de fervents admirateurs d’Apollon : ils auraient réalisé un « pèlerinage » à Grand (Vosges). Pour Caracalla, c’est invraisemblable et pour Constantin, c’est très incertain !


13-Des empereurs s’occupant du réseau routier :
Environ 560 bornes routières, installées au nom des empereurs, sont connues pour les Gaules et la Germanie supérieure (partie française). On peut dire que le bornage des voies est important sous Auguste (37 bornes, surtout en Narbonnaise), Tibère (25 en Narbonnaise datant surtout de 31/32), Claude (39 dont 25 en Narbonnaise), Antonin (51 bornes), les Sévères, Maximin (25 dont 14 en Lyonnaise), Postumus (11 dont celle de Dieulouard, datée précisément entre le 10 et le 31 décembre 268), Tetricus (13 dont celles de Bayeux, Nantes, Rennes, Béziers…)… Plus curieux, des empereurs éphémères du IIIème s. ont leurs bornes (2 pour Déce, 5 pour Trébonien Galle, 7 pour Tacite, 1 pour Florien). De nombreuses bornes routières sont érigées au IVème s. : les Tétrarques (6 de Dioclétien, 7 de Maximien, 11 de Galère), Constantin (environ 55). Les dernières connues datent de 350 pour les Trois Gaules et de 435 pour la Narbonnaise.


14-Des empereurs « nettoyeurs » ! : Caligula (37-41) traverse la Gaule en 39 pour réprimer une conspiration du gouverneur de Germanie supérieure (octobre) puis passe l’hiver à Lyon et  « règle ses comptes » (exécution du roi Ptolémée de Maurétanie, exil du roi juif Hérode Antipas à Saint-Bertrand-de-Comminges ou Lyon ?).

Afficher l'image d'origine Dédicace impériale Narbonne augGP2014.jpg
Statue de Domitien (avec tête de Nerva) au musée de Vaison Autel de Narbonne, dédié par la plèbe au numen d’Auguste, le 22 septembre 11.

B-LA GAULE ET LES EMPEREURS
1-Le conseil fédéral des Trois Gaules, inauguré par Drusus à Lyon le 1er août -12 (selon Tite-Live ou en -10 selon Suétone), honore régulièrement l’empereur. Claude accorde le droit latin aux Eduens (peut-être aussi le droit italique à Lyon) et favorise l’octroi de la citoyenneté romaine à l’élite gauloise. En remerciement, les délégués ont dressé la copie en bronze d’un discours prononcé au sénat de Rome en 48 (les fameuses « Tables claudiennes » qui nous montrent un empereur cultivé -références aux Etrusques et aux institutions romaines- mais au parlé confus et maladroit…). Le conseil fédéral envoie un orateur à Néron en 59 et fait une requête à Marc Aurèle en 176 pour demander une diminution des frais des combats de gladiateurs. Une assemblée des Gaules réunis chez les Rèmes, proclame sa fidélité à Vespasien en 70.


2-La Gaule honore les empereurs et les membres de la « domus divine » (famille impériale) par un grand nombre de dédicaces et de statues et bustes. Il existe 165 dédicaces à des empereurs (surtout des bases de statues) et 135 portraits (dont 26 groupes statuaires). Les empereurs les plus représentés ou cités sont Tibère (20), Auguste (18), Claude (15), Caligula (12), Trajan (11), Septime-Sévère (11), Caracalla (10)… Ce sont surtout des Julio-claudiens (première dynastie) et des Sévères (quatrième dynastie). Rien qu’en Narbonnaise, 70 portraits et inscriptions sont dédiés à Auguste et à sa famille. On notera la faiblesse des dédicaces et représentations des Antonins (6 Hadrien et 6 Antonin). Quelques empereurs « apparaissent » pour les IIIème (34 hommages impériaux de 235 à 284) et IVème siècles (10 pour Dioclétien et les Tétrarques, 7 pour Constantin et ses fils).Ces images sont 160 en Narbonnaise, 61 dans les Alpes, 38 en Aquitaine, 22 en Belgique, 19 en Lyonnaise…Pour les dédicaces, 76 dédicants sont connus : 52 sont des autorités des cités, 19 des notables locaux à titre privé, 5 seulement des « associations ».


