Romanisation…

Ou comment les « gallo-gaulois » sont devenus les « gallo-romains » ?
Il s’agit d’un sujet important (un changement d’époque, de civilisation) mais objet de controverses entre spécialistes. Le mot même de romanisation est débattu : une métropole (Rome) qui impose sans échange ou une métropole qui propose et reçoit (transferts culturels) ? Je vais tenter (très modestement !) de rester simple et d’en donner les grandes lignes, les « problématiques » (comme disent les « pseudo-pédagogues »).

 Controverses autour de la romanisation : au XIXème s., Rome était considérée comme la mère des empires modernes et des civilisations. Depuis les années 1930 et toujours actuellement, les avis sont plus partagés, voir tranchés : mélange de cultures plutôt que romanisation (pour R. G. Collingwood, G. Woolf), romanisation brutale entraînant des résistances (pour M. Benabou),  romanisation autoritaire puis souple (pour P. Le Roux), municipalisation par la diffusion de la citoyenneté (pour H. Inglebert ou M. Dondin-Payre), intégration (pour J. Scheid), acculturation (pour A. Ferdière), transfert culturel (pour G. Traina) et même métissage ou « créolisation » (pour J. Webster)…
Nîmes, une ville gallo-romaine - Maxicours Afficher l'image d'origine
La Gaule dans l’Empire  ; (carte empruntée au site « Maxicours »)                                 Maquette de Lyon, « capitale des Gaules » (NB : Le cirque est mal localisé)Le Trophée d’Auguste à La Turbie, symbole de conquête.

1er point : les Gaulois et les Romains se connaissaient très bien, avant César !

-par des alliances : Romains-Eduens par exemple depuis le IIème s. av. JC.

-par des « pré-interventions » romaines dans le sud (-181 et -154)

-par le commerce à partir de -150/-120 : il s’agissait d’un trafic très intense nord-sud, basé surtout sur des échanges vins-esclaves. Les Gaulois adoraient le vin d’Italie. Ils n’en cultivaient presque pas mais en buvaient beaucoup (et leurs dieux souterrains aussi !). Les Romains, eux, avaient besoin d’esclaves.

-par l’apparition d’une économie monétaire (« copie » des monnaies grecques, alignement sur les monnaies romaines) vers -100.

-par des influences culturelles, visibles dans l’architecture (l’urbanisme des villes-oppida du Midi surtout mais aussi la construction d’édifices inspirés de modèles gréco-romains comme le grand bâtiment à abside de Vix, le lieu de réunion de Corent, le bâtiment polygonal de Bliesbruck, le bâtiment richement décoré de Lyon et daté de -150/-120), l’apparition des tuiles de type romain (à Lyon vers -150/-100 ou chez les Eduens par exemple vers -120/-100) ou l’écriture (utilisation du grec puis du latin dans le Midi). Mais ces innovations sont-elles dues, pour la Gaule interne, aux indigènes (c’est certain pour la main d’oeuvre) ou à des artisans itinérants venus de Marseille ou d’Italie ? Et ensuite pour la Narbonnaise, à des indigènes romanisés ou à des colons romains ?


2ème point : la conquête purement militaire s’est faite sur une longue période, en plusieurs étapes :

1)-les côtes méditerranéennes et la vallée du Rhône, d’abord : environ sept ans de guerre (-125 à -118), dans le but stratégique de relier l’Italie à l’Espagne déjà conquise et de contrôler la vallée du Rhône. La ville de Marseille, harcelée par les Ligures, a servi de déclencheur. Dans l’ordre (probablement), Provence, vallée du Rhône, Languedoc. Peu de révoltes ensuite. Plus tard, trois  trophées  en marquent les bornes : Panissars (-71) puis Saint-Bertrand-de-Comminges (-13) dans les Pyrénées et La Turbie (-6) dans les Alpes.
2)-le « reste » de la Gaule, ensuite (de -58 à -51 par César), sans préméditation, semble-t-il. Mais bon, avec César, qui sait ? Pendant la conquête, le sud de la Gaule demeure bien calme (mais la région doit fournir à César de nombreux soldats auxiliaires et des vivres).
3)-les régions alpines, enfin (de -25 à -13), dans le but de contrôler les cols. 

