Armée en Gaule

« Engagez-vous, engagez-vous… » : présence des militaires en Gaule

File:Stèle funéraire du soldat Comnisca sept 2013 02.jpg
File:Guerrier de Vachères (profil).png
 
File:Remparts romains beauvais 1.jpg
 Stèle du cavalier Comnisca, de l’aile Indiana, mort à 25 ans à Strasbourg, après 7 ans de service. « Guerrier de Vachères » (Alpes de Haute-Provence) : sans doute une statue funéraire d’un auxiliaire de la fin du -Ier s. (Musée d’Avignon) Rempart de Beauvais, construit vers 320
  1. Des notions générales : les légions et auxiliaires
  2. La présence militaire en Gaule
  3. Les inscriptions de Gaule sur les militaires

I) D’ABORD DES NOTIONS GENERALES

 Légion  Unités auxiliaires (d’abord appelés « socii » ; ils deviennent les fédérés ou les « limitanei » à l’époque tardive)Marins 
 Effectifs5 000 hommes environ (jusqu’à 30 légions au total)
120 cavaliers (« equites legionis », répartis dans chaque cohorte ; divisés en turmes de 30 cavaliers)
Aident les légions. Une unité  =500 ou 1000 hommesEnviron 40 000 hommes pour l’Empire
 Organisation-10 cohortes (hiérarchisées et numérotées)
-30 manipules
-59 centuries (1 centurie = 100 hommes, en fait 60 à 100)
-cohortes (divisées en centuries) = environ 500 fantassins
-ailes de 300/500 hommes (divisée en 10/16 turmes et 30 décuries) = cavaliers
-mixtes (= equitatae)
Des escadres à Fréjus et Boulogne ; peut-être des flottes fluviales (sur la Seine ?)
 Recrutement Des citoyens romains (mais aussi des notables locaux pour les centurions) ; une levée (= dilectus), tous les ans, dans les provinces puis une conscription par tirage au sort ; un conseil de révision (devant le gouverneur) ne retient pas toutes les recrues ; un préfet est chargé des opérations (cf L. Volusenus Clémens en Narbonnaise et Aquitaine) Des pérégrins et des non-Romains Des pérégrins
 Durée du service 20 à 25 ans ; reçoivent l’équivalent de 13 années de solde (en terre ou en argent) à leur démobilisation 25 à 30 ans ; reçoivent la citoyenneté romaine à leur démobilisation, à partir de Claude 25 à 30 ans
 Solde  =  stipendium (la situation vers 80 et vers 150) -300 à 365 deniers par an, payés en 3 puis 4 fois + prime de départ (= viaticum) de 75 deniers + des distributions d’argent lors d’événements  importants ; mais on déduit le coût de l’équipement, de la nourriture et la « cagnotte » du régiment… ; Le centurion gagne 3 700 à 5 000 deniers et un préfet de camp, 15 000 deniers
-Il existe 3 ou 4 « classes salariales » : la solde de base (le légionnaire), la solde et demi (= sesquiplicarii), la double solde (= duplicarii) et peut-être une triple solde (attestée à Mayence, cf AE 2013, 1156)
 75 deniers par an, pour le fantassin et 150 à 250 deniers par an, pour le cavalier 75 deniers par an
 Hiérarchie-Commandant en chef : 1 légat de légion
Officiers supérieurs : 6 tribuns ; 1 préfet du camp ; Chaque légat et officier supérieur a un état-major (officium) dirigé par un corniculaire.
-Officiers subalternes : 1 primipile (1er centurion) et 58 autres centurions 

-Sous-officiers ou Principales (480/500 par légion), choisis parmi les immunes :
1)Charges administratives : les bénéficiaires (soldats détachés) =devenus sous-officiers pour servir un officier supérieur (légat, préfet, tribun…) ou dans les bureaux (officia) du gouverneur de province et du procurateur financier : on peut trouver des administratifs,  des archivistes, des « frumentarii » (chargés du ravitaillement puis agents secrets), des « singulares » (garde personnelle d’un haut fonctionnaire)…
2)Charges tactiques : l’ « optio » (second du centurion) ; les porte-drapeaux et porte-enseignes, le porteur du mot de passe (c’est moins lourd…),  les instructeurs,  les speculatores, les evocats (vétérans qui sont rappelés ou qui « en redemandent » !)…  
3)Charges techniques : les musiciens, le « génie », les médecins

-Les soldats : probatus (retenus par le conseil de révision) ou tirones (font leur « classe » pendant 4 mois) au départ puis milites avec les munifices (corvéables) ou les  immunes  (500 à 1 100 par légion ; exemptés de corvées)
-1 préfet ou tribun

-cohortes avec centurions et soldats auxiliaires
-ailes avec décurions, duplicaires (= équivalent des principales) et « eques » (cavalier)
-1 préfet
-1 navarque (dirige une escadre)
-1 triérarque qui a aussi  le titre de centurion      (dirige un navire)-des marins appelés soldats
 SymboliqueChaque légion a un numéro et un surnom (exemple : legio VIII Augusta)
Un porteur de l’aigle de la légion (« aquilifer »)
Un « imaginifer » porte l’image de l’empereur
59 porte-enseignes (« signiferii ») dans chaque cohorte, dans chaque manipule, dans chaque centurie
Des sonneurs de trompe (39 « tubicines », 36 « cornicines »,  15 « bucinatores » par légion).
Les unités d’auxiliaires portent des numéros d’ordres et  des noms, en rapport avec l’origine géographique d’une partie des soldats, la création de l’unité (Flavia ou Iulia) ou un caractère particulier.
Le porte-étendard est le vexillarius
 

II)Quelques repères sur la présence militaire en Gaule :

Au -IIème s. : Depuis 2012, des fouilles près d’Orange ont permis de découvrir 4 camps romains (2 à Orange au Lampourdier, un à Châteauneuf-du-Pape et un possible près de Laudun dans le Gard) liés à la bataille du 6 octobre -105 perdue par les Romains face aux Cimbres et Teutons. Pour le moment, des fossés,  balles de fronde, pila, monnaies, céramiques, clous de chaussures militaires, agrafes de ceinture… ont été retrouvés. (cf Archéologia, 2018, n° 565, p 16-17). En 2018, a été découvert un rempart tardo-républicain, au Lampourdier (BSR 2019).


Au -Ier s. : Après la conquête de la Narbonnaise, la présence de troupes est peu attestée (à Aix-en-Provence selon Tite-Live, à Toulouse selon Dion Cassius, 5 ou 6 camps successifs  à Lautagne près de Valence, occupé vers -60/-40, et dont témoignent des balles de fronde, des piquets de tente…). Après la conquête de César, des garnisons  (unités auxiliaires ?) réoccupent certains oppida (comme la Chaussée-Tirancourt vers -50/-25, le Mont Castel à Port-en-Bessin, Liercourt, Vendeuil-Caply, Bibracte -près de la porte du Rebout, peut-être Gondole ou Gergovie ?) ou installent des camps, sans doute à Saint-Laurent-Blangy près d’Arras (de -50 à 20 environ -petit fortin de 70 x 66 m, près d’un domaine aristocratique gaulois-), à Berry-au-Bac (où le camp de Mauchamp fait 42 ha), à Faux-Vesignel (entre César et Auguste), à Folleville (entre César et Auguste ?), à Bois l’Abbé (vers -10 à 50/80), à Mirebeau-La Fenotte (fin du -Ier s.), à Boviolles, Villemaur et Dommartin-le-Coq (dans l’Aube), à Corbeil (dans la Marne)… Des découvertes de « militaria » (objets militaires) comme des pointes de flèches, balles de fronde, clous de chaussures, pointes de pilum, boulets de pierre, traits de catapultes… semblent en porter témoignage. Une présence militaire est hypothétique à Amiens et Paris. Un camp augustéen (vers -15/-10) est établie à St Jean-le-Vieux, dans le sud de l’Aquitaine. Des vétérans sont installés pour créer des colonies (Orange et Béziers vers -35, Nîmes, Fréjus…) et la Narbonnaise est démilitarisée en -22.