3-Des dédicaces par le « peuple » : Le fameux « autel de Narbonne » est dédié le 22 septembre 11 par la plèbe de la ville au numen d’Auguste (« puissance divine agissante qui habite l’empereur ») : il prévoit des sacrifices et des distributions d’encens et de vins (c’est plus populaire !) trois fois par an, les 7 janvier, 31 mai et 22 septembre. En 198, les habitants de Glanum font trois dédicaces à Septime-Sevère, à Iulia Domna son épouse et au futur Caracalla.

File:Monument aux princes de la jeunesse 43454.jpgSocle de la statue de l'empereur Claude / Œuvres commentées (musée d'Art et  d'Archéologie) / Explorer les collections / Collections - Musées de Senlis
Grande dédicace aux Princes de la Jeunesse, Caius et Lucius César, à ReimsSocle en bronze d’une statue
de l’empereur Claude avec dédicace par les Silvanectes en 48/49 (Soissons)
Dédicace du sénat de Rennes à l’empereur Gordien III en 245

4-Des dédicaces par les autorités de la cité (ou d’une province) : Arles expose sur le forum une copie en marbre du bouclier d’or offert par le sénat de Rome à l’empereur Auguste en -27. En Corse, à Aléria, le sénat local offre vers -10, un groupe statuaire à Auguste et aux deux jeunes princes C. et L. César, patrons de la colonie (Lucius est aussi patron de la colonie de Lyon). Plusieurs autres belles dédicaces aux petits-fils d’Auguste,  sont connues, à Sens, Reims, Saint-Paulien, Bavay. A Ruscino, un ensemble important de 20 dédicaces sur bases de statues ornant le forum, a été découvert : la plus ancienne honore les deux Princes de la Jeunesse, d’autres, Tibère et ses fils, la famille de Germanicus et Caligula. Les Silvanectes (Senlis) élèvent une statue à Claude en 48 : il en subsiste le socle en bronze. A Aime, on félicite l’empereur Trajan , vainqueur des Daces, vers 107/108. A Gilly-sur-Isère, on dédie pour « le salut, la sauvegarde et la victoire » de Commode. Le « conseil » provincial de Cimiez honore Septime-Sévère et son fils aîné. Gordien III semble apprécié : un taurobole  est réalisé le 8 décembre 241 par le sénat des Lactorates (à Lectoure) pour l’empereur et son épouse Tranquillina, une dédicace du sénat municipal de Rennes à Gordien III est datée de 245 et une dédicace à Tranquillina uniquement, par la cité des Vellaves (à Lavoute-sur-Loire)… Le sénat de Cimiez honore Salonine (épouse de Gallien, empereur en 253-268) et celui de Briançonnet fait une dédicace au césar Salonin.


5-Des dédicaces par un pagus ou un vicus (= circonscriptions territoriales ?) : A Vienne, une dédicace d’un vicus associe Auguste et Tibère César vers 4/14. A Cocheren, ce sont des négotiatores (marchands ?) d’un vicus qui font une dédicace à Tibère en 20. Malgré sa médiocre réputation, Caligula a le « droit » à une dédicace, à Cabasse (par le pagus Matavonicus). Les habitants du vicus de Marsal célèbrent l’anniversaire des Augustes (Claude et ses prédécesseurs) vers le 23 septembre 44. Les Lares de Néron(les dieux protecteurs de la maisonnée impériale !) sont honorées par un vicus, à Melun. Néron est aussi « apprécié » par le pagus Iuvenalis (quartier d’Aix-en-Provence ?). Les pérégrins (non libres ou étrangers ?) du vicus de Soulosse honorent l’impératrice Iulia Mammaea (mère de Sévère-Alexandre) le 27 juin 232.