Curieusement, ces conquêtes, très brutales, ont laissé assez peu de traces matérielles : pour la première étape, des boulets ou traces d’incendies (Entremont, Saint-Blaise, Baou-Roux, Baou-Saint-Marcel, la Courtine…), des traces de camps romains près d’Orange (Lampourdier) et de Valence (Lautagne), pour la seconde, les résultats des fouilles de Gergovie (rempart reconstruit vers -50, camps romains confirmés, réseau de fossés découverts), d’Alésia (dispositif romain bien connu, militaria nombreux) et d’Uxellodunum (militaria, galeries de sape)…Par contre, la pacification se manifeste par la présence de camps militaires (Amiens, Arras, Saintes…) à partir de -50. Il y a peu de révoltes et la plupart sont menées par des familles romanisées, non pas contre l’occupation  mais contre des abus (autorité, fiscalité).


3ème point :  l’organisation de la « nouvelle » Gaule s’est faite (aussi par étapes) de façon pragmatique.

 a -La  Transalpine ou Provincia (Gaule du sud-est), créée en -121/-118, est transformée en province, soit dès l’origine (puisqu’une colonie romaine est créée à Narbonne) soit vers -74/-72 (premier gouverneur assuré : Fonteius). Elle appelée la Narbonnaise, sans doute vers -22 (un siècle plus tard !) et confiée au Sénat de Rome. Au début, la province est sans doute liée à l’Espagne (un seul gouverneur installé en Ibérie). La Narbonnaise a une certaine cohérence géographique, avec deux grands axes (voie Espagne-Italie, voie du Rhône) et pour Strabon, elle est limitée par trois montagnes (Pyrénées, Mt Cemmène = Massif Central, Alpes).

b -La zone conquise par César, dite « Gaule chevelue », est d’abord rattachée à la Transalpine, avec un seul gouverneur. Ensuite, les étapes ne sont pas claires et les spécialistes ne s’accordent pas : vers -25/-22, division en trois zones (Aquitaine, Lyonnaise et Belgique) mais avec un seul gouverneur  (Drusus, Tibère…), vers -16/-12, création des cités et chefs-lieux, vers -12/-9, recensement et « assemblée » de Lyon, vers 15/21, installation d’un gouverneur par province… Mais, attention, ces étapes ne sont pas assurées du tout ! 
L’Aquitaine est agrandie jusqu’à la Loire par rapport à l’époque gauloise, la Lyonnaise, de forme « aberrante » est centrée sur des voies et fleuves, la Belgique, vaste, sera réduite au profit de la création des Germanies.
Pour la Belgique, on peut émettre une hypothèse de création de la province vers -20 en rapport avec la présence d’un atelier monétaire vers -19/-18. Mais pas un gouverneur de ces trois provinces n’est connu avant 14/15.

c -Les régions alpines deviennent quatre provinces environ 70 ans après la conquête, sous Claude (Alpes Graies et Pennines) et Néron (Alpes Cottiennes et Alpes Maritimes vers 63).
d -Les Germanies sont d’abord une éphémère province de -12 à -9 puis des « districts » (vers 10 ?) puis deux provinces vers 83/84.e
-A signaler, la Corse (en France mais pas en Gaule !) est d’abord rattachée à la Sardaigne puis devient une province sous Claude ou en 67/69.

1 –La province, pour les Romains, n’est qu’une structure administrative. Le plus important est la cité, subdivision de la province : c’est un cadre civique essentiel (doté de fonctions municipales typiquement romaines), fiscal (recensement des hommes libres, impôts payés cités par cités), juridique (statut variable des cités à l’intérieur d’une province : colonies, cités de droit latin ou pérégrines), peut-être « ethnique » (les anciennes « frontières » entre peuples gaulois ou « tribus » sont globalement respectées mais certains peuples « disparaissent » comme les Boïens ou les Salyens). Les cités sont plus petites et plus nombreuses dans les montagnes (Alpes, Pyrénées) puisque les peuples y sont plus nombreux. Des bornes sont érigées entre les cités (15 connues entre Aix-en-Provence et Arles) et entre les provinces (4 connues entre la Narbonnaise et les Alpes Grées, en Haute-Savoie, dont celle de Passy -placée en 74 par un gouverneur de Germanie supérieure et non par les gouverneurs des deux provinces concernées !).