Au Ier s. Plusieurs camps sont établis près du Rhin, dans le cadre du projet de conquête de la Germanie, dont ceux de Strasbourg (à partir de 10/15), Benfeld-Ehl et Kembs (hypothétique car jamais retrouvé),  Biesheim (la 8ème légion vers 15 à 35 puis la 21ème légion  vers 45 à 70), Seltz (vers 40/50). Autour de Strasbourg, ont été repérés ou fouillés, près de 8 camps d’entrainement (dont Vendenheim, vers 40/70, Reichstett, vers 50/60, Lampertheim…). Y. Le Bohec met en garde sur l’utilisation du terme de « Limes », frontière rigide dans l’imaginaire collectif, sentier forestier dans la terminologie latine ! A l’intérieur des terres, dans une Gaule à peu près pacifiée,  des camps provisoires ont été découverts : Melun (de 10 à 30 environ), Aulnay en Aquitaine (vers 20 à vers 43) et Ressons-le-Long (à Arlaines, 5 ha avec une aile des Voconces vers 20 à vers 90) en rapport avec la révolte de 21, Eysses près de Villeneuve-sur-Lot (vers 60/70 ; pas de camp découvert mais quelques indices), Mirebeau/s/Bèze  (la 8ème légion de 70 à 90 environ), Til-Chatel (? mais présence de 5 soldats), Saintes, Mandeure (découverte aérienne récente)…Une cohorte urbaine est installée à Lyon (de 21 environ à 197) et au moins trois cohortes sont attestées  pour le Ier s., dans les Alpes Maritimes, à Cimiez (les Ligures, les Marins et les Gétules) et une dans les Alpes Cottiennes, selon Suétone. Pour les navires de guerre, en Belgique, il y a la flotte « Classis Britannica » de Boulogne  (siège de la flotte de Bretagne, à partir de 43, associé à un camp de 12 ha, vers 110 à vers 410) et en Narbonnaise, se trouve la flotte de Fréjus (les navires pris à Antoine après sa défaite d’Actium en -31 et dépendants de la flotte basée à Misène en Italie. Ces bateaux semblent présents de -28 à la fin du IIème s.). Par contre des villes construisent de vastes enceintes (Vienne, Nîmes, Autun, Toulouse…) dans un but non militaire mais de prestige.

File:Stèle funéraire Lucius Autius 03193.JPG File:Model of Roman town of Argentoratum from south.jpg
Stèle funéraire de Lucius Autius, originaire de Fréjus, soldat de la 14ème légion, au camp d’Aulnay, mort à 35 ans, après 15 ans de service (musée de Saintes)Maquette du camp de Strasbourg

Ce tableau récapitule la présence des camps de légions en Germanies (seuls Strasbourg et Mirebeau concernent notre cadre géographique de la France actuelle)

  -12 à 9 9 à 17 17 à 35 35 à 42/43 42/43 à 70/71 71 à 92 93 à 117 après 117
 Nimègue (GI)     II (en 70/71) X (à p. 75 ?)   X (jusq. 104) IX (122 à 130)
 Xanten (GI) XVIII* et XIX* V et XXI V et XXI V et XXI V et XV XX et XXII (jusq. 96) VI (jusq. 120) XXX
 Neuss (GI)    XX XVI VI  
 Cologne (GI) XVII* XX et I XX et I     
 Bonn (GI)    I    I I + XXI (jusq. 83)  
 Mayence (GS) XIV et XVI II et XIII + XIV (à p. 13) XIVXIV + XV (40/45 ?) IV et XXII I (jusq. 83) et XIV + XXI (de 83 à 89 ?) XXII (à p. 96)XXII 
 Mirebeau (GS)      VIII (jusq. 89)  
 Strasbourg (GS)   IIII  XXI (43 à 45) VIII (à p. 89) VIIIVIII  

*=3 légions détruites en 9 (bataille du Teutobourg)

Au IIème : Un camp est construit vers 100/120 près du port de la flotte de Bretagne à Boulogne. Le camp de Strasbourg est reconstruit en pierre vers 120. Un camp s’élève près de Saint-Bertrand-de-Comminges (vers 160/210). En 196/197, à Lyon, la cohorte urbaine est remplacée par des détachements de légions.

Aux III-IVème s. : La remilitarisation de la Gaule est liée à un contexte difficile (« invasions » surtout à partir de 250/260, nombreuses usurpations, présence de « brigands » ou « latrones ») : des camps et fortins apparaissent un peu partout, de nombreuses villes sont fortifiées, des manufactures d’armes sont créées (Autun, Reims, Argenton…). Mais on peut constater dans le tableau ci-dessous que la mise en défense du territoire ne sait pas faîte dans la précipitation mais sur deux à trois siècles. On commence par fortifier des monuments publics, par réoccuper d’anciens éperons barrés puis de nombreuses villes. Les fortifications peuvent être littorales (Boulogne, Alet, Brest…), urbaines (les plus nombreuses mais avec rétraction de l’espace), rurales (Larcay, Stes Gemmes…). Des routes stratégiques sont aussi  « militarisées » comme Lyon-Langres avec 9 enceintes dont celles de petites agglomérations (Anse, Tournus, Til-Châtel) ou Rouen-Cologne avec Famars, Bavay. Des établissements perchés (résidences de notables, garnisons…) et fortifiés apparaissent dans les zones montagneuses, dans le Jura et en Auvergne (vers 380/420), dans le Midi (plus tard, vers 480/520).    

File:Maquette construction Muraille du Mans.JPGschéma du tracé d'une enceinte reporté sur un plan de villePartie de l'enceinte gallo-romaine appartenant au Centre national de la préhistoire, dépendant du ministère de la Culture
Maquette montrant la construction de l’enceinte du MansPlan de 1855 : le castrum de Tours, réutilisant l’amphithéâtreL’enceinte de Périgueux
 camps et fortins       villes fortifiées
 IIIèmeSt Laurent/s/Othain  ; camp de la Bure réoccupé ; fortins du Pic-de-Luc et de Sardière dans la Drôme, du Néron dans l’Isère ; Til-Châtel en Bourgogne… Tarquimpol
 200-250Jublains (de 190 à 290 inachevé) ; Strasbourg (camp reconstruit vers 240) 
 250-300Senon (fin IIIème ?) ; Le Yaudet (vers 270/280) ; Nages (5ème enceinte de l’oppidum vers 275) ; Vireux-Molhain (vers 280 à vers 350) ; Tours (fortification de l’amphithéâtre vers 280) ; Vieil-Evreux (fortification du centre monumental vers 280/300) ; Lillebonne (fortification du théâtre vers 280/300) ;   Apt (fortification du théâtre) Evreux (vers 260 et 300) ;  Rouen et Rennes (vers 280 ?) ; Lisieux, Sens et Vannes (vers 280/300) ;  Poitiers, Toul, Senlis et Noyon (vers 280/320) ; Bordeaux et Angers (vers 285) ; Die (vers 285/305) ; Grenoble (vers 290) ; Arras ; Cassel ; Boulogne (2ème enceinte) ; Bayeux ; Soissons ; Langres ; Troyes ; Metz ; Auxerre (vers 280/350) ; Dijon ; Luxeuil ; Rodez ; Antibes
 IVèmeVendeuil-Caply (fortification du théâtre) ; camp de St Amé ; fortin d’Ehl ; Argelès (castrum d’Ultrera) ; Revelles (burgus) ; Hordain (fortin ?) Limoges ? ;  Besançon ?
 300-350Bavay (fortification du forum vers 300 à vers 430) ;  Famars (vers 320-360) ; Strasbourg (nouvelle reconstruction du camp vers 330 ; il sera détruit en 451)Chalon, Saintes et Nantes (vers 300) ; Venasque (vers 300/330) ; Périgueux (vers 300/350) ; Paris (vers 310) ;  Le Mans (nouvelle datation : vers 320/360) ; Reims (vers 330/350) ; Beauvais (vers 320) ; Amiens (vers 320/340)  
 350-400Horbourg-Wihr (vers 350) ; Mandeure (castrum près du sanctuaire vers 350 à vers 400 avec une interruption en 352 -incendie par les Alamans ?) ;  St Malo-Alet (vers 350-400) ; Biesheim (fortin vers 365 à vers 420) ; Dieulouard (vers 380/420) ; Molles (vers 380/400) ; Cahors (castellum de 2ha du mont St Cyr, fin 4ème) ; Pont-de-Roide (Château-Julien vers 350)Bayonne, Clermont-F., Tours, Bourges et Meaux (vers 350) ; Dax (vers 350/370) ; Lescar (vers 350/420) ; Orléans (vers 370/380) ;  Carcassonne (vers 380/400) ; Oloron (vers 380/420) ; Cocheren
 VèmeChinon ; Vénéjan (Lombren) ; Chateaumeillant (fortification de l’ancien oppidum) ; Le Pouzin (Le Couvent des Chèvres) Melun (castrum de l’île St Etienne)
 400-450Arras (casernes vers 400 à v450) St Lizier et Saint-Bertrand-de-Comminges (vers 400) ; St Lézer et Lectoure (vers 400/420) ; Bazas (avant 414) ; Auch (vers 420/440) ; Arles ; Valence ?
 450-480Roc de Pampelune (vers 475 à vers 600) Marseille (enceinte refaite vers 450)
datation incertaine ou existence hypothétiqueBrest,  Estissac, Larcay, St Jean-le-Vieux (réoccupation), Ste Gemmes-le-Robert (Le Rubricaire), Sion, Soulosse, Luynes (St Venant) ?, le Perthus (deux fortins), Contamines (Mont Mussièges), Passy (les Gures), peut-être le Mont-Beuvray ? ; Plésidy (rempart du Castel Kerandroat ?)Autun (enceinte réduite) ; Avranches ; Cambrai ? ;  Chalons ? ; Mouzon ; Deneuvre ? ; Verdun ; Brumath ; Saverne ; Chartres ? ; Angoulême ; Avallon ? ; Beaune ; Macon ; Tournus ; Agen ? ; Aire/s/Adour ? ; Eauze ? ; Bourg/s/Gironde ; Albi ? ; Cahors ? ;  Béziers (IIIè ou IXè ?) ; Elne ; Narbonne (fin IIIè ou début Vème)  ; Nîmes (enceinte réduite avec l’amphithéâtre) ; Avignon ; Briançon ; Gap ; Orange (enceinte réduite avec théâtre et forum ?) ; Riez ; Aime ; Anse ; Lyon ; Vienne
File:Musée de Picardie, stèle funéraire d'un militaire romain 1.jpgFile:Stèle funéraire de Quintus Sertorius (02).jpg
Valerius Ianuarius, porte-enseigne, Séquane, mort à AmiensQuintus Sertorius, vétéran de la 2ème légion, Viennois, mort à Strasbourg

