Population

A-La Population de la Gaule romaine

  1. Les habitants (nombre et morphologie)
  2. Les catégories juridiques et « ethniques »
  3. L’identité
  4. Les liens de parenté (hommes, femmes, mariages, nombre d’enfants, adoptés, arbres généalogiques)
  5. Les personnes âgées
  6. Les âges de décès et la durée moyenne de vie

B-Mobilité et immigration

  1. Les expatriés
  2. Les « étrangers »

A-LA POPULATION DE LA GAULE ROMAINE

Une étude de la population gallo-romaine peut sembler risquée (des études très contrastées ?, pas assez d’inscriptions ?, des disparités entre villes ou provinces ?, des différences selon les catégories sociales ?…). Essayons quand même…


I)LES HABITANTS : NOMBRE ET MORPHOLOGIE

-Nous sommes actuellement 67 millions d’habitants, en France. Combien de personnes habitaient la Gaule romaine, il y a 2 000 ans ? Aucun chiffre n’existe ! Il nous reste les données des auteurs latins concernant la guerre des Gaules et les estimations, très fluctuantes, des historiens depuis le XIXème s.
a-Suite à la conquête des Gaules par Jules César (-58 à -51), Velleius Paterculus parle de 400 000 tués et 400 000 prisonniers, Pline l’Ancien donne un chiffre très précis, 1 192 000  morts et pour Plutarque, il y a eu 1 million de morts et autant de prisonniers. César lui-même cite des chiffres, éparpillés dans son œuvre, ce qui donne environ 650 000 morts (mais il manque « quelques » massacres non chiffrés !). Tout cela nous montre une guerre très sanglante, des chiffres élevés de victimes (chiffres peut-être excessifs, peu réalistes),  mais le nombre total d’habitants au Ier s. avant J-C. reste inconnu.  César nous livre néanmoins (sans le vouloir ?) des informations intéressantes sur le peuple des Helvètes, en Suisse : quand ils quittent leurs jolies montagnes en -58, ils sont 368 000 personnes (hommes, femmes, enfants) dont 92 000 combattants, soit 25 % de la population. Si le nombre de tués et prisonniers (de 800 000 à 2 millions) correspond aux mobilisés (mais il y a eu certainement de nombreuses victimes civiles et à contrario, de nombreux combattants ni tués, ni prisonniers…) et si (cela fait beaucoup de si…) ces mobilisés forment chez tous les peuples environ 25 % des habitants, cela nous mène à une estimation entre 3 et 8 millions d’habitants, et sans doute plus (10 ?).

Pline l’Ancien : « … il (César) occasionna la mort de 1 192 000 hommes dans ses combats ; ce n’est pas moi qui lui ferais un titre de gloire d’un pareil crime contre l’humanité, dût-il y avoir été contraint… »
Plutarque : « En moins de dix ans qu’à duré sa guerre dans les Gaules, il a pris d’assaut plus de 800 villes, il a soumis 300 nations différentes, et combattu, en plusieurs batailles rangées, contre 3 millions d’ennemis, dont il a tué un million et fait autant de prisonniers. »

b-Pour la Gaule romaine pacifiée, nous savons que des recensements de population (pour identifier les contribuables par provinces et cités) ont été menés par l’administration romaine (par les légats dans les provinces, par les duumvirs quinquennaux, tous les 5 ans, dans les cités) : nous connaissons les dates de ces « census » mais pas les résultats ! Seuls les hommes libres étaient inscrits sur des registres de la cité. L’existence de registres de naissances et de décès est possible (ils existaient à Rome et en Egypte) mais aucune trace n’existe pour la Gaule.

 Les dates des recensements (d’après la thèse de B. Le Teuff, « Census, les recensements dans les provinces de l’empire romain d’Auguste à Dioclétien », 2012) : -27 (Gaules), -12 (Gaules, mais opération qualifiée de « nouvelle et inhabituelle pour les Gaulois » par l’empereur Claude et provoquant peut-être une révolte selon Tite-Live), 14/16 (Gaules), 30 (Narbonnaise), 61 (Aquitaine, Belgique, Lyonnaise), 73/74 (Belgique), 92/93 (Lyonnaise, Aquitaine), 110/111 (Aquitaine, Belgique, Lyonnaise), 125/127 (Gaules), 145/146 (Aquitaine,  Lyonnaise), 161 (Aquitaine,  Lyonnaise), 175/176 (Belgique), 197/198 (Aquitaine, Belgique, Lyonnaise), 227/228 (Belgique, Lyonnaise), 243 (Lyonnaise).

D’autre part,  les historiens contemporains se sont livrés à des estimations : au XIXème et début XXème s., on voit grand ou petit (C. Jullian, 20 à 30 millions !, E. Cavaignac, 8-9 millions, K. Beloch, 5-6 millions, G. Bloch, 5 millions), ensuite, c’est toujours très contrasté (A. Grenier, 15 à 20 millions, K. F. Werner et P. Le Roux, 10-12 millions, J. Dupaquier 7-12 millions, C. Goudineau, 8-10 millions, R. Etienne, 4-5 millions et Y. Le Bohec -Naissance, vie et mort de l’empire romain, p 411- donne 2 à 3 millions…) et même Wikipédia s’y met avec 6-9 millions. L’ouvrage récent « Infographie de la Rome antique » donne 4,9 millions en 14 et 7,5 millions en 200. Le chiffre véritable, à jamais inconnu, de la population, devrait donc se situer entre 5 et 10 millions d’habitants, dans le cadre d’un empire romain totalisant entre 50 et 70 millions d’habitants.La densité de population peut raisonnablement s’établir autour de 10-20 habitants au km2 (15 pour l’Infographie citée plus haut).

 Pour résumer (et avec d’infinies précautions) : 3 à 8 millions de Gaulois puis 5 à 10 millions de Gallo-Romains.

c-Pour la morphologie et l’aspect physique des Gallo-Romains, nous avons  surtout les squelettes retrouvés dans les cimetières à inhumation. Les portraits des stèles funéraires n’apportent aucune information claire sur la taille, le poids, la couleur des cheveux des habitants.Voici la taille moyenne de quelques Gallo-Romains, découverts dans quelques cimetières ou tombes isolées :

  hommes femmes
 Aix-en-Provence (du 5ème s.) 1,71 1,53
 Arles (3 sarcophages du 4ème s., Trinquetaille) 1,80 1,60
Bessines (1 seul  squelette)/1,61
Buno-Bonnevaux (Chantambre, 219 adultes)  1,721,60
Fréjus (du 5ème s.) 1,741,56
 Hyères (Costebelle, 19 personnes) 1,65 1,50
Lyon (Saint-Just et Saint-Irénée, 4ème et 5ème s.) 1,66/
 Poitiers (Les Dunes, 25 personnes) 1,63 1,54
 Tavaux (Terres Saint-Gervais, 13 personnes 1er-3ème s.) 1,73 1.67
 Tours (77 personnes, 4-5èmes s.) 1,70 1,56

Ce qui donne environ 1,71 m pour les hommes et 1,57 m pour les femmes (Actuellement, les Français mesurent en moyenne 1,74 m et les Françaises, 1,62 m). A titre de comparaison (« Les trois jours de Pompéi » d’Alberto Angela, 2017), les malheureuses victimes de l’éruption du Vésuve en 79 ont fait l’objet de nombreuses études sur leur taille (1,63 à 1,70 m pour les hommes et 1,51 à 1,55 m pour les femmes), leur poids (65 kg pour les hommes et 49 pour les femmes) et leur âge de décès, prématuré (41 ans pour les hommes et 29 pour les femmes).Les Gallo-Romains étaient-ils plus grands que leurs voisins d’Italie ? 