Voir fiche sur les statuts des cités.


2 -La création incroyable en une trentaine d’années, de plus de 100 chefs-lieux (« capitales » des cités), *soit sur un site gaulois (Nîmes, Béziers, Besançon, Orléans, Angers, Metz, Reims, Lyon, Tours, Bourges, Chartres, Poitiers, Feurs, Bordeaux),*soit sur un site vierge (Vaison,  Apt, Fréjus, Strasbourg,  Beauvais, Amiens, Bavay,  Nantes, Carhaix, Dax, Limoges, Javols, Rodez, Feurs) mais parfois non loin d’un site gaulois (Narbonne, Aix-en-Provence, Périgueux, Cahors, Clermont, Lisieux, Autun, Macon, St Quentin). Certains chefs-lieux atteignent 200 ha (Autun) voir 600 (Reims). Ils reçoivent bien sûr un nom, souvent mi-latin, mi-gaulois, comme Autun (Auguste + forteresse en gaulois = Augusto-dunum) ou Clermont (Auguste + sanctuaire en gaulois = Augusto-nemetum).


Mais création ne veut pas dire précipitation… En voici quelques exemples :

  Origine gauloise ou création romaine Mise en place de la trame viaire Première occupation attestée
 Amiens Création romaine (vers -20/-10 ?) Voie de l’Océan vers -20 ; quadrillage urbain vers 50 Occupation militaire vers -20 ; pont vers -10 ; grand fossé vers 20/50
 Angers Oppidum gaulois Trame viaire vers 20/30 Terrasse du château vers -20/20 ; thermes Delaâge vers 20/40
 Autun Transfert depuis Bibracte entre -10 et 20 Trame viaire vers -10 à 50 Enceinte vers 10/30 ; terrassements vers 20/30
 Bordeaux Agglomération gauloise Trame viaire vers -25 à 10 Présence d’un sanctuaire augustéen ?
 Evreux Création romaine (vers -30/-10 ?) Trame viaire  vers -10/1 Remblaiement des bas de pente, rivière canalisée, place vers -10/20
 Le Mans Présence gauloise éparse ; « fondation » vers -20/-10 Trame irrégulière vers 30 à 70 Habitat augustéen ; temple des Jacobins vers 15/20 ; terrassements vers 30 à 100
 Limoges Création romaine (vers -15/-10) Trame viaire orthonormée de 120 ilots, vers -15/-1 Importants terrassements, rues larges, emplacement central réservé pour le forum vers -15/-1 ; premiers habitats v-10/10 puis grandes domus vers 30/45 ; édifices publics à partir de 50
 Reims Oppidum gaulois 2 réseaux viaires vers -50/-10 puis vers -10/15 Fossé augustéen ; premier forum probable avant 4 (cénotaphe des Princes de la Jeunesse)
 Saintes Présence gauloise éparse Trame viaire vers 10/30 Camp augustéen ? ; arc vers 18 ; amphithéâtre vers 20/50
 Sens Agglomération gauloise possible Trame viaire vers 10/20 Dédicace des Princes de la Jeunesse vers 3
 Tours Agglomération gauloise Trame viaire  vers -10/20 Aménagements contre les crues de la Loire, empierrement des rues vers 20/30, habitations en terre-bois vers 10/40 reconstruites en pierre vers 40/50
 Vannes Création romaine vers -20/-10 Trame viaire vers 20/40 Enclos du futur forum vers -10/20 puis esplanade avec enclos paysagés vers 20/40 ; fanum de Bilaire vers -10/40

3 -La création, non moins incroyable, de plusieurs centaines de petites villes, villages et hameaux, les fameuses « agglomérations secondaires » (terme très discuté aussi mais finalement le moins mauvais possible). Certaines sont mêmes aussi grandes et monumentales que des chefs-lieux (Mandeure, Barzan, Argenton-sur-Creuse, Vendeuil-Caply…), question de financement sans doute. Quelques agglomérations sont d’anciens sites gaulois (oppida ou agglomérations ouvertes) comme Alésia ou Levroux.