III) MAINTENANT, QUE NOUS APPRENNENT LES INSCRIPTIONS ET IMAGES DE GAULE SUR LES MILITAIRES ?

En pièce-jointe, un fichier (« SOLDATS ») donne le corpus des militaires présents dans l’épigraphie de la France :

A-Combien sont-ils ?  : 559= 260 en Narbonnaise-Alpes et Corse (dont 39 à Cimiez, 23 à Arles, 19 à Nîmes, 17 à Narbonne, 16 à Fréjus,14 à Vienne …) + 163 en Lyonnaise (129 à Lyon) + 54 dans la Germanie supérieure « française » + 45 en Belgique + 37 en Aquitaine. La quasi totalité concerne des militaires morts en Gaule durant leur service (dans leur camp ou en mission) et des vétérans (réservistes et à la retraite) installés en Gaule (mais ce n’est pas forcément leur patrie d’origine puisque certains la précisent).On note la sous-représentation de l’Aquitaine et de la Belgique (province pourtant proche des frontières). Les inscriptions de Narbonnaise sont les plus nombreuses mais aussi les plus « avares » en informations.


B-D’où viennent-ils ? 86 militaires précisent donc leur origine géographique (14,5 % des inscriptions). On peut citer un séquane mort à Amiens ; un arverne, cavalier de l’aile des Voconces et mort à Pontarcher (Aisne) ; un ambien, un trévire, un toulousain et deux viennois morts à Strasbourg ;  un ubien (Cologne), un trévire et un rème à Chalon-sur-Saône ;  un batave, un trévire, un rème, deux habitants de Cologne, un cadurque, un némète, un de Cologne à Lyon ; deux Germains de Rottenburg-Sumelocenna (Chatillon-en-Michaille et Lyon) ;  deux originaires de Fréjus et morts en Aquitaine, aux camps d’Aulnay et de Villeneuve-sur-Lot ;  un autre de Fréjus, mort à Narbonne ;  un arlésien mort à Brioux ;  trois « alpins » (des bodionticii de Digne et un suetrii de Castellane) à Cimiez ; un gabale-la Lozère actuelle- à Narbonne ; un originaire de Béziers et mort à Tarascon… Plus éloignés : neuf italiens de Lucques, Alba, Bologne, Milan, Crémone, Vintimille, Rome (cinq à Strasbourg, un à Aulnay et un à Néris-les-Bains, un à Lyon, un à Beaulieu/s/Mer), deux pannoniens (Boulogne, Lyon), deux dalmates (Cimiez), un macédonien (Lyon), deux ou trois thraces (Boulogne, Metz, Lyon ??), deux habitants de Philippopolis (de Thrace ou de Syrie ?) à Lyon,  deux syriens (Boulogne et Nîmes), sept africains (Lyon, Arles, Cimiez et La Turbie), deux espagnols (à Strasbourg et Narbonne).

-En sens inverse, c’est à dire en repérant les soldats morts le plus souvent hors de Gaule mais originaires de Gaule, plusieurs auteurs ont montré l’importance du recrutement de soldats en Gaule :

 Mon corpus (en pièce-jointe : « migrants » militaires) porte sur 346 noms dont 315 Gaulois, mentionnant  clairement (et fièrement) leur origine gauloise et servant dans l’armée romaine :
-50 soldats arrivent de Vienne (une vaste cité), 30 de Fréjus, 28 de la cité des Voconces et seulement 8 d’Arles, 7 de Nîmes, 12 de Narbonne, 8 de Béziers, 9 de Toulouse… ; 27  sont originaires des zones alpines ; Hors de Narbonnaise et des Alpes, 28 viennent de Lyon, 61 des autres cités des Trois Gaules (Aquitaine, Lyonnaise, Belgique).
-Où vont-ils servir ? Sans surprise, dans les régions à risques : 88 sont en Germanie, au bord du Rhin (50 à Mayence, 11 à Bonn, 5 à Cologne, 4 à Xanten…), d’autres en bordure du Danube, 32 en Pannonie (dont 21 à Carnuntum), 9 en Mésie, 12 en Dacie… ; 16 servent en Dalmatie, 4 en Macédoine et Grèce, 11 en Espagne, mais 18 en Bretagne (à Lincoln, Chester, York) et 28 en Afrique (surtout à Theveste-Tebessa, Haidra…). Plus curieux, en apparence, 50 sont en Italie (dans les cohortes prétoriennes à Rome, essentiellement).
-De nombreuses cités (surtout stipendiaires) ont fourni des auxiliaires dans environ 95 troupes connues (des ailes, cohortes, numeri). En Lyonnaise, sont recrutées 24 ailes et 15 cohortes, en Belgique, 6 ailes et 40 cohortes, en Aquitaine, 5 cohortes… Ils servent sur tous les « fronts » : environ 30 troupes en Bretagne et autant sur le Danube ou sur le Rhin, près de 10 en Afrique-Egypte, 4 en Syrie…

Plusieurs études générales donnent des résultats chiffrés très variés :-G. Forni (1953) : sur 2 824 légionnaires recensés, 192 sont originaires des Gaules (129 de Narbonnaise -30 de vienne-, 8 d’Aquitaine, 25 de Lyonnaise -12 de Lyon-, 5 de Belgique, 25 de Gaule sans précision), 8 des Alpes, 17 de Germanie supérieure, 38 de Germanie inférieure ; Parmi les militaires qui servent dans les Germanies, 28 viennent de Gaule-J-C. Mann (1983) : dans son recensement général, on peut relever 138 Gaulois ; ils servent en Germanie surtout (65 et c’est proche  pour les « permissions » !), Espagne (24), Bretagne (17), Illyrie-Dalmatie (12), Pannonie (7), Mésie (7), Afrique (5)… ; Ils viennent de Vienne (29 mais c’est une vaste cité), Lyon (16), Fréjus (16), Luc-en-Diois (12), Narbonne (9), Arles (7),  Béziers (6), Toulouse (6), Nîmes (3), Riez (3)…-M. Reddé (1996) a comptabilisé 670 soldats recrutés en Gaule-Germanie dont 270 en Narbonnaise (69 à Vienne, 27 à Narbonne, 15 à Arles, 13 à Nîmes…), 110 en Germanie Inférieure, 52 en Lyonnaise  (29 à Lyon)… -Y. Burnand (Que Sais-je, 1996, p 21) donne des chiffres assez différents : 162 légionnaires originaires de Narbonnaise (+ 2 auxiliaires), 8 d’Aquitaine (+ 7 auxiliaires), 25 de Lyonnaise (+ 32 auxiliaires), 5 de Belgique, 77 des Germanies (+ 47 auxiliaires de Belgique-Germanies).-O. Stoll (2006) liste les origines des recrutés des légions de Germanies inférieure et supérieure : les Gaulois sont 23 en GI (7 à Xanten, 13 à Bonn, 3 à Nimègue) et 57 en GS (15 à Strasbourg, 37 à Mayence, 5 à Vindonissa).-David Colling (2011) a recensé les militaires originaires des Germanies (266) et de Belgique (69) ayant servi dans les armées romaines : curieusement, beaucoup indique leur origine, 61 ubiens, 60 bataves, 19 trévires, 17 de Xanten, 13 frisons… D’autres études portent sur des zones précises :-Le chanoine Drioux signale, en 1948, la présence de soldats Lingons, à Mayence (2), en Bretagne (4 cohortes), en Dacie (une cohorte), en Afrique, à Tebessa.-A. Pelletier, en 1998,  récense 31 légionnaires originaires de Vienne (et 123 pour toute la Narbonnaise).-L’étude de B. Rémy et H. Desaye, portant sur les « Voconces et l’Empire », en 2016, retrace les carrières de 22 militaires, que l’on retrouvent à Mayence (4), Bonn (2), Rome (3 + 6 prétoriens).  -Y. Le Bohec évoque le recrutement par légions : pour la 8ème, stationnée à Strasbourg, il comptabilise 5 Gaulois, 4 Germains, 3 Italiens, 2 autres occidentaux et 2 orientaux. Pour le recrutement en Narbonnaise, il donne 24 Viennois, 18 Narbonnais, 13 habitants de Fréjus, 12 Voconces… ; Sur 179 soldats connus en Espagne, seuls 15 viennent des Gaules. Dans un article de 2003, l’auteur montre que la cité des Lingons a donné 5 cohortes d’auxiliaires, 4 mixtes et une de fantassins, qui ont servies en Bretagne et Dacie. Pour le recrutement des auxiliaires : cf sources (Cheesman, Gayet, Reddé)