II)LES CATEGORIES JURIDIQUES ET « ETHNIQUES »

a-Les historiens distinguent  quatre grandes catégories juridiques :

  • Citoyens : Hommes libres, dotés de nombreux droits ; ils sont membres du peuple romain et d’une tribu ; ils forment un ensemble plus disparate qu’il n’y paraît : il y a les colons (venus d’Italie et installés de préférence dans une colonie), les vétérans de l’armée, les magistrats des cités (certains peuvent accéder à l’ordre équestre ou à l’ordre sénatorial), les indigènes promus citoyens à titre individuel… ; les citoyens de naissance, nés dans une « gens » sont les « ingenus » ; dans une colonie romaine, tous les hommes libres sont citoyens. Compliquons un peu les choses : la citoyenneté peut-être double. Elle est locale et romaine, autrement dit, il est citoyen de sa cité et de la cité de Rome mais un citoyen arverne est citoyen de sa cité mais n’est pas forcément citoyen romain !
  • Affranchis : Hommes libres (anciens esclaves) ; statut intermédiaire ; devenus citoyens mais de « rang inférieur » (cf autre fiche) ; les « déditices » semblent être les affranchis irréguliers (ou les « barbares » installés dans l’empire, selon d’autres).
  • Pérégrins : Hommes libres, citoyens d’une cité mais non citoyens romains et étrangers à la communauté romaine ; Ils n’ont pas de droits politiques mais peuvent exercer une magistrature locale pour devenir citoyen (dans une cité de droit latin) ; ils forment une grande partie de la « classe moyenne » des artisans, commerçants…  
  • En 212 (le 11 juillet ?), tous les pérégrins deviennent citoyens, par la volonté de l’empereur Caracalla mais les sources d’information sont rares (le papyrus égyptien dit  « Giessen 40 », Dion Cassius et Ulpien) et les interprétations nombreuses. Pour une majorité de spécialistes, la citoyenneté est donnée à tous sauf aux déditices et les nouveaux citoyens peuvent, au choix, accéder au droit romain ou garder leur droit indigène. Pour d’autres (M. Humbert et D. Kremer), la citoyenneté est donnée à tous mais les déditices n’ont accès qu’au droit romain.
    Voici l’extrait en partie restitué du papyrus de Giessen : « … je donne à tous les pérégrins qui vivent dans l’oikoumène (terre habitée) le droit de cité romaine, en sauvegardant les droits des cités, sauf pour les déditices.« 
  • Esclaves : Non libres, êtres humains tout de même mais aussi biens meubles transmissibles (cf fiche spéciale sur les esclaves et affranchis)
CIL 12, 1748 Valence

Les « incolae », terme rarement cité dans les inscriptions (à Valence, les colons et les incolae ont un patron, CIL 12, 1748 ; à Briançon, CIL 12, 94 ; à Vence, CIL 12,3 ; à Entrains, CIL 13, 2903), rassemblent les  citoyens récents, les pérégrins et les  résidents non citoyens. Ce sont les habitants d’origine. Quelques historiens se sont essayés à chiffrer ces groupes sociaux : peut-être 10 % de citoyens, 70 % de pérégrins, 10 à 20 % d’esclaves… (source : Bruce Frier)

 Citoyens Pérégrins autres  total
 Alba 70/72 (66 %) 11 28 incertains 107
 Arvernes 17/18 (18 %) 27/28 50 incertains 95
 Bituriges41  (13 %) 280321 
Bordeaux212 (49,5 %)61140 incertains et 15 esclaves428
 Eduens 78 (23 %) 259 337
Grenoble 123 (85 %)  21 144
 Marseille  129 (82 %) 14 11 affranchis et 3 esclaves 157
 Narbonne305 (16 %) 72 ? 533 à 763 affranchis, 15 esclaves 1849
 Vienne 1076 (85 %)  37130 incertains (affranchis ?) et 25 esclaves 1268
 Voconces de Vaison 136 (77 %) 23 17 incertains 176
 Voconces septentrionaux 237 (55 %) 154 27 incertains et 14 esclaves 432

b-A partir des noms des personnes, on peut aussi observer les composantes « ethniques » (ou plutôt linguistiques) des populations. Il y a surtout trois catégories : 

  • noms « latins » : soit nom latin italien (exemple de Cornelius), soit nom latin régional ou indigène (exemples de Paternus ou Maternus)
  • noms « indigènes », plus ou moins latinisés ; soit nom indigène de traduction (nom indigène traduit en latin ou grec ; exemples de Cintusmus devenu Primus, de Tritos devenu Tertius), soit nom indigène d’assonance (nom d’apparence latine couvrant un nom indigène ; exemple de Verecundus) ; ces noms concernent plus les pérégrins que les citoyens (mais en Gaule centrale ou du nord-est, de nombreux citoyens gardent un élément indigène dans leur nom).
  • noms grecs
 noms romains/latins noms indigènessurnoms indigènes  surnoms gréco-orientaux
 Alba 73 % 27 %20 % 
 Arvernes 44 % 21 %
 Belgique (province) 59 % 38,5 %26 % 4 %
 Gaule centrale 24 % 64 % 36 %
 Grenoble 63,5 % 36,5 %18 % 9 %
 Limoges 88 % 12 %
 Lyon 74 % 9 % 1 %
 Narbonne 81 % 17 %5 % 27 %
 Valence 82 % 19 %7,5 % 8,5 %
 Vienne 64 % 35 %11 % 23 % (noms et surnoms)
 Voconces de Vaison 75 % 24 % 11 %
Voconces du nord 82 %  17 % 11 % 26 %

-Un exemple : à Narbonne (une colonie romaine), sur 1849 habitants connus (étude de M. Gayraud en 1981), 81 % des noms correspondent à des descendants de colons italiens et à des indigènes romanisés (devenus citoyens), 16 % des noms sont ceux d’immigrants et seulement 2 % des noms sont portés par des indigènes pérégrins. Sur 659 surnoms, il y en a 363 italiens et 265 gréco-orientaux. 305 personnes (16 %) sont des ingenus, 72 (4 %) sont des incolae et 42,5 % des habitants sont affranchis ou esclaves.

c- La « Latinisation progressive » des noms, quelques exemples : En Narbonnaise, la latinisation des noms est surtout « importée » (nombreux noms italiens) mais dans le reste des Gaules, c’est une latinisation, très présente, mais transformée et créée sur place (de nombreux noms « latins régionaux », c’est à dire avec un important élément indigène).

-à Metz, sur quatre générations, Felix fils de Carianus, lui-même fils de Bellianus et d’Augusta et petit-fils de Boudillus et de Crobus  -à Dampierre (Lingons), le citoyen C. Antonius Liberalis a fait graver sur sa stèle que « par le passé » il portait le nom gaulois de Segomarus -à Pithiviers, Conconnibitix a deux enfants, Toutocamulus (sans doute Toutocamulix romanisé) et Illanua -à Limoges, le fils de Dumnorix est le vergobret Postumus  -l’exemple le plus emblématique est celui des Iulii de Saintes avec l’arrière grand-père Epotsorovidus, le grand-père, C. Iulius Agedomopas (le premier citoyen de la famille mais gardant un surnom gaulois), le père C. Iulius Catuaneunius (le surnom se latinise en douceur) et C. Iulius Rufus (« typiquement latinisé » et offrant l’amphithéâtre de Lyon et l’arc routier de Saintes pour Tibère) -à Bethmale, dans les Pyrénées, Totton (nom aquitain) donne un nom latin, Fuscus, a son fils qui épouse une « aquitaine », Neuresen. Ils donnent des noms latins à leurs deux enfants, Lucilius et Lucilia  -à Prat-Bonrepaux (Pyrénées), Toutannorix (nom celte) a deux fils, Dunomagus (nom celte) et Itixon (fils d’un premier mariage, nom aquitain) et son petit-fils, T. Iulius Niger, porte un nom latin et devient centurion -à Saint-Girons, en trois générations, on passe d’un nom aquitain (le grand-père Sembexo) à des noms celtes puis latins, Rufinus et Primulus…

Des « résistants » ! : à Bavay, les enfants portent des noms germaniques (Dedicca et Gamago, frère et soeur) alors que les parents ont des noms celtes ou latins (Caracillus)  ; à Cazarilh, chez les Convènes, T. Minicius Harbelex, garde un surnom indigène en devenant citoyen… ; M. Dondin-Payre, dans une étude sur plusieurs cités de Gaule centrale, montre que sur 67 filiations de pérégrins, seules 20 passent du celtique (père) au latin (fils) alors que 33 restent dans le celtique (du père au fils) et 14 passent même du latin au celtique !

III)L’IDENTITE

a-Comment se nommaient les habitants de la Gaule Romaine ?