Résumé :

  ConquêteTransformation en province Organisation administrative 
 Gaule du Sud-Est -125/-118 Transalpine, vers -118 ou vers -74/-72 puis Narbonnaise en -27/-22 29 cités (mais certaines provisoires : Agde, Carcassonne, Elne, Pezenas, Ruscino) ;
capitale = Narbonne
 Gaule « chevelue »-58/-51  Trois-Gaules certainement vers -27/-12 -Aquitaine : 24/25 cités ; capitale = Bordeaux  (Saintes peut-être au Ier ?)               
-Lyonnaise : 28 cités ; capitale = Lyon
-Belgique : 13 cités ; capitale = Reims puis Trèves à partir de la fin du IIIème s.
 Germanies -58/-51 2 districts v 12 puis provinces vers 83/85-Germanie Inférieure (au nord) : 6 cités ; capitale = Cologne
-Germanie Supérieure (au sud) : 19 cités probables ; capitale = Mayence
 Régions alpines -25/-13 3 provinces alpines (+ Alpes Pennines) vers 40/60-Alpes Pennines : 4 puis 1 cités ; capitale = Martigny
-Alpes Graies ou Grées : 1 cité ; capitale = Aime
-Alpes Cottiennes :14 puis 5 cités ; capitale = Suse
-Alpes Maritimes : 6 puis 9 cités ; capitale = Cimiez
 Corse -259 à -238Avec la Sardaigne en -227 puis province « indépendante » vers 67/69 ? -33 cités et 2 colonies selon Pline  ou 27 cités selon Ptolémée ;capitale = Aléria

4ème point : la romanisation des villes et la romanisation des champs…

1 –dans les villes et agglomérations, l’urbanisme « à la romaine » apparaît très lentement, en Narbonnaise, surtout vers -20/50 puis dans les Trois Gaules vers 20/80 (le décalage est logique mais pas très important). 

En Narbonnaise, les preuves de romanisation précoce dans l’architecture sont finalement assez nombreuses, on peut citer quelques exemples (non exhaustifs) : le premier rempart d’ Arles en grand appareil vers -125/-50, les décors peints du 1er style de l’île Sainte-Marguerite au -IIème s., les bains de Cornebarrieu vers -100/-70, les maisons de l’oppidum de Brignon vers -80/-40, le mausolée de Fugeret vers -75/-50, le grand enclos cultuel de l’oppidum de Constantine construit en « opus caementicium » (chaux et mortier) vers -75/-40, la 2ème enceinte de Jastres nord en Ardèche, utilisant de la chaux dans un « murus gallicus » vers -60/-50, le « fanum » de Vieille-Toulouse vers -50/-45, le riche décor peint des domus de la Verrerie vers -45 et des domus de Roquelaure près d’Auch vers -40/-20. A Glanum, le temple dit toscan du IIème s., la salle à gradins vers -120/-100, le nouveau centre monumental vers -90, des maisons « très italiques » vers -75 et les thermes vers -40/-20, à Arles…