C-Quelques inscriptions permettent  de s’interroger sur :

-L’âge de l’engagement, très variable, allant de 17 à 25 ans (à Strasbourg, nous trouvons 18, 19, 20, 21, 23 et 25 ans ; à Aulnay, 20 et 26 ans ; à Chalon, 19 et 23 ans…). Il y a des cas plus étranges : 14 ans pour un marin de Boulogne, 15 ans pour un porte-enseigne mort à 29 ans à Arles (mais les fils de vétérans pouvaient être enrôlés plus tôt), 25 ans pour un vétéran mort à Villeneuve-sur-Lot, 26 ans pour un cavalier mort à Aoste…

-La durée du service, plus ou longue également, est de 21-25 ans pour des soldats de Lyon et Strasbourg, 24 ans à Narbonne, 25 ans à Aulnay et Nîmes, 32 ans pour un duplicaire de Saintes, 35 ans pour un vétéran de Villeneuve-sur-Lot. Le service des marins (31 à 35 ans à Boulogne) est plus long que celui des fantassins.

Les « évolutions de carrière » : deux exemples, celui de Q. Etuvius Capreolus (non cité dans le corpus car mort à Aquilée mais né à Vienne), d’abord simple soldat à 20 ans et pendant 4 ans, puis cavalier pendant 10 ans puis centurion pendant 21 ans puis préfet d’une aile de cavalerie pendant 5 ans. Une longue carrière de 40 ans. Et celui de M. Carantius Macrinus (non cité dans le corpus car mort à Carouge près de Genève, mais sans doute originaire de Vienne), qui a fait toute sa carrière dans la même unité (cela est rare), la 1ère cohorte urbaine de Lyon, de 73 à 97, comme soldat, puis sous-officier (en 6 ans seulement) comme « bénéficiaire » et « corniculaire » du gouverneur de Lyonnaise  puis devient « évocat » en 88 (il « rempile » après seulement 15 ans de carrière) et finit centurion en 90.

File:CIL XIII 1680.jpgFile:CILXIII5609Pontailler.jpgFile:MAS - Grabstele Lepontius.jpg
Stèle funéraire de Tib. Antistius Marcianus, originaire de Circina en Afrique, préfet de la 2ème cohorte Hispana, tribun de la 15ème légion, préfet de l’aile Sulpicia de citoyens romains (musée de Lyon)Autel votif dédié à Jupiter par
Q. Taius Saturninus, un bénéficiaire du gouverneur de Germanie Caesernius Statianus (Pontailler ; musée de Dijon)
Le soldat porte-enseigne Lepontius (Strasbourg)

D-Quels grades ou fonctions exercent-ils ?