  Prénom
ou « Praenomen »
 Nom ou « Nomen » Surnom ou « Cognomen » Exemples
 Citoyens choisi librement dans une liste de 18 (souvent celui d’un ancêtre) ; tend à disparaître après 150 de la gens (= famille au sens large) paternelle = gentilice ; finit souvent en -ius élément le plus personnel de l’identité ; choisi librement ; lié à la personne ou à la branche de sa famille ; apparaît surtout après 150 Sextus Afranius Burrus (né à Vaison) ; Q. Pompeius Veratius et son fils Q. Pompeius Verinus (à Cimiez)
 femmes « citoyennes » hypothèse de l’existence d’un prénom jamais indiqué du père, féminisé tiré du nom de la mère ou du rang dans la famille Iulia Marcia, fille de Marciola (à St Paulien)
 Adoptés (« alumni ») prénom nom du père adoptif surnom du père adoptif + parfois, leur propre nom auquel on ajoute -anus Q. Acceptius Firminus et Satria Firmina, adoptés par Q. Acceptius Firminus (à Lyon)
 Nouveaux citoyens (naturalisation) choisi dans la liste « officielle » nom de la personnalité (empereur, gouverneur, notable…) qui leur a donné la citoyenneté ou nom crée librement ancien nom de pérégrin (voir ci-dessous) C. Iulius Agedomopas, fils d’Epotsorovidus (à Saintes)
 Pérégrins (hommes libres)  nom personnel unique (dérivé de celui du père) parfois un surnom Bassinus, fils de Bassulus (à Courpière, Puy-de-Dôme)
 Pérégrines (femmes libres)  nom du père parfois un surnom, dérivé du nom de la mère ou du père Marullina Bellos, fille de Bellatullus (à Metz) ; Marila, fille de Domnus (à Bourges)
 Affranchis prénom de leur « patron » (ancien maître) ; tend à disparaître nom du « patron » ancien nom d’esclave Marcus Aurelius Agathopus, affranchi impérial (à Lyon)
 Affranchies ancien nom d’esclave nom du « patron »  Valeria Prisca (à Dax)
 Esclaves  nom (correspondant à leur origine, leur activité…) ; n’est pas une identité  Martinus et Crescens, 2 frères (à Bordeaux)

Ce système complexe de noms, qui permettait aux Romains de s’identifier et de connaître le statut juridique d’une personne, est étudié par la science de l’onomastique. Seuls les citoyens et les affranchis portent les « tria nomina » (prénom, nom, surnom) mais pour les citoyens, s’ajoutent les mentions de filiation et de la tribu (Papiria à Narbonne, Pupinia à Béziers, Terentina à Arles, Aniensis à Fréjus, Voltinia dans les autres cités de Narbonnaise, Galeria à Lyon, Voltinia ou Quirina pour les citoyens romains des autres cités des Gaules). L’enfant d’un citoyen et d’une pérégrine est un citoyen mais l’enfant d’un pérégrin et d’une citoyenne est un pérégrin…

b-Quelques surnoms « non officiels » (sobriquets, surtout à partir du second siècle) :

 Lieux identité officielle dit ou dite
 Metz Iuvenalia Iuvencula Iuccosa
 Langensoultzbade (Triboques) Attius Silvinus Eclectus
 Chalon     M. Iustinius Verus  Gregorius
 Genay l’honnête et doux négociant Thaïm, originaire de Syrie Julianus
 Saint-Priest Virellius Matutinus Lucernio
 Lyon C. Iulius Alexio Vitulus (mort à 6 ans) Alexander
 Lyon C. Valerius Sacer Gregorius
 Lyon C. Victorius Tauricus ? (mort à 18 ans) Quiguron 
 Lyon Vincentius (mort à 3 ans) Danfius
 Lyon Primitivia Mercatilla Mastichum
 Lyon Tertinia Amabilis, originaire de Nicomédie Cyrille 
 Bordeaux Martinus (un esclave) Severus
 Arles     Licinia Magna  (mariée à un centurion) Matrona 
 Marseille Charmolaos Ménon
 Vienne M. Magius Sotericus Hilarius 
 Vienne T. Vireius Masuetus Florentius 
 Vienne Valeria Attica Amantia 
 Uzes Sextus Pompeius Pandus 
 Metz Falternos         Euporios 
 Ambronay Laetinius Verus (mort à 18 ans) Leontius
Eauze Silvanus Belexcon 
MD2A,PM13000349,stèle couple & enfant sous fronton.jpg
 Un couple à Bordeaux : Iulius Apollonius et sa femme (Espérandieu 1125) Une famille à Arles (Espérandieu 196)

IV)LES LIENS DE PARENTE

1-Les hommes  : N. Matthieu a recensé les inscriptions mentionnant des frères (103),  des grands-pères (8 dont le « très affectionné » L. Minicius Firmus à Camaret/s/Aigues), des petits-fils (17 ; cf l’inscription d’Iulius Alexsander, à Lyon, qui a 4 enfants et 7 ou 8 petit-enfants) et  des neveux (environ 3 cas mais attention les mots latins, nepotes et neptes désignent à la fois petit-fils/petite-fille et neveu-nièce), des oncles (17 dont « l’excellent » Q. Matisonius Pollio à Lyon, le magistrat C. Allius Celer d’Apt, honoré par son neveu, L. Marius M… à Vienne),  des beaux-pères (14 dont C. Iulius Maximus et T. Cassius Mysticus à Lyon, Valerius Iulianus et C. Marius à Nîmes) et des beaux-frères (4 dont Mascellus à Nîmes), des gendres (13), des cousins (6 dont P. Divixtus et P. Secundinus à Bordeaux, … Salarius Oppianus à Narbonne, Sex. Minnius Vestinus près de Vienne), des tuteurs (à Conflans, Sextus Iulius Senior remercie le sien, qui l’a éduqué pendant 14 ans)… L’indication de parenté « frère du mari » n’est connue qu’à Courbessac. Une inscription de Bourg-en-Bresse (sur la famille des Decmii)  cite à la fois un frère germain et une sœur germaine (également cités comme beau-frère et belle-soeur, sur une inscription voisine à Ramasse).

2-Les femmes : il y a en Gaule, 1155 inscriptions sur des femmes. 704 sont des épouses et 158 sont des mères. Sont mentionnées aussi des filles, des petites-filles (11 cas), des sœurs (41 cas), des grands-mères (6 cas), des belles-mères (12 dont Candidia Paterna à Dijon, Valeria Helpis à Lyon, « l’incomparable » Valleria Thallusa, selon son gendre, à Arles…, Iulia Germo à Narbonne, Titia Titulla, commémorée par son gendre, et « excellente » Silvania Iulia, à Nîmes), des belles-filles (14), des tantes (4 dont Iulia Marcella à Nîmes, 2 à Sainte-Anastasie),  des nièces (8 cas), des cousines (Iulia Severina à Nîmes), des nourrices (9 connues ; liste sur la fiche « Enfants ») et sages-femmes…

3-Les mariages : Il y a 59 inscriptions sur des couples avec l’indication de la durée du mariage (une spécialité lyonnaise, visiblement  voir liste en pièce-jointe) et plus rarement, l’âge du décès pour le mari (9 cas) ou pour l’épouse (14 cas), ce qui permet d’en déduire l’âge du mariage. Pour la durée du mariage, on obtient les données suivantes : 16 cas de mariages qui durent moins de 15 ans, 31 cas de mariages qui durent de 16 à 30 ans et 12 cas d’une durée supérieure à 30 ans (le maximum étant de 48 ans !).L’âge de mariage correspond aux observations faites dans d’autres provinces de l’empire : des mariages entre 17 et 50 ans pour les hommes (sans doute des remariages dans plusieurs cas ?) et entre 12 et 29 pour les femmes (avec 11 cas sur 14 qui font l’objet de mariages très précoces, entre 12 et 18 ans). A signaler aussi, Silvester (chez les Triboques) mort à 16 ans, marié et père d’un garçon !Pour tout l’empire, les historiens donnent 15 ans comme durée moyenne de mariage, 18-25 ans pour l’âge de mariage des hommes et 12-16 ans pour les femmes.

4-Le nombre d’enfants par couple : Les inscriptions mentionnent souvent l’existence de un ou deux enfants par couple, plus rarement trois, et dans quelques cas, plus de trois.