Dans les Trois Gaules, on est tout de même surpris par la précocité de certaines constructions  à Lyon (avec utilisation de tuiles en terre cuite, décor d’enduits peints du 2ème style dès -60/-20), Saintes, Périgueux. Des oppida survivent même quelques temps à la conquête et s’adaptent au nouveau cadre (domus et possible « forum » à Bibracte) avant d’être abandonnés entre -10 et 40. Contrairement à une idée reçue, toutes les nouvelles villes ne se ressemblent pas (îlots de taille variable, tracé viaire pas forcément géométrique…). On peut noter le succès assez rapide des grands sanctuaires (sans doute en lien avec la politique religieuse d’Auguste), des places publiques (fora), des thermes, des arcs et la mise en place, plus lente, des théâtres (surtout à partir de 40/50) et des amphithéâtres (surtout à partir de 80/100). Succès assez rapide aussi des maisons à atrium et des domus à péristyle, succès plus lent de la maçonnerie pour les maisons modestes (beaucoup demeurent en torchis et « colombage » jusqu’à la 2ème moitié du Ier s). Selon M. Poux et S. Fichtl, trois monuments peuvent être considérés comme gallo-romains : le « fanum » (temple à cella centrée et galerie) apparu vers -30/20 et qui emprunte à la fois à l’architecture indigène (galeries périphériques de sanctuaires ou d’établissements ruraux) et aux temples italiques à plan concentrique, le théâtre non classique (en fer à cheval) apparu sous Auguste-Tibère (à Alba, Corent, Blicquy, Feurs, Argenton) et les grandes villae de plan axial (dite à avant-cou et pavillons multiples alignés) apparues plus tard vers 70/100 mais avec des fermes précoces (Famechon vers -75/-50, Verneuil-en-Halatte, Levet en Berry…) s’inspirant des grandes fermes gauloises qui ont une même division en partie aristocratique (future « pars urbana ») et partie rurale (future « pars rustica »).


2 –dans les campagnes, le changement est encore plus lent : il y a toujours des fermes « gauloises » et l’apparition progressive des fameuses villae (assez « romaines » aves salle de réception et thermes) à cour centrale dans le Midi et à galerie de façade dans le Nord.


3 –parmi les élites gauloises : on bâtit des tombes grandioses (à Saillans vers -40/-30, les Iulia à Glanum vers -20, Calvius Turpio à Lyon) ou plus modestes (un auxiliaire possible à Antran et un magistrat probable à Arras vers 10), on construit du « romain » (l’arc de Saintes et l’amphithéâtre de Lyon par les Rufii) sans renier ses origines (dans les inscriptions).


4-par les images, partout présentes et visibles de tous : images du nouveau pouvoir (statues et portraits, monnaies), images des nouveaux dieux (sur les mosaïques et peintures -pour les « riches »-, sur les céramiques sigillées et les figurines), images des nouveaux loisirs (les gladiateurs sur les lampes…).


5 –et partout, des nouveautés nombreuses dans la vie quotidienne : l’épigraphie (notamment pour les épitaphes qui concernent autant les citoyens que de nombreux pérégrins indigènes), l’onomastique (dénominations des personnes) et l’anthroponymie (noms indigènes déclinés en latin), la langue latine (prioritairement utilisée par l’administration et l’armée ; la langue gauloise se « réfugie » dans la magie mais pas seulement), la toge (mais fortement  concurrencée par l’habit traditionnel), les spectacles dans des monuments inconnus auparavant, les bains couverts, le moulin à eau, les fruits de mer, les mures et figues, les vignes (à partir du -IIème s. en Narbonnaise), les passoires, gobelets, bagues…


5ème point : les dieux se romanisent-ils ?

1 -il n’y a pas fusion ni de cohabitation de deux religions mais recomposition du « paysage religieux » : des cultes et des dieux gaulois se maintiennent (comme mythes ancestraux ?), des dieux indigènes, populaires, gardent leurs attributs et prennent des surnoms romains (épiclèses)  ou s’associent à une divinité romaine, des dieux romains prennent des qualificatifs gaulois. Par contre, les prêtres et les rites (sacrifices d’animaux, promesses d’offrande, ex-voto) sont uniquement romains (à l’exception peut-être des flamines de Mars Mullo, un « dieu hybride », par exemple) et les dieux romains dominent tout de même.