 grades rôles, fonctions exemples en Gaule d’après l’épigraphie et l’iconographie (le lieu mentionné est celui de la découverte de l’inscription)
 le légat de légion= commandant en chef ; il appartient à l’ordre sénatorial ; dans certaines provinces, c’est le gouverneur 11 connus (1 à Saint-Quentin, 1 à Allonnes, 1 à Autun, 4 à Lyon, 1 à Joyeuse, 1 à Nîmes, 1 à Perpignan, 1 à Vienne).
 les officiers supérieurs6 tribuns de légion : 1 tribun laticlave (« chef d’état-major » ; est un jeune sénateur) et 5 tribuns angusticlaves (chaque tribun dirige 2 cohortes ; sont des chevaliers) ; il existe aussi un mystérieux tribun « sexmenstris » (peut-être commandant de la cavalerie légionnaire ?)
1 préfet du camp (entretien du camp, casernements, discipline)
-1 préfet ou tribun dirige les cohortes et ailes des auxiliaires (tribun de cohorte, préfet de cohorte, préfet d’aile…) ; 1 « praeposito vexillationi » dirige une unité détachée de la légion (= vexillatio)
-1 tribun de légion à Nîmes (belle stèle où S. Adgennius Macrinus est représenté avec son épouse)
-Des préfets de camp : 1 à Arles, 1 à Béziers.
-Des tribuns de légion ou de cohorte (88 connus). Des préfets de cohortes (22 connus). Des préfets d’aile de cavalerie : 1 à Saintes, 1 à Béziers, 1 à Grenoble (un sous-préfet), 1 à La Biolle, 1 à Marseille, 1 à Narbonne,1 à Nîmes, 1 à Vaison. Un officier dirigeant des vexillations, en Mésie : 1 à Beaumont-du-Ventoux.
 les officiers subalternes-ce sont les célèbres centurions : ils sont 59 soit 5 pour la 1ère cohorte (le centurion le plus gradé est le primipile = « primus pilus » ; il a le « privilège » d’être en première ligne…) et 54 pour les 9 autres cohortes (6 par cohorte) ; chaque centurion dirige donc une centurie (80 soldats + 20 valets = 100 mais le plus souvent c’est 60 à 100 hommes). Ils sont les principaux responsables de la discipline (extrêmement stricte). Certains centurions ont des missions spéciales : diriger une fabrique d’armes ou une carrière.
-les décurions dirigent un groupe de 10 cavaliers de cavalerie auxiliaire ; il a pour adjoint, un duplicaire.
 -Des centurions : 44 connus.
-Des primipiles : 11 connus (1 à Saint-Quentin, 1 à Lyon, 1 à Arles, 1 à Aime, 1 à Fréjus, 1 à Toulon, 1 à Narbonne, 1 à Nîmes, 2 à Perpignan-Ruscino, 1 à St Thomas).
-Un centurion est honoré par des ouvriers d’une fabrique de cuirasses à Montceau-le-Comte. Des centurions honorent Hercule à la carrière de Norroy-lès-Pont-à-Mousson
-Un décurion auxiliaire à Amiens. Un duplicaire à Cimiez.
 les sous-officiers ou « principales »1)les « optio » sont les adjoints des centurions, des « lieutenants d’infanterie » ou « adjudants chefs » en quelque sorte ; ils sont sans doute 59 aussi.
2)les immunes (= exemptés de corvées -les veinards !) membres de l’Etat-Major (officium) d’un officier et ayant double solde (= duplicarii) :   le beneficiarius (l’assistant d’un légat),  l’actarius (il rédige les actes administratifs, le journal de marche et consigne les achats),  le cornicularius (le chef de l’officium ou le chef-comptable ?), l’aquilifer  (porte-étendard de la légion, porteur de l’aigle, dans la première centurie), l’imaginifer (il porte l’image de l’empereur), le signiferi (porte-étendard d’une manipule et comptable),  le vexillarius (porte-étendard d’une vexillatio), le stator (la police du camp).
3)les immunes de l’Etat Major ayant une solde et demi (= sesquiplicarii) : le beneficiarius (assistant d’un tribun), le carceris (gardien de la prison du camp), les commentarienses  (s’occupent des registres du camp), le custos armorum   (responsable des armes), l’ exactus (dresse le tableau des services journaliers), le frumentarius (l’approvisionnement en vivres ou le courrier et la police), les singulares (des gardes du corps), les speculatores   (gardes du corps, éclaireurs, messagers, espions, chargés aussi des exécutions !),  les stratores (des écuyers), le tesserarius (« sergent-major », porteur du mot de passe).
4)un vétéran rappelé ou s’engageant de nouveau volontairement est un evocat ou un retentus. Il obtient un grade honorifique.
 -Des « optio »  : 12 connus (2 à Strasbourg sont « optio principis »).
-Des bénéficiaires (détachés pour servir un officier) : certains servent un légat de légion (1 à Naix, 1 à Lyon), d’autres un tribun de légion (2 à Lyon). Des corniculaires : 9/10 connus dont 6/7 à Lyon (« ville de bureaux »), 1 à Cimiez, 1 à Narbonne, 1 à Nîmes. Un écuyer du légat, à Til-Chatel. Un officier « pratector ducenarius » (garde du corps, époque de l’Empire tardif) : 1 à Annemasse. Le musée de Strasbourg conserve une enseigne de bénéficiaire.
-Des porte-enseignes : 18 connus (2 à Amiens, 1 à Lauterbourg, 3 à Lyon, 3 à Arles, 2 à Cimiez, 2 à Narbonne, 1 à Riez, 1 à St Gervasy, 1 à Uzès, 1 non assuré à Vienne, 1 à Montagnac-Montpezat). Une stèle funéraire de Strasbourg représente le porte-enseigne Lepondius.  Des aquilifers : 1 à Lyon, 1 à Grenoble. Un porteur de l’image de l’empereur, à Lyon. Un imaginifer, Ianuarius, à Amiens.  
Un responsable des approvisionnements en armes, à Wissembourg. Un gardien de prison militaire, celle de la 13ème cohorte urbaine de Lyon. Des speculatores : 4 connus (2 à Lyon, 1 à Ampus, 1 au Luc). Des frumentaires : 1 à Lyon et 1 à Arles. Des stators, stationaires (gendarmes ?) : 4 connus (un préfet à Metz, 1 à Nîmes, 1 à Vienne, 1 à Lyon). 
-Des « evocats » : 1 à Saintes (il commande à 600 soldats dans un camp sur le Danube), 2 à Lyon.
 le candidatus c’est un soldat choisi par un officier (ou même par l’empereur) pour occuper un poste ou grade supérieur, c’est à dire avoir une promotion exceptionnelle. Un seul semble mentionné en Gaule, à Laizé, près de Macon : cet anonyme est promu par l’empereur Sévère Alexandre (222-235).
 les simples soldats, non gradés1)des immunes  mais qui ont une simple solde ; ils sont employés à des services comme la construction du camp (mensores, architectus), le secrétariat et les archives (librarius, tabularius),  les comptes (dispensator), le logement des hommes (metator), les soins médicaux (medicus),  la chasse (venatores), l’atelier (magister),  l’escorte (secutor), le cavalier chargé des rondes (circitor), les instructeurs (discentes) …Il y a aussi les musiciens militaires les bucinatores, cornicines et tubicines (musiciens : le premier utilise la bucina, une corne, pour les cérémonies et rassemblements, le second joue du cornu, un cor de chasse, pour diriger les enseignes, le dernier se sert du tuba, trompette droite, pour annoncer les tours de garde mais aussi pour sonner la charge… ou la retraite),
2)les munifices sont corvéables ; ils sont d’abord probatus ou tiro (jeune soldat ou « bleu », pendant 4 mois) puis miles, gregalis et éventuellement soldat expérimenté (armatura)
-A signaler : un contubernalis est un « camarade de tente » (une « chambrée » regroupe 8 soldats)
 -Des scribes et greffiers : 9 connus (1 à Strasbourg, 1 à Til-Chatel, 5 ou 6 à Lyon, 1 à Aléria). Des médecins: 2 connus ? (1 non assuré à Fraquelfing, 1 à Lyon, au camp de la 13ème cohorte urbaine). Des circitores : 1 à Amiens et 1 à Châlons-en-Champagne. Un ingénieur (architectus) à Strasbourg. Le regionnaire de Sens est non assuré (militaire ? intendant de domaine ?). 
-Des musiciens : 6 connus (1 à Metz, 1 non assuré à Saint-Bertrand, 1 peut-être à Puget, 1 à Cimiez, 1 à Narbonne, 1 à Puget/s/Argens) et plusieurs musiciens représentés sur des stèles (Bordeaux, Reims ?, Soulosse ?, Dijon). 
-De « simples » soldats : 138 connus. Certains précisent la centurie à laquelle ils appartenaient. Des bas-reliefs (à Glanum, Saintes), des stèles funéraires (un soldat de la cohorte de Lyon, à Vichy ; un soldat et sa femme à Sens ; le soldat Largennius à Strasbourg ; des cavaliers à Chalon/s/Saône, à Châlons-en-Champagne, à Paris, à Lyon, 3 à Amiens, 2 à Strasbourg dont la superbe stèle de Comnisca) et des statues (les soldats auxiliaires de Mondragon et Vachères) les représentent. 5 soldats d’une centurie de la 4ème légion, ont écrit leurs noms sur un casque à Drusenheim (musée de Haguenau).
 les vétérans Ils reçoivent 12 000 sesterces et les auxiliaires deviennent citoyens. Mais ils restent sous les armes 4 ou 5 ans après la fin du service. Certains ont bénéficiés d’une « retraite honorable » (« honesta missio »), avant terme, pour fait de bravoures, le plus souvent. -111 connus
Peu de militaires sont connus pour l’ Antiquité tardive, les inscriptions étant plus rares et difficiles à dater (ils font aussi se fier aux sources écrites dont la « Notitia Dignitatum ») : nous avons par exemple des militaires à Til-Chatel (des gradés, des immunes, un librarius…), un bénéficiaire à Naix et à Aime, un décurion d’aile à Chalon, un centurion en mission en Bourgogne auprès d’ouvriers pour fabriquer des cuirasses, une unité d’élite (« Numerus Misiacorum ») à Metz, des cavaliers catafractari à Amiens, une unité de Dalmates à Châlons et une autre (la 8ème) à Reims…
 File:Koenigshoffen Stèle de Largennius.jpgFile:Glanum-stele legionnaires.jpg
 
 stèle funéraire du légionnaire Largennius à Strasbourg bas-relief des légionnaires à Glanum (musée de Lyon)

E-Quels équipements portent-ils, d’après l’iconographie et les objets militaires retrouvés ?
-Vêtements : tunique, cape, ceinturon, sandales (= »caligae ») à semelles cloutées.

Armes offensives : JAVELOT (= »pilum », 2m long, 2 kg, armes de jet, de courte -le pilum- et de longue -javelot- distance) ; EPEE (= »gladius », 1 à 1,5 kg, portée à droite pour le soldat et à gauche pour le centurion ; il s’agit d’abord d’une épée longue puis d’un glaive au Ier s. et d’une épée courte au II-IIIèmes s.) ; DAGUE (= »pugio », 1 kg, sorte de pognard) ;

Armes défensives : BOUCLIER (= »scutum », ovale puis rectangulaire, à bosse centrale ou umbo, utilisé aussi pour déséquilibrer ou renverser l’adversaire, 8 à 10 kg) ; ARMURE (cuirasse « à écailles » ou cotte de mailles, sans manches ou à manches courtes, 9 à 15 kg = « lorica squamata » et « lorica hamata ») et au-dessous, un pourpoint en lin et laine ; CASQUE à protège-nuque et protège-joues (2 kg) ; Les centurions ont aussi une aigrette sur le casque, des protège-tibias (jambières = « ocrae ») et tiennent un cep de vigne (= « vitis ») comme signe de commandement. Ce « vitis » ne doit pas être confondu avec le « fustis » (un bâton de maintien de l’ordre).

-Le paquetage de marche fait 10 à 13 kg.

  Liste des stèles et bas-reliefs de Gaule représentant des militaires, avec mention des équipements visibles (Esp. = recueil d’Espérandieu)
 Amiens Esp. 3940 (Zurdigenus = cavalier cataphractaire d’époque tardive, tunique courte, bouclier) ; 3941 (V. Durio = cavalier cataphractaire, tunique courte, épée à lame courbe) ; 3942 (V. Iustus, cavalier) ; 3943 (V. Ianuarius = soldat imaginifer, tunique courte, manteau, javelot, bouclier ovale)
 Arles Esp. 158 (bas-relief dit « frise des guerriers » : 26 soldats cuirassés et casqués, 2 ont une aigrette sur le casque et sont des prétoriens, tous ont une épée) ; 159 (3 têtes de soldats, boucliers, 1 cavalier à casque à cimier, 1 cheval)
 Chalon Esp. 2150 (Albanus = cavalier auxiliaire, de l’aile Asturum, Ubien, cuirasse, sandales, ceinturon, longue épée, bouclier ovale)
 Châlons Esp. 3738 (F. Antoninus = cavalier, casqué et cuirassé, javelot)
 Glanum Esp. 130 (bas-relief : 8 soldats cuirassés et casqués, boucliers rectangulaires)
 Lyon Esp. 1780 (Ingenius = cavalier cataphractaire, cuirasse d’écailles, casque à crête, longue lance)
 Mondragon Esp. 271 (statue funéraire d’un soldat auxiliaire, manteau à franges, ceinturon, bouclier ovale)
 Narbonne Esp. 631 (groupe de soldats -passant une rivière à gué ?-, boucliers ovales, casques, épées) ; 632 (un soldat cuirassé, casqué)
 Nîmes Esp. 478 (Adgennius et sa femme ; il est en tenue de tribun militaire)
 Paris Esp. 3158 (cavalier, lance)
 Saintes Esp. 1346 (4 têtes de légionnaires, casques)
 Sens Esp. 2793 (un homme et une épée) ; 2805 (un » civil » porte une épée) ; 2807 (un militaire et sa femme, il a une épée) ; cf ci-dessous
 Strasbourg Esp. 5495 (Largennius = soldat, tunique, 2 manteaux, 2 ceinturons, 2 épées) ; 5496 (Lepondius = soldat porte-enseigne, casqué, tunique et manteau, javelot, épée, bouclier rond) ; 5522 (cavalier casqué et cuirassé, lance, bouclier ovale) ; Comnisca = cavalier de l’aile Indiana, lance, épée)
 Vachères Esp. 35 (statue funéraire d’un soldat auxiliaire, manteau, cotte de mailles et tunique, épée courte, bouclier ovale)