Citons quelques couples qui ont trois enfants ou plus : A Metz, Aemilius (2 garçons et 1 fille), à Murs-et-Géligneux (1 garçon et 2 filles de M. Rufius Catullus), à Saverne, Carantus (4 ou 5 enfants), à Melun, Tuoticius et Verca (2 garçons et 1 fille), à Ramasse (3 frères et sœur de la famille Decmii), à Macon, Vatus a 5 enfants et le sévir Regulus a 3 garçons, tous devenus sévirs, à Lyon, Aemilia Valeria (décède à 54 ans, laissant 2 garçons, 3 filles et un nombre inconnu de petits-enfants), M. Verinius Ursio et Verinia Marina (4 enfants), Iulia Secundina (a 5 enfants de 2 mariages), Iulius Alexander et Numonia Bellia (en 48 ans de vie commune, ils ont 3 garçons et 1 fille et également 7 petit-fils), à Bordeaux, Maxsumus et Comnitsia (3 garçons et 1 fille), à Vienne, Ateia Atimitus Ermetio (mère de 6 enfants) et Sex. Sucarius Atimitio (père de 5 garçons et d’1 fille), à Aix-les-Bains, … Pompeius Campanus et Sentia (3 garçons et 1 fille), à Aoste, les esclaves Nicephorus et Rhodia (ont 4 enfants en 20 ans de vie conjugale -Rhodia s’est mariée à 14 ans), à Communay, Q. Pullius Secundus et Flavia Tertia (3 garçons et 1 fille), à Faucon de Barcelonette, L. Campanius Clementinus et Campania Blaesia (4 garçons)… 

5-Les « alumni » sont les enfants recueillis et adoptés (N. Mathieu a compté 90 occurrences de « parenté nourricière et adoptive » dont 59 mentions d’alumni, 10 mentions de nourrices, 3 cas de frères ou sœurs de lait… dont Chrysopaes, fils de la nourrice Leda, à Metz, Verina à Lyon, Alba Lucia à Narbonne) et il existe aussi quelques mentions de pupilles (December à Langres, Iulia Fortunata à Arles, Nassius Eutychès à Narbonne).

 Les principaux « alumni » des Gaules : Heutycia à Metz ; 16 à Lyon,  Bittia Eugenia, C. Iulius Alexio Vitulus (mort à 6 ans), Claudia Veneria, Gorgonios (mort à 10 ans), G. Cotius Theodotus, Vireius Vitalis, Iulius Valerius (mort à 4 ans), Leo, Pametis, Q. Acceptius Firminus et Satria Firmina (tous deux adoptés par le décurion Q. Acceptius Firminus pour se consoler de la perte de son fils mais décédés un an plus tard), Q. Latinius Pyranus (mort à 12 ans), Terminalis (mort à 12 ans), Victor (affranchi impérial mort à 10 ans) et un anonyme  ; L. Paccius Pacatus à Glénic, chez les Lémovices (sans doute marié à la fille de son père adoptif) ; C. Antonius Valentinus, à Dax a un « vrai » père, C. Antonius Blandus et un père adoptif, L. Cornelius Valentinus, tous cités sur une même inscription ; M. Iunius Messianus, à Arles, est le plus âgé des alumni (mort à 28 ans) ; 4 à Marseille (Flavia Telesphoris, Calpurnia Onésime et T. Pompeius Felicianus dans la même famille, G. Vecticius Neon, mort à 11 ans) ; 2 à Nîmes (Caecilia Paullina et Aulus Pompeius Gratinianus) ; 2 à Vienne (Graecus et un anonyme) ; Valeria Attia à Saint-Zacharie près d’Aix-en-Provence ; Balbia Paterna à Vallauris et Verdulia Victoria à Cimiez.

6-Les « stemmata » (= arbres généalogiques que l’on peut construire à partir de plusieurs stèles d’une même famille qu’un heureux hasard a permis de retrouver ; mais attention, il existe une « bonne » part d’incertitude. cf, ci-dessous en pièces-jointes.

 Lieuxfamilles nombre de personnes connues nombre de générations restituables 
 Saverne Carantii 20 sur -au plus- 7 générations
 Sens et Lyon Iulii-Magilii 11 3 générations
 Lyon Valerii 8 4 générations
 Lyon Iulius Alexsander 14 3 générations (4 enfants et 8 petits-enfants )
 Périgueux et Lyon Pompeii 16 au minimum, 4 générations
 Saintes et Lyon Iulii 12 au minimum, 4 générations
 Grenoble Attii  8 4 générations
 Nîmes et Manduel Samnii 12 2 ou 3 générations ?
 Aix-les-Bains Pompeii 16 4 générations
 Aix-les-Bains et environs Titii 19 (sur 10 inscriptions) ?
 Aoste et Fréterive Iulii  12 4 générations
 Cabasse Adreticii 10 4 générations
 Tresques Secundinii 13 de 4 à 7 générations selon les tentatives de restitution
 Nîmes     Iulii-Porcii 12 4 générations
 Cimiez Paternii 11 4 générations
Généagallo-romains…
En pièces-jointes, se trouvent des essais d’arbres généalogiques de familles gallo-romaines, réalisés par AMM (avec tous mes remerciements), à partir de sources diverses (généalogies complexes réalisées par différents auteurs, généalogies plus simples composées par « votre serviteur »…).Elles ne sont pas à prendre « au pied de la lettre », les incertitudes et hypothèses étant très nombreuses mais elles peuvent aider à la compréhension du phénomène controversé de la ROMANISATION (des familles gauloises devenant peu à peu, génération après génération, gallo-romaines).
PIECES-JOINTES :
1-Familles nord et Lyon : familles à Bavay, Anglefort, La Ramasse et Bourg-en-Bresse, les Iulii des Eduens,
familles à Metz, chez les Séquanes, chez les Lémovices (La Souterraine), à Saverne et à Sens-Lyon (les Iulii et Magilii), à Lyon (Valerii, Iulii…)
2-Familles Aquitaine : Iulii de Saintes, Auch, Bethmale, Dax, Prat-Bonrepaux, Saint-Bertrand-de-Comminges, Saint-Girons, Pompeii de Périgueux, familles de la région de Luchon
3-Familles Narbonnaise : Cabasse (var), Arles, Cimiez, Tresques, Iulii de Savoie, Aelii et Baebii à Grenoble, Attii de Grenoble, Pompeii d’Aix-les-Bains, familles à Moirans, Aix, Embrun, Clonas/s/Isère, Briançon, les Cassii de Vienne, les Iulii-Porcii, Aurelii Fulvi et Caecillii de Nîmes

V)LES PERSONNES AGEES

1-L’ouvrage, « Les vieux en Gaule romaine« , de B. Remy et N. Mathieu (Errance, 2015) fait le point sur le vocabulaire (senex, senior, les termes de parenté ascendante comme aïeul  avec 50/52 occurrences, les termes de parenté descendante comme petit-fils et petite-fille avec 45 occurrences), l’âge de la vieillesse pour les romains (à partir de 60 ans ?), les sources d’informations comme les restes humains (avec de nombreuses traces d’arthrose sur des squelettes), les épitaphes (corpus de 95 inscriptions mentionnant des personnes de 60 ans et plus, 22 femmes et 73 hommes), les textes littéraires (avec Ausone, voir plus bas), les représentations figurées sur des stèles de Metz, Bourges, Bordeaux, Russan… (rides, calvitie, double menton sont les signes visibles de vieillesse dans les conventions iconographiques) ou sur des bustes (Valence, Auch, Bayard, Vaison…). Des curiosités sont rappelées : Annia Pupa fait une épitaphe pour son petit-fils (Ste-Jalle) ; M. Vessonius Paternus s’occupe de la tombe de son grand-père (Embrun) ; une tombe de Sens rassemble l’esclave Fortio, son épouse et leur petite-fille ; une femme mariée pendant 75 ans à Ménerbes ; les jumeaux de Vienne, décurions à 77 ans ; les dispositions testamentaires de M. Rufus Catullus à Murs-et-Gelignieux…

2-Voici les 23 gallo-romains (d’après les inscriptions)  les plus âgés de Gaule (mais attention à deux tendances, celle de se vieillir et l’attrait pour des âges arrondis comme les nombreux « 80 ans » en témoignent) :

 (Se)dulus Sm(aragdus)Corseul110 ans
 anonymeCorseul90 ans
 VostrusLisieux80 ans
 … FortunataLyon 90 ans
 Pulchra ou Puice (?)Lyon 80 ans
 Illiomarus AperLyon 85 ans 
 Rusticinus ErennusLyon 90 ans 
Asicus Secundianus Bourges 97 ans 
Iopis    Bourges80 ans
Q. L… Seleucus ? Bordeaux 80 ans 
Clodia Rufina     Bordeaux 81 ans 
Laguaudius SilvinusBordeaux80 ans selon Petrae (70 selon le CIL)
 anonymeBordeaux 80 ans 
 anonymeBordeaux 80 ans 
 anonyme    Bordeaux 81 ans 
 anonymeCarpentras 85 ans 
 L. Cornelius Eutyches    Arles 80 ans 
 ApollophanesMarseille 92 ans 
 M. Nonius MetrodurusMarseille 80 ans 
 Ovi(dia ?) Veneria ?Florensac 85 ans 
 Rusticania Co…Theza111 ans 
 Domitia ZonicaAleria env. 80 ans
 C. Caninius GermanusCalenzana 90 ans 

VI)LES AGES DE DECES ET LA DUREE MOYENNE DE VIE

1-Les âges de décès sont cités, sur des inscriptions, de façon précise pour 852 gallo-romains : 531 hommes et 318 femmes.Il y en 302 en Narbonnaise (moins que prévu pour une province riche en inscriptions), 235 en Aquitaine, 216 en Lyonnaise, 65 en Belgique et Germanie supérieure (parties françaises) et 31 dans les Alpes. Par comparaison, environ 43 000 inscriptions donnent un âge de décès pour tout l’empire romain.Cependant, la plupart des historiens ont attiré l’attention, avec raison,  sur le piège des chiffres des inscriptions : les décès qui émeuvent ou étonnent, les morts avant leur « moment », un sort cruel, les enfants (trop rares !) et les jeunes mères, les hommes (sur-représentés), les vieillards (trop nombreux !), les disparités sociales (c’est surtout la frange haute de la société qui est représentée) … De plus, J-N. Corvisier attire l’attention sur le fait que ces séries de chiffres sont aberrantes par rapport à des courbes de mortalité normales. L’utilisation des inscriptions pour évoquer la démographie antique est donc sujette à controverses. Néanmoins, les calculs menés ici donnent, à défaut de données précises, quelques pistes ou hypothèses.