File:Bustes d'Auguste et Livie (Louvre, Br 29 et Br 28).jpg
Dédicace à Jupiter et au Génie de Tibère Auguste par les bouchers de Périgueux Bustes en bronze de Livie et Auguste, offerts par Atespatus ; découverts à Neuilly-le-Réal (Allier) ; musée du Louvre

6-Des dédicaces par une association (collège) : Un célèbre pilier est consacré par le collège des nautes de Lutèce, à Tibère (associé à Jupiter). A Périgueux, c’est le collège des bouchers qui honore le Génie de l’empereur. Caligula est honoré à Saint-Jean de la Porte, par une association de bateliers. A Tournon, les nautes du Rhône s’adresse au « plus indulgent des princes », Hadrien. Un autel taurobolique de Lyon, est élevé par les dendrophores (artisans du bois) pour la santé (mentale ?) de Commode, le 16 juin 190. Le nom de l’empereur fut ensuite effacé. Une association de citoyens de Lyon honore l’étrange Elagabal.


7-Des dédicaces par des notables, à titre individuel ou collectif : à Caligula (par un sévir, à Martigues en 40 et par Asiaticus à Vienne) ; à Claude (à Saintes par C. Iulius Victor) ; Une dédicace de 101 est  adressée à Trajan par les pontifes de Vienne. Un taurobole est offert à Septime-Sévère et Caracalla, par le flamine Narbonnais C. Batonius Primus. Un taurobole, à Valence, est adressé à l’empereur Philippe « l’Arabe » (244-249), par le « pontife perpétuel » de la cité auxquels se sont joints des prêtres d’Orange, d’Alba, de Vaison. Une statue de Claude II, est offerte en 269 par le préfet des vigiles (= »chef des pompiers ») de Grenoble, Iulius Placidianus. Deux dédicaces par des gouverneurs,  à Dioclétien, à Chorges, une autre  à Constantin, à Vienne, témoignent de la raréfaction de ces textes au IVème s.


8-Des dédicaces par des militaires : A Norroy-Pont-à-Mousson, le centurion M. Vibius Martialis et ses compagnons d’armes, détachés de la 10ème légion pour travailler dans des carrières, honorent Vespasien et ses fils en 69. Une dédicace est offerte à Philippe « le Jeune » (fils de l’empereur Philippe) par les « Septimani Baeterrenses » (peut-être des vétérans de la 7ème légion, installés à Béziers ?).


9-Des dédicaces par des particuliers : Un certain Atespatus, arverne de Neuilly-le-Réal, offre deux bustes en bronze représentant Auguste et l’impératrice Livie. Un particulier de Bavay (Gnaeus Licinius Navos) fait  une dédicace à Tibère. Le Lyonnais Marcus Epulanius, fait de même, à Néron. C’est à Lyon que Lucius Aemilius Carpus offre un autel taurobolique (à Cybèle lié à un sacrifice d’un taureau) pour la santé d’Antonin, le 9 décembre 160. A Metz, un esclave impérial (Océanus) chargé du ravitaillement en blé, fait réaliser une dédicace à un empereur éphémère, Pertinax (1er janvier au 28 mars 193). Un taurobole, à Lyon, a été réalisé par deux femmes, en 194 pour Septime-Sévère et Clodius Albinus (ce second nom a été effacé). Une dédicace à Caracalla est faite un citoyen Ségusiave résidant à Vienne.

10-Des Gaulois qui osent dire non ! : A Vienne, le magistrat Q. Valerius Macedo refusa l’entrée au sénat de Rome que lui offrait l’empereur Hadrien.