-Pour voir de belles stèles de militaires, il faut plutôt sortir de notre cadre géographique et aller dans les musées de Bonn, Mayence, Neuss, Worms.
-S. Deyts (« Civils en armes : un problème d’iconographie dans la Gaule romaine ») signale 3 stèles funéraires  (Autun, Espérandieu 1893 ; Sens, Espérandieu 2805 ; St Ambroix, Espérandieu 7008) où l’homme représenté  en tenue civile porte une épée. L’auteure écarte l’idée de vétérans et a deux hypothèses : « des membres d’une corporation religieuse » (liée à Mars ?) ou plus probablement, « une charge municipale autorisant le port de l’épée ». Pour M. Bishop, il peut s’agir de militaires détachés dans un bureau de l’administration. Pour J. Guerrier-Delclos (2003) et N. Laubry (thèse 2009, p 585), il s’agit bien de vétérans. A signaler que la stèle de St Ambroix (Esp. 7008) est parfois appelée « l’armurier ». A titre personnel, j’ajoute 2 stèles de Sens (Espérandieu 2793 et 2807) où un homme est associé à une épée.  


File:Cotte de maille romaine, Musée gallo-romain de Fourvière.jpg 
File:Haguenau Musée casque légionnaire.JPGFile:Autun (Saône-et-Loire) - Musée Rolin - Casque de parade.jpg
Musée de Lyon : cotte de mailles, umbo de bouclier et pointes de lance  Casque du musée de HaguenauCasque de parade du musée d’Autun
File:Lyon-balles de fronde.jpgFile:MBA Lyon Exposition Claude - Glaive de type Mayence et son fourreau.jpgFile:Arles roman armour.jpg
Musée de Lyon : balles de frondeGlaive et son fourreau décoré de la main de Jupiter tenant trois foudres. Musée de Strasbourg Musée d’Arles : casque, épée et fourreau d’une épave des Saintes-Maries-de-la-Mer 

-Quelques armes découvertes en France (d’après le site Artefacts et la thèse de Lucas Guillaud) :

 épées, glaives, poignards… Amiens (fourreau de poignard) ; Arles (un glaive et son fourreau découvert dans le Rhône en 2001 ; des épées longues découvertes dans le Rhône en 2011 et 2017 ; un nouveau glaive décoré, découvert dans le Rhône en 2020) ; Beire-le-Chatel ; Beaune (épée du 4ème) ; Berry-Bouy ; Biesheim ; Chalon/s/Saône (épée du 4ème) ; Chassenard (pointe de glaive, plaque de fourreau) ; Décines (glaive) ;  Dijon ; Entrains (fourreau de poignard) ; Eu (glaives) ; Famars (épée) ; Fontenay-sur-Vegre (glaive d’un probable auxiliaire avec éléments de bouclier et umbo) ; Fos/s/Mer (manche d’épée longue en ivoire) ; Le Cendre-Gondole (2 glaives), Lyon (2 glaives et 4 épées longues ; un fourreau de glaive avec le nom du fabricant ; épée longue du squelette de la rue des Fantasques) ; Mâcon ; Mougins (le musée conserve un glaive de 69cm et un poignard de provenances inconnues) ; Narbonne (fourreau en bois) ; Neuilly-lès-Dijon (épée début 5ème) ; Port-en-Bessin (poignard, épées fragmentaires, pilum découverts récemment) ;  Rennes (glaive des Jacobins et poignard dans son fourreau ) ;  St Amand-sur-Ornain (poignard) ; St Romain-en-Gal (2 épées longues) ; Saintes ; Ste Colombe (pilum, glaive et poignard, découverts en 2017, vers 40-60) ; Stes-Maries-de-la-mer (un glaive et son fourreau de l’épave SM 9, découverts en 1998) ; Strasbourg (glaive signé Q. Nonienus Pudens) ; Vaison (lame), Vannes (glaive en fer des années -10), Villeneuve-sur-Lot (2 glaives et des pilums)…
 casques (gaulois ou romains ?) Agen (de type Coolus, jusqu’en -50) ; Alésia (13 casques vers -60/-40) ; Arles (casque en bronze du Seuil de Terrin, de type étrusco-italique, vers -120/-100, découvert en 1969 dans le Rhône) ; Autun (casque de parade en bronze doré) ; Besançon (beau casque découvert au XIXème s. = vers -60/-30 ou vers 25/50 selon les sources) ; Biesheim (couvre-joue) ; Boé ; Brumath (fragment de casque de cavalier) ; Chalon/s/Saône ; Chassenard (visière-casque en fer, vers 40) ; forêt de Compiègne ; Conflans-en-Jarnisy (Meurthe-et-Moselle ; visière de casque, en cuivre, d’un officier -au MAN-) ; Drusenheim (à des soldats de la 4ème légion) ; Gondole (casque vers -45/-30) ; Hyères (2 casques datés vers -75) ; Louviers ; Le Mesnil/s/Jumièges (vers -45/-30) ; Lyon (4 dont celui de Ste Foy-lès-Lyon qui est un montage du 19ème à partir d’un casque du -1er) ; Mesnil-de-Poses ; Meuvy (avec 2 graffiti) ; Mons-Monteils (vers -45/-30) ; Notre-Dame de Vaudreuil ; Ouroux/s/Saône ; Reinheim (visière métallique en forme de visage) ; Rennes (casque de cavalier, d’un haut gradé, du début 1er) ; Ribemont ; Rouvray ; St Laurent-des-Arbres (d’un auxiliaire, vers -100) ; St Raphaël (gaulois ?) ; Stes-Maries-de-la-Mer ; Vic-Fezensac ; Vieille-Toulouse …
 cottes de mailles Chassenard ; Eu (fragments) ; Famars ; Lyon (5 dont celle de la rue des Farges) ; Mandeure  (cuirasse mixte, cotte de mailles et écailles) ; Ouroux/s/Saône ; Pontoux ; Port-en-Bessin ; Ste Colombe (armure segmentaire, découverte en 2017, vers 40-60) ;  Sarry ; Strasbourg,…
 autres Alésia (8 boulets de baliste ; d’autres boulets ont été découverts à Gergovie, Biesheim, Lattes, Port-en-bessin, Valence, Vieille-Toulouse…) ; Fort-Louis (Alsace) : jambière de parade en bronze argenté et doré, décorée (Enée, Anchise, Iule) ; Gergovie (2 pointes de traits de catapulte ou de scorpions) ;  Oisy-le-Verger (umbo de bouclier dans la tombe d’un auxiliaire) ; Orange (29 balles de fronde, 7 pila, un trait de catapulte… au Lampourdier ) ; Valence (environ 20 balles de fronde à Lautagne)… ; On peut aussi ajouter 3 gourdes de légionnaires (bien utiles même si elles ne sont pas des armes !) dont une en fer et bronze au Bernard en Vendée et une découverte récemment à Seynod en Haute-savoie

F-Dans quelles légions ou unités ont-ils servis ?

Dans des légions : Quelles sont les légions les plus « fréquentées » par les soldats de notre corpus ? Il s’agit logiquement des légions stationnées sur le Rhin (les 1ère, 2ème, 8ème Augusta, 21ème Rapax, 22ème Primigénia et 30ème Ulpia Victrix) et des détachements installés à Lyon après la dissolution des cohortes urbaines en 197 (nous comptons 20 soldats détachés de la 1ère légion, 8 soldats de la 8ème légion, 11 soldats de la 22ème légion et 17 soldats de la 30ème légion, soit 56 soldats au total). Des soldats et centurions, détachés des 8ème, 10ème, 14ème et 21ème légions du Rhin, surveillent (et travaillent ?) dans les carrières de Norroy-lès-Pont-à-Mousson et honorent Hercule Saxsano (« le carrier »). A Mirebeau-sur-Bèze, un camp est occupé par des vexillaires de légions puis par la 8ème légion pendant environ 15 ans. A Til-Chatel, un poste de surveillance de soldats détachés des 8ème et 22ème légion, fonctionne au IIIème siècle (5 inscriptions).