2-Voir en PIECES JOINTES les graphiques selon les provinces et selon six villes traitées à part selon la quantité de réponses (177 à Lyon, 172 à Bordeaux) ou la « célébrité » de quelques villes (58 à Arles, 37 à Nîmes, 33 à Narbonne, 24 à Vienne)Si on compare ces graphiques, on peut noter :-la faiblesse du nombre de jeunes-une forte mortalité jusqu’à 30 ans et surtout de 21 à 30 ans.

-le taux de mortalité des hommes est généralement supérieur à celui des femmes (sauf à 21-30 ans en Aquitaine et Lyonnaise).-la rareté des adultes à partir de 31 ans (sauf en Aquitaine) et des personnes âgées.

-la ressemblance des graphiques de la Narbonnaise et de la Lyonnaise et la « régularité » de celui de l’Aquitaine. On retrouve ces mêmes différences à l’échelle des villes, entre Bordeaux (pic de mortalité de 21 à 50 ans) et Lyon (forte mortalité de 0 à 30 ans).

 comparaison avec deux autres régions de l’empire (selon Hopkins) ; en % hommes Espagnefemmes Espagne  hommes Afrique femmes Afrique
 0-15 ans10  1212 12
 15-30 ans32 39 19 22 
 30-45 ans2022 17 20 
 45-60 ans  1514 15 13 
 60-70 ans 910 10 
 + 70 ans 1426 23 

3-A noter, une curiosité de Narbonne où trois épitaphes mentionnent le jour précis du décès, Cornelius, un 30 juin, Secundina, un 21 février et un anonyme, un 17 juillet.


** Voici la liste des âges de décès « découverts »  (dans mes recherches) après la réalisation des graphiques et le calcul de la durée moyenne de vie ; Par contre le chiffre global donné plus haut  tient compte de ces ajouts :

  HommesFemmes Anonymes 
 Narbonnaise St Hippolyte-de-Graveyron (22 ans) ; Arles (13 ans ; 60 ans ; 80 ans) ; Carpentras (2 mois) ; Antibes (72 ans) ; Toulouse (35 ans) ; Narbonne (10 ans) Modène (15 ans) ; St Polycarpe (27 ans) ; Malaucène (29 ans) ; Carpentras (36 et 34 ans) ; Arles (9 ans ; 3 ans) ; Chanqueyras (10 ans) ; Die (10 ans) ; Narbonne (8 ans) ; Fos (20 ans) Venasque (2 ans) ; Montélimar (39 ans) ; Carpentras (85 ans)
 Aquitaine Bordeaux (70 ou 80 ans ? ; 65 ans ; 41 ans ; 78 ans ; 70 ans) ; Bourges (80 ans) ; Tendron (75 ans) Bordeaux (60 ans)
 Lyonnaise Vieux (70 ans) ; Lyon (59 ans ?) ; Chalon (30 ans) Lyon (80 ans) ; Mâcon (15 ans)
 Belgique Boulogne (65 ans) ; Reims (22 ans)
 Germanie sup. Besançon (5 ans) ; Langres (32 ans) ; Griselles (66 ans) ; Ehl (60 ans ; 70 ans) ; Langres (51 ans) ; Anglefort (25 ans, 6 jours) ; Belley (48 ans) ; Bourg-en-Bresse (16 ans, 9 mois)  Strasbourg (37 ans) ; Ehl (5 ans) ; Ambérieu (4 ans) ; St Sorlin-en-Bugey (28 ans)

4-La durée moyenne de vie confirme ces disparités, très délicates à expliquer : à Nîmes et Vienne, elle est étrangement très faible (19 et 16 ans), à Arles, elle monte à 21 ans, 22 ans à Narbonne et 24 ans à Lyon, pour atteindre 35 ans à Bordeaux (le vin conserve !). A signaler que l’étude réalisée en 1955 par R. Etienne sur cette dernière ville, donnait un résultat très proche (sur 155 personnes, 35,7 ans ; 37 pour les hommes et 33,5 pour les femmes). La moyenne s’établit à 22,5 ans pour ces six villes :

  ARLESBORDEAUX LYON NARBONNE NIMES VIENNE 
 Hommes 22 36 24 21,8 20,9 15,5
 Femmes 20 34,5 24,2 22,6 17,2 16,1
 Moyenne 21 35,2 24,1 22,2 19 15,8

A l’échelon des provinces, voici les données :

 Provinces        Moyenne de vie hommes  Moyenne de vie femmesMoyenne de vie hommes-femmes
 Belgique (France)       29,5       14,8  25,8
 Germanie sup. (France) 31,6 36,4 32,8
 Lyonnaise 25,8 25,3 25,6
 Aquitaine 32,7 32,4 32,6
 Narbonnaise 21 18,5 20,2
 Alpes 27 27,5 27,2
 Corse     34,3 22,5 27,5
 Toute la Gaule     28,8 25,3 27

La durée moyenne de vie est forte dans le Nord-Est, en Germanie supérieure (surtout chez les femmes) et dans le Sud-Ouest, en Aquitaine (égalité hommes-femmes), près de la moyenne dans le Nord et le Nord-Ouest (Belgique et Lyonnaise) et étrangement faible en Narbonnaise (et même très faible pour les femmes).


Pour finir, une petite comparaison s’impose avec d’autres villes ou régions de l’empire romain :

 nombre d’inscriptions mentionnant l’âge de décès hommes nombre d’insc. hommes âge moyen de décès femmes nombre d’insc. femmes âge moyen de décès âge moyen de décès H et F personnes décédées après 89 ans
 Rome (selon Macdonell) 8 065 4 575 22 ans 3 490 19,7 ans21,6 ans (22,3 selon Harkness) 52 (1 %)
 Espagne (selon Macdonell) 1 996 1 111 37,7 ans (selon Etienne) 885  34 ans (selon Etienne) 37,4 ans (36,2 selon Etienne)
 Africa (selon Macdonell) 10 697 6 238 47,4 ans 4 459 44,1 ans 46,7 ans (45,2 selon Etienne) 717 (7 %)
 Pannonie supérieure 417 344 37,2 ans 73 35,3 ans 36,2 ans
 Gaules 847 528 28,8 ans 316 25,3 ans 27 ans 8 (1 %)

La moyenne pour la Gaule (27 ans) est inférieure à celles de l’Afrique (45/47 ans), l’Espagne (36/37 ans) ou la Pannonie (36 ans) mais plus élevée que celles relevées pour tout l’Occident impérial (24 ans), pour l’Egypte romaine (23 ans) et pour Rome (21,6 ans). (Sources : La population de l’antiquité classique, Que-sais-je n° 3516)


5-A part l’épigraphie, il existe deux autres sources d’informations : la littérature antique (exemple rare de la famille d’Ausone) et la paléo-démographie.