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Musée de Saint-Raymond de Toulouse : bustes de la famille impériale provenant du forum de BéziersFontaine offerte par deux lyonnais
M. Caprilius et Tib. Dubnatius à Jupiter et à l’Empereur Claude vers 41/43.
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11-Des statues et bustes : Les portraits des empereurs sont au nombre de 135. On compte 11 Octave-Auguste (dont une tête colossale repêchée près de Fos, une statue gigantesque au théâtre d’Arles, un buste en bronze à Neuilly-le-Réal), 13 Tibère (9 têtes en Narbonnaise dont une intacte à Béziers, une colossale à Vaison, d’autres à Fréjus, Avignon, Arles…), 2 Claude (dont la statue de Vaison), 5 Néron, peu de Flaviens (6 dont la statue « retravaillée » de Domitien à Vaison), 6 Trajan, 3 Hadrien (deux belles statues d’Hadrien et de Sabine décoraient le théâtre de Vaison), 4 Antonin, 6 Marc-Aurèle, 3 Commode, 5 Septime-Sévère, 4 Caracalla, un grand vide ensuite jusqu’à Philippe II, Gallien (à Lyon), Maximien et Maxence, Magnence (sans doute à Chalon/s/Saône)… Des groupes de statues ou portraits sont particulièrement intéressants : Béziers (10 statues sur le forum honoraient la famille impériale : il en subsistent des portraits d’Auguste, Agrippa, Julie, Germanicus, Tibère, Drusus, Livie…), Vienne (les têtes d’Auguste et de Tibère, vestiges d’un relief dynastique), Saintes (une statue équestre de Tibère et deux statues en pied de ses fils ornaient certainement l’arc mais il y a aussi une statue acéphale de Drusus III et un portrait de la sœur de Caligula, Livilla), Bordeaux (3 statues Julio-claudiennes découvertes en 1594 sur le site du mont Judaïque), Vaison (les statues nommées plus haut) et surtout Chiragan (de la grande villa proviennent 48 portraits impériaux dont 1 ou 2 Auguste, 2 Tibère, 2 ou 3 Trajan, 2 Antonin, 2 Marc Aurèle, 4 Septime-Sévère, 2 Caracalla, Philippe II, Maximien et Maxence avec leurs épouses…).


12-Des monuments « offerts » aux empereurs : Des édifices publics furent construits par des notables mais nul doute que l’empereur lui-même, son entourage,  ses représentants en Gaule comme les gouverneurs de province décidèrent, financèrent ou intervinrent dans de nombreuses constructions ou restaurations. L’autorisation impériale était certainement obligatoire pour les enceintes, les arcs triomphaux, certains sanctuaires. Nîmes  offre  en -24, le décor d’un nymphée à Augusteet aux divinités Nemausus et Diane. Sous Tibère, à Saintes, en 18/19, le notable Caius Iulius Rufus offre à l’empereur et aux princes héritiers, l’arc routier toujours conservé (il était sans doute surmonté d’une statue équestre dont il reste un fragment de patte de cheval). Un autre arc, à Orange, est dédicacé à Tibère en 26/27. A Lyon, deux notables offrent une fontaine à l’empereur Claude. A Feurs, T. Claudius Capito fait construire le théâtre en l’honneur de Claude. L’aqueduc de Vence est dédicacé au « divin Nerva ». Une basilique de Nîmes est dédiée à (Trajan ?) et son épouse Plotine (sans doute sous Antonin ?). En 176, un citoyen d’Aoste fait construire un portique en l’honneur de l’empereur Marc Aurèle.


13-Des noms de villes pour honorer l’empereur ? : Le nom de l’empereur (surtout Auguste) est associé à un radical gaulois pour former la  dénomination de villes ou agglomérations. L’initiative vient-elle de l’élite locale romanisée ? L’accord de l’empereur est-il indispensable ? Certainement, dans les deux cas, mais les preuves manquent.  Ainsi, Bayeux (Augusto-durum), Lillebonne (Julio-bona), Beauvais (Caesaro-magus), Senlis (Augusto-magus), Troyes (Augusto-bona), Angers (Julio-magus), Tours (Caesaro-dunum), Clion (Claudio-magus), Autun (Augusto-dunum), Limoges (Augusto-ritum), Clermont-Ferrand (Augusto-nemetum), Grenoble (Gratiano-polis), Dax (Aquae Augustae), Fréjus (Forum Julii)…

Sources : R. Chevallier (Voies romaines, Picard, 1997) ; A. Ferdière (Les Gaules, collection U, A. Colin, 2005) ; E. Rosso (L’image de l’empereur en Gaule, CTHS, 2006 ; 300 hommages : 165 dédicaces et 135 portraits) ; D. Terrer et J. Gascou (La présence de Tibère en Narbonnaise, RAN, 29, 1996, p 31-67) + site archeolyon.araire.org (sur les bornes)

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