Dans les unités auxiliaires : On trouve des cohortes des Rètes, thrace (Annecy), des Gaulois (Aulnay, Gresy), des Nerviens (6 cohortes connues dont la seconde, attestée à Vindolanda, en Grande-Bretagne et concernée par le diplôme militaire de Flémalle, en Belgique, en 98/99), d’Aquitaine (5 connues), des Alpes (La Turbie, Le Broc), des Belges (commandée par un santon, à Mayence), dalmate, des Bracaraugustani (de Braga en Espagne), des Bataves, hispanique. A Cimiez et dans les Alpes Maritimes, nous avons 41 inscriptions prouvant la présence de plusieurs cohortes : surtout celle des Ligures-Hispaniques (19 soldats), celle des Gétules (8 soldats) et celle des Marins, sans doute venus de Fréjus (5 soldats). Les noms des centurions qui les dirigent sont  précisés dans 19 cas, des noms dignes de figurer dans Astérix ! (Gallus, Felix, Pacatus, Niger et même Gratinus…). Il existe aussi des cohortes de volontaires de citoyens romains (1 tribun à St Gervasy, 1 vétéran à Schweighouse).
Des cavaliers : 22 connus. Beaucoup précisent l’aile à laquelle ils appartenaient : les Voconces (2 ailes connues), Dalmate (Chalons), Petriana et Indiana (Strasbourg), les Asturiens, l’aile flavienne et l’aile Longiniana (Chalon, Cuers, Nîmes), Atectorigienne (levée en Poitou) et Phrygienne, l’aile Augusta (Aoste), l’aile des Lingons, l’aile Agrippinienne (Grenoble), l’aile Hispana, l’aile des Dardaniens, l’aile Thrace, l’aile Alpine (Gréolières). Attention, une « aile des Voconces » se signifie pas que tous les cavaliers sont d’origine Voconces ! Il y avait un grand brassage ethnique dans ces troupes. En plus de ces cavaliers auxiliaires, il existait des « numerii » (groupes de cavaliers indigènes, gardant le costume et les spécificités combattantes de leur peuple). A Nîmes, un anonyme fut un chef de cavaliers de Pannonie (« equitum Pannonirum »). A Reims, Impetratus était un soldat du 8ème numerus des Dalmates.

Des soldats ont été recrutés (114 connus) en Gaule et forment des unités auxiliaires gauloises : dans les provinces alpines (10 cohortes et ailes appelées Vallensium, Alpinorum et Montanorum) mais aussi en Narbonnaise (3 ailes), Aquitaine (7 cohortes, une aile), Lyonnaise surtout (25 cohortes et 20 ailes), Belgique (18 cohortes et 4 ailes).
File:CIL XIII 1853.jpg File:CIL XIII 1852.jpg
Stèle funéraire de M. Curvelius Robustus, soldat de la 1ère cohorte urbaine de Lyon Stèle funéraire de S. Cossutus Primus, émérite de la 13ème cohorte urbaine ; T. Silius Jospes, porte-enseigne de cette même cohorte a élevé (ce tombeau) à son ami.

Dans les unités d’élites :

-A Lyon, nous avons une cohorte urbaine de 500 hommes, la seule de Gaule. En 197, la cohorte est dissoute par Septime-Sévère (elle a choisi le mauvais camp lors de sa prise de pouvoir). Ensuite, se sont des  détachements de 4  légions du Rhin qui remplacent la cohorte urbaine jusque vers 245 : 

 cohorte anonyme présence en 21 aucun soldat connu
 14 ème cohorte vers 40-50 1 soldat à Lyon, 1 à Castellane, 1 à Levens
 17 ème cohorte vers 50 1 soldat à Vichy (L. Fufius Equestre, avec mention de l’atelier monétaire), 1 à Lyon (disque en bronze de L. Manlius Nigrinus)
 18 ème cohorte présence en 69 aucun soldat connu
 1 ère cohorte vers 70 à vers 80 ou 120/130 1 centurion (inscription à Genève de M. Carantius Macrinus), 1 soldat
 13 ème cohorte de 80 ou 120/130 à 197 1 médecin, 1 gardien de prison, 2 porte-enseignes, 17 soldats, 1 autre à Vienne ; dont le diplôme militaire de S. Egnatius Paulus en 192 ; + « tombe » d’un soldat, rue des Fantasques, datée des années 195
 détachements de 4 légions du Rhin de 197 à vers 245 la 1ère légion (20 militaires connus), la 30ème (22 militaires connus), la 8ème (7 ou 8) et la 22ème (13 ou 14) ; + l’autel dit « de la schola des quatre légions » élevé par 1 vétéran de la 30ème légion en 207

On ignore toujours où se trouvait la caserne de Lyon, notamment ses « quartiers d’hiver » dont parle Tacite (vers St Just ?, vers la Croix-Rousse ?, au « pseudo sanctuaire de Cybèle » à Fourvière ?). Par contre, la plupart des tombes de militaires a été trouvée à Trion et St Just. Ses soldats semblent avoir eu plusieurs rôles : détachement dans les bureaux du gouverneur de province (M. Carantius Macrinus était bénéficiaire et corniculaire) et du procurateur financier de Lyonnaise-Aquitaine, maintien de l’ordre (M. Aquinus Verinus, gardien de prison), surveillance de l’atelier monétaire (mentionné sur l’épitaphe de L. Fufius Equestre ; pour L. Guillaud, la belle tombe de Chassenard, dans l’Allier, correspond à un signifer de la 14ème cohorte, enterré avec ses armes, son masque-casque et des coins monétaires de frappe de monnaies d’or de Tibère) …

-19 soldats et officiers (1 à Reims, 1 à Sens, 2 à Lyon, 1 à Annecy, 3 à Arles, 1 à Aubagne, 1 à Beaumes-de-Venise, 1 à Carpentras, 1 à Carros, 1 à Monetier-Allemont, 1 à Cran-Gevrier, 1 à Nîmes, 2 à Perpignan, 2 à St Jorioz) servent pendant 16 ans, à Rome, dans la garde prétorienne. 

D’après P. Faure (Les provinciaux de Gaule Narbonnaise et la garde prétorienne, RAN, 49, 2016), il y a 29 militaires de Narbonnaise qui servent auprès de l’empereur, 24 soldats, 3 tribuns et 2 préfets du prétoire. 6 ou 7 sont originaires de la cité des Voconces, 6 de la cité de Vienne, 3 de la cité d’Arles.

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Bas-relief de Narbonne montrant des soldats sur un navire de guerre Anthus, esclave de Livie et de Tibère mais triérarque (commandant d’une trière) à Fréjus

Dans la marine : 21 marins connus. A Boulogne, lieu de stationnement de la flotte de Bretagne, nous avons 4 triérarques (commandants de navires) et 3 marins (appelés soldats sur les inscriptions). Un autre marin de cette flotte est mort à Arles. A Fréjus, il y a 16 inscriptions de militaires dont plusieurs ont servi dans la flotte de guerre (1 commandant ou préfet, 1 pilote de navire, 2 triérarques, 1 chef de nage donnant la cadence aux pauvres rameurs…). Un navire de guerre est représenté sur une stèle à Gassin et un autre sur un monument votif de Marseille. A Villeneuve/sur/Lot (assez loin d’un littoral), on trouve trois soldats de la première cohorte navale ! Des hommes servent sur la flotte du Rhin en Germanie (1 navarque à Romagnieu, 1 triérarque à Aoste, un autre à Arles). D’autres appartiennent à la flotte de Misène (1 centurion, 1 scribe et 2 marins en Corse) ou à celle de Ravenne (1 centurion en Corse, 1 préfet à Vaison, 1 préfet à Lyon). A noter qu’il existait aussi une flotte de guerre fluviale : 7 unités sont connues pour l’Antiquité tardive (à Arles, Vienne, Chalon, Paris…).

G-Des « médaillés » et « diplômés » :  A Nîmes, T. Iulius Festus, libéré par Tibère (qui décore aussi un tribun à St Alban-Leysse), reçoit de sa cité, une terre, du blé et les bains gratuits ! Toujours à Nîmes, un haut magistrat (T. Iulius Maximus Manlianus…) a été couronné lors des guerres daciques de Domitien. T. Claudius Quartinus (Lyon) et D. Terentius Scaurianus (Nîmes) sont décorés par Trajan. Hadrien félicite T. Camulius Lavenus (Grenoble) qui a servi dans la 3ème légion. S. Egnatius Paulus et C. Iulius Decoratus (Lyon) reçoivent leur diplôme de libération. T. Flavius Geminus (Aime) est décoré par Septime-Sévère, lors de la guerre contre les Parthes. La mention « missi honesta missione » que l’on trouve pour certains vétérans indiquent qu’ils ont été libéré avant la fin de leur service, principalement pour acte de bravoure : c’est le cas de T. Iulius Virilis (le « bien nommé », à Lyon), Maturius Fuscus (Ascros), Petronius Castus (Valence).