 Dans une famille gallo-romaine : Le poète et consul Ausone  donne des informations uniques sur sa famille de notables du Bordelais (dans 32 poèmes funèbres appelés les Parentalia, vers 380). L’arbre généalogique de cette famille est connue sur six générations (50 personnes), de 240 à 406. Il donne l’âge de décès de 14 hommes et 12 femmes, soit 26 personnes. Les hommes vivent plus longtemps (moyenne de 44 ans) que les femmes (moyenne de 34 ans). Cela donne une moyenne (39 ans) nettement supérieure à « la normale » : l’aristocratie a traditionnellement une espérance de vie meilleure. Sur les 14 hommes, 5 atteignent des âges remarquables : son grand-père maternel (Caecilius Argicius Arborius, 92 ans), son père (Iulius Ausonius, 88 ou 80 ans), Ausone lui-même (84 ans), son petit-fils, le poète Paulin de Pella (84 ans environ) et un beau-frère (iulius Sanctus, 80 ans). Deux femmes atteignent 63 ans, ses tantes, Aemilia Hilaria et Aemilia Corinthia Maura. Il y a un total de 38 enfants pour 14 couples, soit 2,7 enfants par couple (son grand-père paternel a eu 5 enfants, décédés à 25 ans pour 2 d’entre eux, 50 ans, 65 ans et 88 ans). A contrario, 17 membres de la famille sont morts jeunes, surtout de maladie, dont une soeur (1 an et demi), un frère (14 ans) et un fils (1 an)  d’Ausone, un neveu (15 ans), un petit-neveu (11 ans) et une petite-nièce (15 ans)…

La paléodémographie est un autre moyen pour donner un âge de décès à une population : il s’agit d’étudier les squelettes retrouvés dans les cimetières. Cependant, peu d’études précises existent. D’après les informations rassemblées par J-N. Corvisier, 23 ans est l’espérance de vie à la naissance pour tout le monde gréco-romain, un nouveau-né sur 10 atteint 60 ans et les 60 ans et plus forment 6 à 8 % de la population (ce qui est légèrement inférieur aux pourcentages donnés par les inscriptions et par les exemples ci-dessous). Attention, là aussi, au fort déficit des infantiles et immatures sur certains sites par rapport à un taux de mortalité infantile « normal ».
Voici quelques résultats fournis par Seguy et Buchet et par la littérature archéologique :

  nombre de squelettes enfants (infantiles = 0-11 mois ;
immatures = 1-14 ans)
 adultes adultes jeunes (15-30 ans) adultes matures (30-59 ans)  adultes âgés (60 ans et plus)
 Bourges -Lazenay (1-3ème s.) 326 127 infantiles  (39 %) et  54 immatures (16 %) 157 30 97 30 (9 %)
 Bourges-St Martin-des-Champs (4-5ème s.) 365 51 infantiles (14 %) et 124 immatures 190 41 103 46 (13 %)
 Caurel, dans la Marne (1er-4ème s.) 33 7 péri-nataux, 3 enfants de 2-3 ans, 1 enfant d’environ 9 ans 22   
 Frénouville (3-5ème s.) 163 13 infantiles et 20 immatures (soit 20 %) ; espérance de vie de 38 ans à la naissance 130
 Lisieux-Michelet (4ème s.) 748 208 (26 %) ; espérance de vie de 32 ans à la naissance 558   
 Lyon-la Favorite 192 62  (32 %) 130   
 Poitiers-les Dunes (1-4ème s.) 47 24 (dont 20 décédés avant 7 ans = 42,5 %) 29 2 16 (jusqu’à 50 ans) 11 (+ de 50 ans)
 Ste Colombe 223 84  (38 %) 120 30 71 19 (8,5 %)

N. Tran résume ainsi la structure par âge de la population : des mariages précoces, une forte fécondité (5 à 6 enfants par femme), une forte mortalité infantile, une faible espérance de vie à la naissance, un taux de mortalité autour de 40 ‰.


SOURCES :-Beloch, Karl Julius :  Die Bevölkerung der griechisch-römischen Welt, 1886-Collectif : Tours antique et médiéval, 30ème sup. RACF, 2007, surtout p 375-378-Corvisier J-N. : La vieillesse dans le monde antique, Cahiers des études anciennes, 2018, p 17-36 (en ligne)-Coulon Gérard : L’Enfant en Gaule romaine, Errance, 2004-Dondin-Payre Monique : Les noms de personnes dans l’Empire romain, Ausonius, 2011 (surtout une belle introduction, très claire et une étude sur les cités de Gaule centrale p235-252)-Dupâquier Jacques : Histoire de la population française, tome 1, des Origines à la Renaissance, PUF, 1988 (surtout les pages 65-118 rédigées par R. Etienne)-Durand R. : La mort chez les Bituriges Cubes, thèse Paris I, 2005-Etienne Robert : A propos de la démographie de Bordeaux aux trois premiers siècles in Revue historique de bordeaux, 4, 1955, p 189-200.-Frier, Bruce W. Demography, in Alan K. Bowman, Peter Garnsey, and Dominic Rathbone, eds., The Cambridge Ancient History XI: The High Empire, A.D. 70–192, (Cambridge: Cambridge University Press, 2000), 827–54.-Guillerat N. et Scheid J. : Infographie de la Rome antique, Passés composés, 2020.-Harkness Albert Granger : Age at Marriage and at Death in the Roman Empire, Transactions of the American Philological Association, 27, 1896, p 35-72 (âges de décès d’après les CIL 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 (Narbonnaise), 14 et âges des femmes au mariage)-Hopkins, Keith : On the Probable Age Structure of the Roman Population, Population Studies. 20 (2), 1966, : 245–64-Humbert M. et Kremer D. : Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, Dalloz, 12ème édition, 2017 (surtout les pages 404 à 413)-Lassere J-M. : Ubique Populus, CNRS, 1977 ; sur la population de l’Afrique romaine = longévité des hommes (51 ans), des femmes (48 ans), des pérégrins (52 pour les hommes et 58 ans pour les femmes) + comparaison avec Rome (22 et 20 ans), l’Egypte (32 ans), l’Espagne (31 à 40 ans), les Gaules (29 et 26 ans), les Germanies (35 ans)…-Macdonell W. R. : On the expectation of life in ancient Rome and in the provinces of Hispania and Lusitania and Africa, revue Biometrika, 9, 1913, p 366-377-Mathieu Nicolas : L’Épitaphe et la mémoire, PUR, 2011 (étude sur 781 occurrences portant sur l’identité familiale)-Moretti Luigi : Statistica demografica ed epigrafia : durata media della vita in Roma imperiale, in Revue Epigraphica, 21, 1959, p 60-78-Rémy Bernard et Mathieu Nicolas : Les femmes en Gaule romaine, Errance, 2009 ; Les vieux en Gaule romaine, Errance, 2015-Rémy Bernard : Dénomination des Voconces septentrionaux, in RAN, 2017-2018-Russell J-C. : Late ancient and medieval population, in transaction of the American Philisophical Society, 1958, 48, p 24-30 (il comptabilise 422 mentions d’âge de décès en Narbonnaise dont 84 personnes disparues à 60 ans et plus)-Scheidel, Walter : Roman Age Structure: Evidence and Models. Journal of Roman Studies. 91, 2001, 1–26. ; »Demography », in W. Scheidel, I. Morris and R. Saller, eds., The Cambridge Economic History of the Greco-Roman World (Cambridge: Cambridge University Press, 2007), 38–86.-Seguy E. et Buchet L. : Manuel de paléodémographie, Ined, 2011-Szilágyi János: Beiträge zur Statistik der Sterblichkeit in den westeuropäischen Provinzen des römischen Imperiums. In: Acta Archaeologica Academiae Scientiarum Hungaricae13, 1961, p 125–155. (nombre de décès selon l’âge à Mayence, Cologne, Trèves, Lyon, Bordeaux, Vienne, Arles, le reste des Gaules…)-Tran N. : Vivre dans l’Empire des Césars, in Rome, cité universelle, Belin, 2018, p 545-570 (sur la population). 

B-Mobilité et immigration

Dans cette partie, il est pris en compte les Gallo-Romains  changeant de cités ou de provinces et les immigrés installés en Gaule. Quelques villes seront particulièrement étudiées. Une liste de près de 850 « migrants » est fournie en pièce-jointe, en bas de page.