2 -une grande nouveauté : le « culte impérial ». En douceur, on commence par installer des portraits des membres de la famille impériale (statue d’Octave à Béziers en -35, buste de Marcellus à Arles en -26) et par faire des dédicaces (à Narbonne vers -10) puis on sacralise le pouvoir impérial (les décors des théâtres d’Arles et d’Orange sous Auguste) et  on construit des sanctuaires (l’Augusteum de Nîmes vers -25, le temple double de Glanum vers -15, le temple dynastique de Vienne vers -10, le sanctuaire augustéen de Limoges vers -10) puis on organise le culte (sous Vespasien en Narbonnaise).


3 -une seconde nouveauté : les lieux de culte gaulois, en bois, sont remplacés par des édifices en pierre, gréco-romains (la célèbre Maison Carrée de Nîmes), de tradition celte (le fanum) ou mixtes.


4 -une troisième nouveauté : la représentation figurée des divinités.

 La romanisation  ne fut jamais, d’après l’état des connaissances actuelles, une politique voulue et organisée. Elle fut en réalité un mélange, une fusion de deux systèmes, un rigide (le pouvoir central et ses représentants, les recensements, les impôts, le réseau routier) et un souple (autonomie locale, adhésion des élites, adoption lente d’un nouveau mode de vie). La romanisation prend appui sur des antécédents (territoires, institutions et élites gauloises). Finalement, le succès de la romanisation repose sur du « donnant-donnant » : adhésion à l’empire et à sa fiscalité contre une « liberté » administrative et religieuse ! L’autel des Trois Gaules, à Lyon, à partir de -12, symbolise bien cela : des gaulois romanisés, venus de chaque cité (sans doute sans contrainte !), célèbrent chaque année la gloire impériale. Et justement, comme le rappelle, P. Le Roux, il ne faut pas opposer Gaulois et Romains mais plutôt faire une distinction entre Gaulois romanisés et moins romanisés.

SOURCES :-revue L’Archéologue : La rencontre des cultures gauloise et romaine, n° 130, 2014 ; -Chesnais P. : Naissance des capitales de cité dans le nord-ouest de la Gaule, master 2015, Caen (étude sur 17 chefs-lieux ; visible sur Academia) ; -Clavé Y. : Le monde romain, Dunod, 2014 et 2017 (collection Portail, p 222-254 surtout) ; -Desjardins E. : Géographie historique et administrative de la Gaule romaine, 1885 ; -Faure P., Tran N., Virlouvet C. : Rome, cité universelle, Belin, 2018 (le débat sur la romanisation est traité avec clarté p 749-769) ; -Hurlet F. : Rome et l’Occident, PUR, 2009 ; dont, Les Trois Gaules : une construction romaine ? de X. Lafon et l’urbanisation des Trois Gaules de B. Pichon ; -Le Roux P. : La romanisation en question, Annales, 2004, 2, p 287-311 ; -Poux M. et Fichtl S. : Fana, theatra et villae : trois emprunts protohistoriques aux origines de l’architecture gallo-romaine, in Les modèles italiens dans l’architecture des IIè et Ier s. av. notre ére en Gaule et dans les régions voisines, p 449-482 ; -Schwentzel C-G. : Le monde romain, SEDES, 2014 ; -Schwentzel C-G., Lamoine L., Pichon B. : Le monde romain de 70 avant JC à 73 après JC, Armand Colin, 2015 ; -Tarpin M. : « Territoires celtiques », civitates gallo-romaines : quelle continuité ? in La Romanisation et la question de l’héritage celtique, Bibracte, 2006 ; -Vaginay M. et Guichard V. :Les modèles italiens dans l’architecture des IIè et Ier s. av. notre ére en Gaule et dans les régions voisines, Bibracte n° 30, 2019. ; -Wolff C. : Le monde romain, édition Atlante, 2014 ; -A signaler aussi un article gentiment impertinent et exact sur « comment devenir romain en 4 leçons » (revue ça m’intéresse Histoire, n°49) : « se faire pistonner par l’occupant -exercer une magistrature, décrocher la citoyenneté- ; adopter un mode de vie branché ; respecter le culte de l’empereur ; se lancer dans la viticulture ».

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