File:CIL XIII 1899 (fond blanc).jpgFile:Musée de Picardie, stèle funéraire d'un militaire romain 4.jpg
Un vétéran de la 6ème légion, M. Titius Helvinus (Lyon)Un officier de cavalerie (Valerius Durio), mort à 30 ans (Amiens)

H-Les vétérans :  Il est « logique » que les vétérans décèdent vers 40-50 ans, selon l’espérance de vie de l’époque. Certains profitent très peu de leur « liberté » (un vétéran de Strasbourg, mort à 43 ans, par exemple). D’autres vétérans ont un âge de décès, normalement incompatible avec la longue durée du service : à Arles, un anonyme meurt à 30 ans et à Lyon, C. Tallonus Pervincus meurt à 24 ans ! Quelques-uns décident de faire un second métier : un probable boucher à Autun, un marchand de poterie à Lyon. Ils peuvent former des associations d’anciens combattants : le « collège Honneur et Vertu » attesté à Arles et Narbonne, les Arlésiens de la 6ème légion (ils honorent le consul L. Cassius Longinus en 30 et l’impératrice Faustine à Rome et un duumvir à Arles), les Biterrois de la 7ème légion (dédicace au fils de l’empereur Philippe vers 245), les Narbonnais de la 10ème légion (sept dédicaces à plusieurs empereurs de Lucius Verus à Dioclétien en passant par Septime-Sévère, Caracalla et Gordien III).

I-60 inscriptions seulement précisent l’âge de décès. 12 décèdent entre 20 et 29 ans, 16 entre 30 et 39 ans,  18  entre 40 et 49 ans, 12 atteignent 50 à 70 ans et il reste ces cas incroyables : Rusticinus Erennus vétéran à Lyon et C. Caninius Germanus, ancien centurion de la flotte de Ravenne et mort en Corse, décèdent tous les deux à 90 ans ! Quelques-unes portent de rares précisions : un anonyme meurt à Amiens, avant le départ de l’expédition en Bretagne, Ianuarius à Autun est assassiné, et trois cas à Lyon, le scribe Aemilius Venustus et le « rappelé » Attonius Constans sont « tués à la guerre », le vétéran Iulius Aventinus meurt  à 61 ans, « tué »…


Sources :-P. Aupert : Les fortifications militaires, DAF 100, 2006-F. Berard : La garnison de Lyon et l’officium du gouverneur de Lyonnaise, 2000 ; L’armée romaine de Lyon, BEFAR, n° 370, 2015 = dans cet ouvrage, l’auteur fait l’inventaire des militaires : 35 des unités de cohortes urbaines dont 29 de la XIIIème puis 61 des détachements de légions dont 20 de la 1ère et 22 de la 30ème + 21 autres militaires = 117 noms ; 16 font partis de l’officium du gouverneur de Lyonnaise (3 corniculaires, 3 commentarienses, 2 speculatores, 3 beneficiarii, 2 frumentarii…) et 12 font partis de l’officium du procurateur de Lyonnaise-Aquitaine (6 beneficiarii, 3 exacti, 2 corniculaires…-G. L. Cheesman : The auxilia of the roman imperial army, 1914 ; = 115 auxiliaires recrutés en Gaule : 47 en Belgique, 46 en Lyonnaise, 13 dans les Alpes, 7 en Aquitaine, 2 seulement en narbonnaise ; 81servent dans des cohortes et 34 dans des ailes de cavalerie-D. Colling : Les soldats belges dans l’armée romaine impérialein Actes du Congrès de Namur, t. 4, Namur, 2011, p. 1099-1108.-P. Cosme : L’armée romaine, Armand Colin, collection U, 2012.-R. Cowan : Le légionnaire romain, Osprey Publishing, DelPrado, 2004. -R. Cubaynes et L. Bonnet : Vivre et servir dans la légion romaine (1935 occurrences au total sur la durée de service et la longévité dont 50 en Lyonnaise, 7 en narbonnaise et 3 en Aquitaine).-C. Daremberg et E. Saglio : Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, 1877-1919, 10 volumes ; voir aussi en ligne le site DAGR ; nombreux articles dont celui de la légion p 1052 à 1059-M. Feugère : L’équipement militaire d’époque républicaine en Gaule, in Journal of Roman Military Equipment Studies, 5, 1994 (visible aussi sur le site Academia)-G. Forni : Il reclutamento delle legionni da Augusto a Diocleziano, 1953-F. Gayet : La présence militaire romaine dans la province des Alpes Maritimes, 2001 ; Les unités auxiliaires gauloises sous le Haut-Empire romain, in Zeitschrift fur Alte Gerschichte, 55, 2006, p 64-105 (= liste des 89 unités ayant recrutés des Gaulois, 60 cohortes et 29 ailes ; 45 unités en Lyonnaise dont 25 cohortes, 22 unités en Belgique dont 18 cohortes, 11 unités dans les Alpes, 8 en Aquitaine et 3 en Narbonnaise ; 113 gaulois recrutés comme auxiliaires sont connus, 37 dans les Alpes dont 19 à Cimiez, 32 en Belgique dont 16 à Trèves, 13 en Lyonnaise, 11 en Aquitaine et 11 en Narbonnaise ; pour les noms des unités : cohortes Alpinorum et Montanorum dans les Alpes, ailes Vocontiorum en Narbonnaise, cohortes Aquitanorum et Biturigum en Aquitaine, ailes Longiniana, Gallorum et cohortes Gallorum en Lyonnaise, aile Indiana, cohortes Lingonum, Menapiorum, Morinorum, Nerviorum… en Belgique)-F. Gilbert : Le soldat romain, Errance, 2004 ; Légionnaires et auxiliaires du Haut-Empire romain, Errance, 2006-L. Guillaud : Militaria à Lugdunum, thèse de Lyon 2, 2017 (visible sur internet ; il recense 6 glaives et épées, 10 fers de lances, 4 casques, 5 cottes de mailles…)-G. Laguerre : L’occupation militaire de Cemenelum-Y. Le Bohec : Les militaires romains en Gaule civile, 1993 ; L’armée romaine sous le Haut Empire, 2002 ;  Les Lingons et les unités de Lingons dans l’armée romaine du Haut-Empire, Coll. Latomus, 270, 2003, p 242-249 ; Histoire militaire des Germanies d’Auguste à Commode, Pallas, 2009, p 175-201-J-C. Mann : Legionary recuitment and veteran settlement during the principate, 1983 = liste des légionnaires recrutés dans l’empire-A. Pelletier : Les légionnaires de Vienne, in Bulletin de la société des Amis de Vienne, 1998,3, n° 93 = Il compte 31 légionnaires originaires de Vienne, 15 servent sur le Rhin, 7 ou 10 sont des vétérans, 16 stèles indiquent l’âge de décès entre 25 et 48 ans ; Par comparaison, il indique les nombres de légionnaires originaires d’autres cités de Narbonnaise : 18 de Narbonne, 13 de Fréjus, 12 de Luc, 8 de Glanum, 6 d’Arles, de Béziers, de Nîmes, 5 d’Alba, 4 de Valence, 3 d’Aix… ; Avec Vienne, on arrive à un total de 123 légionnaires originaires de la province de Narbonnaise-H.-G. Pflaum : Les fastes de la province de Narbonnaise, 1978  ; pour les militaires, il recense 87 officiers de rang équestres et préfets des ouvriers, 172 militaires, 17 prétoriens, 17 officiers de rang sénatorial ; Parmi les 172 militaires originaires de Narbonnaise, 65 ont servi en Germanie supérieure, 29 en Germanie inférieure, 26 en Pannonie, 17 en Bretagne, 14 en Espagne, 10 en Mésie et 4 en Dalmatie-M. Reddé : L’armée romaine en Gaule, Errance, 1996 ; Militaires romains en Gaule civile, Cahiers Glotz, 2009, p173-183 ; L’armée romaine et les aristocrates gaulois, in Honesta Missione, 2014, p 121-142 ; Les armées romaines en Gaule à l’époque républicaine, Bibracte 28, 2018.-O. Stoll : Legionäre, Frauen, Militärfamilien. Untersuchungen zur Bevölkerungsstruktur und Bevölkerungsentwicklung in den Grenzprovinzen des Imperium Romanum. Jahrbuch RGZM  53,1, 2006 (ersch. 2008), 217-344. (cf tableau des p. 327-330)

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