File:CIL XIII 1882.jpgFile:CIL XIII 002000 (1).jpgFile:CIL XIII 1897.jpg
 Stèle de Quintinius Augustus, optio de la 22ème légion, par son épouse, … Clhevvia, du pays des Sinuques Stèle de Iulius Alexsander, verrier lyonnais, originaire de Carthage  Stèle de Tertinius Gessius (vétéran) et de son épouse Tertinia Amabilis (née à Nicomédie de Bithynie et morte subitement en trois jours, à Lyon)

I-LES EXPATRIES :  études de cas

a)Les Viennois (d’après l’étude de B. Remy et F. Keyser, « Les Viennois hors de Vienne ») 133 documents (dont 106 inscriptions) recensent 101 Viennois (90 hommes et 11 femmes) qui indiquent leur origine géographique (Vianna, Vienna, Viennensis…). Il s’agit de 8 sénateurs, 9 chevaliers, 8 autres magistrats et prêtres, 40 militaires (31 légionnaires, 7 vétérans), 1 gladiateur, 1 rhéteur, 1 naute de la Saône, 1 esclave doreur.Où sont-ils présents (et souvent décédés) ? 26 sont en Italie (dont 18 à Rome), 22 se trouvent dans les provinces germaniques (dont 15 sont des militaires), 11 dans les régions danubiennes (dont 8 militaires), 12 en Gaule, hors de Vienne (6 à Lyon, 1 à Bordeaux, 1 gladiateur à Nîmes…), 6 en Bretagne (3 militaires), 4 en Espagne, 4 en Afrique et 3 en Egypte (L. Iulius Vestinus, préfet d’Egypte, D. Valerius Asiaticus, propriétaire de terres en Egypte, le centurion L. Tanicius Verus, auteur de graffiti sur les colosses de Memnon…).


b)Les Narbonnais (recherches personnelles) : 28 personnes mentionnent leur origine narbonnaise : 14 sont des militaires. Ils sont présents en Espagne (7), Italie (9), Germanie supérieure (4 à Mayence, tous soldats), dans les régions danubiennes (3)… 4 seulement, en Gaule, se disent « de Narbonne » (M. Cornelius à Béziers, un citoyen et  un anonyme à Périgueux, un curateur des citoyens, à Douarnenez, chez les Osismes). Comme pour les Lyonnais, il faudrait ajouter les notables de la ville ayant accompli une partie de leur carrière dans d’autres provinces de l’Empire.


c)Les Voconces (d’après B. Rémy, H. Desaye, F. Delrieux, Les Voconces et l’Empire. Attestations épigraphiques et littéraires de l’activité des Voconces en dehors de leur cité, Ausonius, 2016). Les auteurs ont listé 65 personnes (57 hommes et 8 femmes), originaires surtout des deux capitales de la cité (18 de Luc, 3 seulement de Vaison). Même s’il y a un personnage célèbre (Burrus), nous trouvons 13 chevaliers et 22 militaires. Ces derniers se retrouvent ensuite en Germanie (10) ou en Mésie (14) tandis que  l’élite aristocratique et les soldats prétoriens  font carrière à Rome (20 présents).

d)Les Lyonnais (recherches personnelles) J’ai recensé 80 Lyonnais expatriés : 24 en Narbonnaise dont 17 dans la vallée du Rhône (4 à Vienne, 4 à Valence, 2 à Vaison…), 8 en Aquitaine, 6 en Germanie supérieure, 5 en Lyonnaise -hors Lyon-, au total, 48 en Gaules-Germanies. Ils sont surtout prêtres, décurions, soldats (24), commerçants. 32 Lyonnais ont « cherché l’aventure » hors des Gaules : 7 en Bretagne (tous soldats), 2 en Espagne, 12 en Italie (à Rome surtout), 5 dans les régions danubiennes et 7 en Afrique et Egypte (tous soldats).Ne sont pas pris en compte de possibles Lyonnais réalisant un cursus au service de l’Etat romain : ils ne mentionnent jamais leur lieu d’origine.  L’étude de L. Engelbert (« Lugdunenses extra Lugdunum » in Corolla épigraphica, Latomus, 331, 2011, p 108-127) porte sur 40 Lyonnais, 26 militaires, 1 sénateur à Rome, 3 chevaliers, 1 préfet des ouvriers…


e)Les expatriés « Normands »  (d’après P. Vipard, La (future) Normandie dans l’espace nord-occidental d’après les sources écrites antiques des Ier-IVe siècles, in P.-M. Guihard et J. Chameroy ,  Circulations monétaires et réseaux d’échanges en Normandie et dans l’Ouest européen, Antiquité-Moyen Âge, Actes de la table-ronde de numismatique tenue à l’université de Caen les 24-25 mars 2011, Tables rondes du CRAHAM 8, Caen, 2012, p. 95-125) sont au nombre de 19 personnes dont 14 Veliocasses (Seine-Maritime).  Il s’agit plutôt de commerçants (2 à Lyon, un en (Grande)-Bretagne) mais l’auteur cite aussi des militaires (un officier à Bonn puis en Thrace, un auxiliaire tué en Dacie), des « fonctionnaires » (le grand-prêtre du conseil fédéral de Lyon T. Sennius Sollemnis, deux légats des Veliocasses envoyés à Rome, un décurion d’Evreux mort à Limoges) et des intellectuels de Bayeux qui enseignent à Bordeaux à l’époque d’Ausone.


f)Les « émigrés » Nerviens (d’après Rome en pays Nervien, catalogue exposition, 2015) sont surtout  des militaires : d’abord certains Nerviens recrutés dans les 6 cohortes auxiliaires installés en (Grande)-Bretagne, un centurion de la 1ere légion à Bonn (Melius Gervinius), un anonyme, soldat de la 30ème légion, à Cologne, un autre anonyme, mort en Dacie. Notons aussi la compagne (Cirata Iulia) d’un bénéficiaire de l’armée, à Mayenne. Trois autres Nerviens sont dans le négoce (Tertinius Secundus, à Cologne, vend du pain et M. Liberius Victor, à Nimègue, des céréales) ou l’artisanat (Ianuarius, membre d’un collège, les « burarii » ou tailleurs de sayons, décédé à Saintes, à 35 ans).


g)Les Lingons expatriés (d’après Y. Le Bohec, Inscriptions concernant les Lingons et trouvées hors de leurs frontières, in Rom, germanien und das Reich Fest. R. Wiegels, 2005) sont peu nombreux : des commerçants à Xanten, un citoyen à Rome (P. Aelius Dextrianus), un soldat en Pannonie (Nertus), un cavalier mort à Mayence (Togitius Solimarus) et deux autres installés à Lyon.


h)Les Gaulois à Rome (d’après C. Ricci ; Dalle Gallie a Roma. Testimonianze epigrafiche d’età impériale di personaggi provenienti dalla Narbonese e dalle tres galliae, Revue Archéologique de Narbonnaise, 1992, 25.1, pp 301-323) L’auteure recense 75 personnes (y compris chrétiennes), 45 civils et 30 militaires, originaires de Vienne (9) et de Lyon (6) surtout. 30 au total viennent de Narbonnaise. Quelques « grands noms » apparaissent dans la liste : les Attii de Vienne, les Sennii de Normandie… P. Faure (in Les provinciaux de Gaule Narbonnaise et la garde prétorienne, RAN, 49, 2016), quand à lui, s’intéresse aux 28 militaires (24 soldats et 4 tribuns militaires) de la garde impériale prétorienne venant de Narbonnaise. Ils  sont originaires surtout de Vienne (8) et de la cité des Voconces (7). Ils servent dans 11 cohortes différentes (avec une « préférence » pour les 6ème, 7ème et 10ème cohortes).

i)Les Gaulois en (Grande)-Bretagne : Rusonia Aventina (civus mediomatrica) à Bath, L. Septimius (civus Remus ?) à Cirencester, Tiberinius Celerianus (civis Bellovacus) à Londres, le sévir M. Verecundius Diogenes (et civis Biturix Cubus) à York, le negotiator L. Viducius Placidus (domo civitate Veliocassium) à York, Philus (civis Sequanus) à Cirencester, le lapidarius Priscus (civis Carnutenus) à Bath, Sacer (civis Senonius) à Lincoln.

 Les expatriés en : 101 Viennois 80 Lyonnais 28 Narbonnais
 -Gaules 12 39 4
 -Germanies 22 8 4
 -Bretagne 6 7 0
 -Espagne 4 2 7
 -Italie 26 12 9
 -régions danubiennes et Balkans 11 5 3
 -Asie 0 0 0
 -Afrique + Egypte 7 7 1

II-LES « ETRANGERS » : études de cas

Ce terme d’étrangers ne veut pas dire grand chose dans la mesure où ils viennent d’autres cités ou d’autres provinces d’un « pays », l’empire romain ! On doit plutôt parler de migrations internes. Ce sont des colons lotis en terre, des personnels de l’Etat, des soldats, des commerçants et agents de négociants, des esclaves (ballottés au grès des captures, achats, ventes), des minorités chassés de leur territoire (la Diaspora des Juifs par exemple ou des peuples « barbares » installés « de force » sur une nouvelle terre)… Certains doivent se sentir perdus, déracinés mais d’autres, les citoyens romains, créent des associations (« conventus ») pour se retrouver, être protégés.


a)A Vienne : seulement 12 personnes se disent originaires d’un autre lieu, presque tous d’autres cités de Gaule (plusieurs de Lyon, ville très proche, 1 Séquane, 1 Voconce, 1 Bellovaque…). P. Vettius Gemellus vient de Rome et Cratès de Tralles, de Lydie.

b)A Narbonne : 37 personnes recensées dont 19 viennent des « environs » (la Narbonnaise), de Béziers, de Fréjus (au moins un soldat, un cabaretier), de Cavaillon. 6 ou 7 se disent espagnols (dont un soldat, un marchand, un aubergiste) et 2 ou 3 viennent d’Italie (dont un appariteur). Quant à l’affranchi, C. Offilius A…estus, il vient des « terres barbares », sans doute capturé comme esclave.


c)A Lyon : c’est la ville de Gaule, cosmopolite par excellence, qui récence le plus d’étrangers. Probablement 131 personnes, soit plus de 8,6 % de la population connue. Les provenances sont  variées mais on retrouve la domination des Gaules et Germanies (102) avec une belle égalité entre les différentes provinces, 26 des Germanies, 25 d’Aquitaine, 24 de Lyonnaise, 22 de Belgique et par contre, la faible représentation de la Narbonnaise (7). Ensuite, nous trouvons des Italiens (6), des « Asiatiques » (6), des « Danubiens » (5), des Africains (2) et un seul Breton. Notons l’absence étonnante d’Espagnols. 34 mentionnent leur métier (3 curateurs, 14 militaires ou vétérans, 13 commerçants ou artisans…) et 42 sont prêtres (ou administratifs) à l’autel du confluent. » Un migrant syrien » : Thaïm Iulianus, originaire d’Atheila en Syrie, est venu s’installer à Lyon, pour faire du commerce (« il avait un entrepôt empli de denrées d’Aquitaine »), à environ 4 000 km de chez lui…


d)A Bordeaux : 55 personnes recensées (69 selon J-P. Bost, in « Bordeaux, ville cosmopolite sous l’empire romain », revue historique de Bordeaux, 2002-2003, p 14-26 ; Ils prend en compte les épouses et enfants mais ceux-ci sont peut-être originaires de Bordeaux ! ). 30 proviennent des Gaules, 10 d’Aquitaine (2 Boiates et 3 Daxois, 3 Lémovices et 2 Rutènes), 10 de Belgique (dont 4 Trévires et 3 Rémois), 7 de Lyonnaise et seulement 3 de Narbonnaise. Les autres provenances sont plus variées qu’à Narbonne et Vienne : 4 Germains (dont 2 Séquanes), 1 Breton (le sévir M. Aurelius Lunaris), 8 Espagnols, 2 Italiens, 3 Grecs et 4 Asiatiques (Pont-Bithynie et Syrie). J-P. Bost fait un juste rapprochement entre les origines de ces personnes (arrière-pays, régions méditerranéennes) et le commerce : beaucoup de ces étrangers sont probablement des marchands, d’autant qu’il compte 1/3 d’affranchis.

 Les « étrangers » viennent de : 12 à Vienne 131 à Lyon 37 à Narbonne 55 à Bordeaux
 -Gaules 9 76 25 30
 -Germanies 1 26 0 4
 -Bretagne 0 1 0 1
 -Espagne 0 0 6/7 8
 -Italie 1 6 2/3 2
 -régions danubiennes et Balkans 0 5 0 3
 -Asie 1 6 1 ? 4
 -Afrique + Egypte 0 2 0 0

e)Remedios Garcia Martinez (in Evidencias epigraficas de poblacion hispana en la Gallia en epoca romana, Memorias de Historia Antigua, 17, p 203-210) a réalisé l’inventaire et l’étude des Hispaniques installés en Gaule : après quelques ajouts, j’en retiens 20. Dans 6 cas, ils mentionnent seulement « Hispania » et dans les autres cas, ils précisent la provenance  (3 de Bilbilis en Tarraconaise, 1 de Pampelune, 1 de Tarragone, 1 de Cordoue…). Ils se sont rendus (parfois en y laissant la vie, comme Campanus et Silvanus, attaqués par des brigands dans les Pyrénées) surtout en Narbonnaise (11 cas, dont 2 à Nîmes, 3 à Narbonne) mais aussi dans l’ Aquitaine, proche (6 cas dont 4 à Bordeaux). Certains indiquent leur « métier » : plusieurs sont des magistrats mais on note aussi un (seul) soldat, à Narbonne et un vétéran, à Strasbourg, un gladiateur, à Nîmes et bien sûr, des commerçants, à Narbonne.

f)Une étude de M. Coltelloni-Trannoy (in Rome et les Provinces de l’Occident, Ed. du Temps, 2009, p 84-109) sur les Africains dans les provinces occidentales, cite 10 personnes originaires d’Afrique et installées en Gaule : 2 Numides chez les Convènes, un citoyen Numide mort à Genève et marié à une flaminique de Vienne, un artisan verrier de Lyon originaire de Carthage, un commerçant à Antibes, un prêtre de Carthage mort à Marseille, un possible marin et une femme originaire de Tingitane à Fréjus, une femme décédée à Corseul en Armorique et peut-être une autre femme, citée sur un taurobole de Lyon. Il y a un seul Gaulois installé en Afrique, à Dougga.

 Source majeure ! L. Wierschowski : Fremde in Gallien-« Gallier » in der Fremde die epigraphisch bezeugte Mobilität in, von und nach Gallien vom 1. bis 3. Jh. n. Chr. (Texte-Übersetzungen-Kommentare), 2001
C’est un ouvrage, en Allemand, très riche, avec de nombreux tableaux et listes. Un corpus de 670 inscriptions concernant les déplacements de 659 personnes est la base de l’étude même s’il en manque certaines. L’auteur note que ce sont, sans surprise, des « fonctionnaires », des commerçants et des soldats qui migrent. 

Je vous propose, très modestement, un petit résumé de ce remarquable et copieux travail de recherche :

  « immigrés » « émigrés »
 Narbonnaise 283 personnes installées dans cette province (73 à Narbonne -11 viennent d’Italie-, 57/59 à Nîmes, 27 à Vienne-7 viennent de Lyon-, 24 à Arles, 20 à Marseille…) 90 habitants de Narbonnaise s’installent ailleurs dont 35 en Italie (7 sont originaires de Lyon et 6 de Vienne), 17 en Aquitaine (9 à Bordeaux), 16 en Lyonnaise (14 à Lyon)
108 autres habitants restent en Narbonnaise mais changent de cité (25 à Narbonne, 25 à Nîmes, 16 à Arles…)
Cité par cité, ce sont les Viennois (29) qui émigrent le plus, suivis par les Nîmois (26), les Voconces (18), les Aixois (16), les Narbonnais (12)…
 Aquitaine 92 personnes installées chez les Aquitains dont 40/42 à Bordeaux et 14 chez les convènes 30 Aquitains émigrent : 5 en Italie (à Rome et Ostie), 4 en Espagne
 Lyonnaise 127 personnes dans cette province et sans surprise, c’est Lyon qui les attire (97/98 dont 11 Trévires, 4 viennois et 4 Eduens, des voisins) 67 personnes originaires de Lyonnaise (dont 41 Lyonnais) s’installent ailleurs dont 18 en Italie (15 à Rome même). 55 habitants de la province changent simplement de province (7 s’installent à Vienne et 7 autres à Nîmes) ou de cité (16 de Lyonnaise vont à Lyon).
 Belgique seulement 16 personnes « immigrées » vivent dans cette province (dont 7 à Trèves) Les 81 Belges émigrés sont attirés par des carrières militaires dans les Germanies proches (pour 32 d’entre-eux). 23 vont en Lyonnaise (16 à Lyon même) et 16 en Aquitaine (9 à Bordeaux)
 Autres régions de l’empire romain Les quatre provinces gauloises ci-dessus attirent 70 Italiens (54 s’installent en Narbonnaise), 43 personnes des Germanies (26/27 vont en Lyonnaise), 32 Espagnols (26 également en Narbonnaise),  26 Bretons insulaires (16 vont également en Narbonnaise) Assez peu de Gaulois émigrent dans les autres provinces, en dehors des Gaules : 64 en Italie (surtout de Narbonnaise, nous l’avons vu plus haut), 49 dans les Germanies, 12 en Espagne, 9 en Bretagne, 

EN PIECE-JOINTE, JE VOUS PROPOSE MA PROPRE LISTE ALPHABETIQUE (ET TRES CERTAINEMENT INCOMPLETE AUSSI) DES « MIGRANTS » DE GAULE, AU NOMBRE DE 846.

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